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En quoi les savoirs et pratiques locaux pourraient-ils contribuer à  regénerer les sols agricoles? étude de cas croisée au Burkina Faso et en Belgique


par Thomas Romaric KARAGA
Domaine des Sciences économiques et de gestion (ISES) de la Haute Ecole de Bruxelles-Brabant. - Bachelier en sciences économiques et de gestion, option Commerce et développement durable. 2021
  

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5.1 Annexe 1

Type de contact : entretien par vidéo-conférence sur Google meet

Date : 24 avril 2021

Durée : 50 minutes

Interlocuteur : Laurent Serteyn

Fonction : Agronome chargé de recherche (courriel : serteyn.l@greenotec.be)

Entreprise : ASBL Greenotec (Groupement de Recherche sur l'Environnement et d'Etude de Nouvelles Techniques Culturales), site internet : Greenotec.be/pages/presentation.html

Description : elle a été créée à l'initiative et à l'intention d'un groupe d'agriculteurs motivés par la recherche de solutions concrètes aux problèmes pratiques qu'ils rencontrent dans leur vie quotidienne dans l'adoption de Techniques de Conservation des Sols (TCS) sur leur exploitation.

Nombre de membres : 230

Localisation : Sterpisse, 126 B-5300 Bonneville (Belgique)

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Questions-réponses

Thomas Karaga : Bonjour, je suis Thomas KARAGA, et je suis étudiant en 3ème année de bachelier en commerce et développement durable, et dans le cadre de mon travail de fin d'études, j'ai choisi le thème de la conservation/régénération des sols au Burkina Faso et en Belgique, je veux faire une étude croisée des différents pratiques de conservation et régénération des sols. Et je vous ai choisis pour l'entretien, parce que j'ai vu sur internet, que vous êtes une ASBL qui aide les agriculteurs à mettre en place des techniques de conservation des sols ; et j'aurais quelques questions pour vous. Tout d'abord, je vais vous demander de vous présenter en quelques mots.

Laurent Serteyn : Oui, moi je m'appelle Laurent Serteyn, je suis ingénieur agronome, mais docteur en agronomie aussi. Je travaille à l'ASBL Greenotec depuis octobre 2020, donc c'est assez récent. Précédemment, je faisais une thèse de doctorat en entomologie, j'ai des connaissances à ce niveau-là aussi. Au sein de Greenotec, j'ai différents rôles, un peu comme dans toutes les équipes ; de mener des expérimentations en champs chez l'agriculteur ou avec des partenaires publiques ou privés, ça dépend. Avec les membres de l'équipe, on doit aussi communiquer beaucoup, pour vulgariser les résultats auprès du grand publique ou auprès d'autres agriculteurs ; et notre mission est de conseiller les agriculteurs sur base de nos recherches sur le terrain. On donne des conseils de pratique d'agriculture de conservation des sols à tout agriculteur qui le demande. J'ai aussi une mission, qui est de valoriser les produits de l'agriculture de conservation à leurs justes valeurs on va dire, de manière différenciée par rapport au circuit conventionnel.

Thomas Karaga : D'accord, merci beaucoup pour la réponse. J'aimerai savoir, quelles techniques utilisez-vous pour la conservation des sols ?

Laurent Serteyn : L'agriculture de régénération, comme on l'appelle chez nous l'agriculture de conservation, c'est un synonyme. Elle se base chez nous, sur 3

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piliers. Le premier pilier, c'est la couverture permanente du sol, donc on ne veut jamais laisser le sol à nu, il faut toujours qu'elle soit couverte par des plantes parfois vivantes, parfois détruites pendant un certain temps. Donc implanter des couverts d'interculture comme on les appelle, un mélange de plantes qui va couvrir le sol de la récolte de la culture principale ou celui de la culture suivante particulièrement l'hiver, c'est-à-dire les périodes plus sensibles à l'érosion, ça c'est un premier pilier. Le deuxième grand pilier, c'est l'allongement des rotations ; pour que le système fonctionne, il faut amener de la diversité végétale, il faut sortir d'un schéma classique composé de céréales, patates, betteraves et puis tourner sur une rotation courte. Au lieu de ça, il faut l'allonger avec d'autres cultures. En Wallonie, on va apporter du colza, différents types de céréales, du maïs. On va vraiment allonger le cycle de rotation, ce qui est bien important pour permettre une vie du sol, une santé du sol optimale. Le 3ème pilier, c'est la diminution du travail du sol, on bannit « le labour », le labour qui va avoir pour effet de retourner complètement le sol. Le but, c'est de passer en non-labour, ne plus retourner le sol, et l'autre extrême positif vers lequel on veut tendre c'est le « semi-direct » ; on sème directement les graines sur un sol qui n'a pas été du tout chamboulé, retourné, gratté. Et entre le labour et ce semi-direct, il y'a des techniques de travail du sol moins impactantes que le labour, mais qui permettent d'implanter la culture lorsqu'on n'est pas bien équipés en matériel. On peut que même passer avec des outils avec des outils avec des dents pour gratter le sol et permettre une bonne structure pour la plante qu'on veut planter. On peut faire mettre des disques pour remuer un peu la surface, c'est ce qu'on appelle les techniques culturales simplifiées. On travaille qu'à même le sol, plus légèrement et moins en profondeur qu'un labour.

