6.5.2. Hypothèse 2
« Il existe des ressources forestières
multi-usage, qui sont aussi bien convoitées par les populations locales
que par les exploitants forestiers. »
Les résultats de nos enquêtes nous ont permis
d'identifier 19 essences exploitées par les compagnies
forestières ayant une valeur de PFNL. Parmi ces essences uniquement 7
ont été utilisées par les populations durant le semestre
de l'enquête. Ces PFNL sont utilisés dans l'alimentation et la
pharmacopée traditionnelle. Cependant, dans certains cas, ce sont les
populations riveraines qui vendent ou abattent ces essences. Ainsi, elles
acceptent elles-mêmes de privilégier l'aspect financier
plutôt que de préserver la récolte de leur propre PFNLet
d'en tirer un profit à court terme.Ceci nous amène tout de
même à accepter l'hypothèse 2.
6.5.3. Hypothèse 3
Enfin, la troisième hypothèse s'articule comme
suit : « le contrôle des ressources
forestières est à l'origine de conflits entre les populations
locales et les compagnies forestières ».
Les résultats des enquêtes sur le terrain
montrent qu'il existe des impacts positifs liés à l'exploitation
forestière tels que : le développement des activités
économiques des villages, la prolifération de certains PFNL le
long des routes, la facilitation des activités agricoles, de cueillette
et de chasse à travers l'utilisation des pistes et des routes
forestières. Mais ces avantages ne sont pas durables. Car une fois que
la compagnie part ou change d'AAC, les populations perdent les avantages
qu'elles avaient.
Il existe également des points de discorde entre les
populations locales et les compagnies forestières.Il s'agit de
différents dus au fait que certaines essences comme le moabi, le sapelli
ou l'ayousqui sont à la fois utilisées par les populations
locales pour leur subsistance, leur revenu,etpar les compagnies
forestières pour le bois d'oeuvre disparaissent. Cette disparition est
surtout l'oeuvre des scieurs illégaux qui avec la complicité des
populations locales vendent les arbres pourvoyeurs de PFNL pour en tirer un
bénéfice à court terme. En plus, malgré le fait que
la plupart des prélèvements des PFNL aient lieu en forêt,
les AAC des compagnies sont situées à près de 25 km du
village le plus proche. Réduisant l'exploitation des arbres
utiliséscomme source PFNL par les concessionnaires. La
compétition existe plus entre le sciage illégal et l'exploitation
des compagnies.
De même, les populations se plaignent du faitque les
compagnies détruisent certains PFNL utiles, comme la mangue sauvage, le
njansang lors des abattages et de l'ouverture des pistes. Les routes et les
pistes forestières facilitent également le braconnage. Les bruits
des engins font fuir les animaux. Avec l'exploitation on assiste à des
cas d'infidélité conjugale et à une recrudescence du
VIH/SIDA. Ces impacts sont inhérents à l'exploitation
forestière. Dans la réalisation de leur activité, les
compagnies essayent de réduire les dégâts mais ne peuvent
pas les annuler.
Les populationsestiment que la compagnie n'emploie pas assez
de jeunes dans les villages et ne satisfait pas leurs doléances.Outre
ces aspects négatifs,les populations se plaignent de
lanon-rétrocession des RFA. Certains villages disent ne pas recevoir les
RFA.D'autres prétendent que les maires ne leur donnent par cette RFA
sous la forme qu'ils désirent.
Selon l'article 61 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994,
l'exploitation d'une concession forestière est assortie d'un cahier des
charges. Ce dernier comporte des clauses relatives aux aspects techniques et
des clauses relatives aux aspects financiers et socioéconomiques. Selon
les clauses financières les compagnies doivent participer à la
réalisation des infrastructures sociales à travers le payement de
la RFA. Les populations sont conscientes que les compagnies la payent, donc le
problème se trouve au niveau des communes. Toutes les autres
doléances émisespar les populations doivent être
négociées entre les populations, la compagnie et l'administration
et inscrites dans le cahier des charges durant une réunion de
concertation ou d'information.
Pour consolider les relations avec les populations et
être bien vu au niveau national ou international, en plus de la RFA et
des doléances, les compagnies peuvent assister les populations locales
dans la réalisation de certains projets sociaux qui ne sont pas inscrits
dans le cahier des charges. Ils peuventformer et employer les jeunes au niveau
local. A compétence égale, les riverains sont choisis
comparativement aux étrangers. Les compagnies ont
généralement plusieurs villages riverains et elles ne peuvent pas
employer tous les jeunes. Elles essayent donc d'employer les jeunes des
villages proches des AAC en cours d'exploitation.
Quant aux concessionnaires, ils sont mécontents du fait
que les populations étendent les surfaces cultivablesau détriment
des UFA, car ils veulent les conserver pour faire plusieurs rotations. Ils sont
aussi mécontents du fait que certains riverains pratiquent le sciage
artisanal dans les UFA et ils n'ont pas le droit de les arrêter. Lorsque
le contrôle de l'administration forestière arrive dans la
concession et que les compagnies ne peuvent pas justifier les arbres
coupés illégalement, elles endossent la responsabilité et
payent des amendes. Elles n'apprécient pas aussile fait que les
populations locales leur posent des doléances qui ne relèvent pas
de leur ressort et qu'elles ne peuvent satisfaire, à l'instar de
l'emploi des jeunes.
Nous constatons qu'il existe des germes de conflit entre ces
différentes parties. Des conflits plus potentiels que réels
liés au contrôle des ressources forestières existentbien
entre les concessionnaires et les populations.La troisième
hypothèse estdonc acceptée.
|