Et ces trois piliers ensemble sont comme les piliers d'un tabouret donc si on retire un, le tabouret ne tiendrait plus. Les 3 sont importants, sinon le système n'est pas cohérent. Les 3 piliers vont permettre à postériori de réduire l'usage des intrants chimiques, on va réduire la dépendance au engrais synthétiques, ou aux herbicides, aux pesticides, aux insecticides. On dépend encore des herbicides pour détruire les couverts hivernaux. C'est donc pour le moment un point sur lequel on travaille pour trouver des alternatives et des techniques culturales qui permettent de réduire les herbicides, même s'il est plus compliqué que les autres.

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Et tout ça, pour combiner, va permettre de régénérer la vie du sol, le fait d'apporter beaucoup de matières organiques, parce qu'on va essayer de toujours ramener la matière organique comme du fumier. On va aussi restituer les déchets, les résidus de la culture. Par exemple, la paille qu'on va hacher et laisser sur le sol, donc en amenant beaucoup de matière organique, on va nourrir la vie du sol, on va nourrir les verres de terre, les microorganismes qui vont décomposer tout ça, et on va créer un cycle biologique vertueux qui va conduire à la fertilité naturelle du sol progressivement. Et c'est grâce à toutes ces matières organiques qu'on va avoir une structure du sol optimale pour la plante et pouvoir se passer progressivement des machines. Le fait d'avoir une bonne vie du sol va améliorer la chimie du sol et la disponibilité en minéraux et oligoéléments.

Thomas Karaga : D'accord, et quels ont été les résultats de ces techniques ?

Laurent Serteyn : Ces résultats, ils sont en permanente évolution, on n'est pas dans un système abouti. Le principe même de l'agriculture de conservation, c'est qu'on est en permanente amélioration et recherche de s'améliorer ; donc on n'a pas de résultats finis, ou on est contents et on a un système miracle qui fonctionne. Il faut savoir que lorsqu'on parle de sol, on parle de tout un écosystème ; et qui dit écosystème dit variétés d'organismes vivants, mais aussi de type de sols différents. Parfois, on a plus de teneur en argile, parfois c'est plus calcaire, parfois c'est plus caillouteux, parfois c'est plus sableux ou limoneux. Et chaque fois qu'on a un type différent, les techniques doivent être adaptées et les solutions qu'on croyait bonnes d'un côté, ne seront pas forcément bonnes sur un autre type de sol ; c'est ce qu'il faut bien comprendre. Il faut bien comprendre aussi que nous, on est une ASBL créée par des agriculteurs, un groupe d'agriculteurs ; qui sont pionniers depuis... la plupart du temps depuis 20, 25 ans, qui ont arrêté de travailler leur sol par le labour et qui ont voulu se concerter et se coordonner pour expérimenter, centraliser les résultats de nos études plus facilement, et plus efficacement. Mais, donc comme on est un groupe d'agriculteurs à la base, il faut qu'on soit vraiment attentifs à la cohérence de nos pratiques à l'échelle de la ferme. On prête une attention à ce que l'agriculteur maintienne des rendements satisfaisants. Première chose, surtout avec le prix de vente des produits de l'agriculture de conservation qui sont dans le circuit conventionnel, donc l'agriculteur ne doit pas prendre des risques, il doit maintenir

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des rendements, il doit aussi financièrement se retrouver, il doit avoir un bilan comptable qui tienne la route. On ne peut pas dire à l'agriculteur : « achète cette machine, elle est géniale, elle va faire fonctionner votre système », parce qu'il a des investissements, on doit tenir compte de son état actuel en contraintes, en habitudes... ça c'est vraiment important de bien comprendre. Même sur la Wallonie qui a un petit territoire, il y'a des fermes voisines qui n'ont pas forcément les mêmes sols, donc il faut bien faire attention à cela. De manière très générale, pour te faciliter un peu la vie, je peux déjà dire que les systèmes qu'on appelle « polyculture élevage » sont les plus adaptés à ce modèle agricole. Pourquoi ? Parce que la place de l'élevage au sein de l'exploitation va permettre premièrement d'amener beaucoup de matières organiques au sol, mais aussi grâce à la présence de l'élevage, l'agriculteur va pouvoir valoriser des cultures différentes, ça va le pousser et permettre d'allonger les rotations. Et donc de valoriser les couverts, parfois des couverts d'interculture pour les moutons ou de valoriser des cultures à finalité fourragères, ou des prairies temporaires dans la rotation ; tout ça pour aider le système de conservation des sols à fonctionner. C'est un truc à retenir, c'est la polyculture-élevage qui est le plus prometteur. Ou alors la très proche collaboration et coopération entre cultivateurs et entre éleveurs. Il faut qu'il y'ait une collaboration et une étroite discussion entre eux, c'est vraiment important. Les résultats, on les voit par exemple lorsqu'on arrête de labourer, on voit plus de verres de terres. Donc on a plus de verres de terres dans un champs de l'agriculture de conservation que dans un champ qui est labouré chaque année, et les verres de terres sont à la base de toute la structure du sol et de l'enfouissement de la matière organique qui a pleins de vertus. Donc ça, on l'observe, on l'a observé, et c'est un résultat qui est flagrant. On voit aussi que les couverts végétaux vont améliorer la structure du sol, vont maintenir la structure du sol, vont limiter l'érosion. On voit beaucoup de témoignages d'agriculteurs qui disent que depuis qu'ils sont allés dans ce système-là, ils n'ont plus vu de coulées de boue le long des routes quand il y'a des pluies et donc ça a aussi un impact sur la société et les finances de la commune, par exemple qui doit nettoyer la route ; et ça on l'oublie un peu vite, mais c'est un service rendu par l'agriculteur de passer dans un tel système. Ce sont des résultats très concrets que l'on observe tous les jours dans ce système.

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Thomas Karaga : D'accord, merci. Selon vous, quel avenir cette technique a-t-il ? Et pensez-vous que l'on réussira à s'en passer de l'agriculture industrielle ?

Laurent Serteyn : En fait l'agriculture de conservation comme on l'entend en Wallonie est très bien adaptée, il maintient les rendements, sur des cultures industrielles, sur des grandes surfaces. C'est un modèle agricole qui est transposable à un grand nombre de contextes. Ça c'est une première chose, la deuxième chose qui est un point négatif, c'est que parfois, les industries agroalimentaires demandent une pureté irréprochable des produits, ou alors quand l'agriculteur doit produire des semences, il ne faut pas qu'il y'ait d'autres semences dedans. Il y'a parfois des industries agroalimentaires qui obligent l'agriculteur à labourer son champ pour être sûr qu'il n'y ait pas de mauvaises herbes dans le champ, parce que le labour permet vraiment d'enfouir toutes les mauvaises herbes ; et donc là c'est un frein. En fait, on pourrait ne pas labourer et produire qu'à même de très bons produits et ça se passerait très bien, mais ils devraient payer un peu plus cher ou trier un peu mieux leurs produits. Donc oui, c'est totalement transposable, on peut faire à grande échelle, on peut généraliser cette pratique, ça va marcher, et ça on est convaincus. S'il y'a de l'aide à l'investissement pour les agriculteurs, ça implique plein d'autres choses, mais il faut aussi de l'aide publique pour faciliter la transition, il faut du conseil indépendant pour aider l'agriculteur à franchir le pas et améliorer ses pratiques. Mais c'est un système qui peut marcher pour l'ensemble des cultures ; avec des cultures plus ou moins faciles. C'est donc plus facile de faire de la céréale en agriculture de conservation que de la betterave par exemple. Parce que pour la betterave, on va devoir travailler le sol en profondeur, ou alors quand on va récolter les betteraves, on va abimer la structure du sol. Donc il y'a des cultures plus simples que d'autres, mais on y travaille pour améliorer. Et donc, notre travaille tous les jours, ici chez Greenotec c'est rechercher des solutions pour les cultures comme la betterave, les pommes de terre, les céréales, et le colza. Alors pour l'autre partie de ta question, l'évolution, en fait l'agriculture de conservation en Belgique est très dépendante du glyphosate pour le moment. Comme on couvre les champs toute l'année par les plantes avant de semer la culture suivante, il faut les détruire ; et si on ne peut pas labourer pour les détruire, et bien ça devient compliqué. Alors on amène des moutons, on va broyer pendant

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le gèle etc... Mais il y'a souvent un moment, pas forcément systématiquement, on est très dépendant de la voie chimique pour évacuer tout le couvert et avoir un sol propre, sans d'autres plantes pour pouvoir semer la culture suivante. Et là pour le glyphosate, il n'y a pas encore d'alternatives aussi efficaces, en sachant qu'on ne pulvérise jamais le glyphosate sur une culture qui va être récoltée. Mais il n'y a pas d'alternatives suffisamment efficaces au glyphosate, or il y'a des grandes chances que dans quelques années, il soit totalement interdit. Et donc, on cherche des alternatives, et notre gros challenge c'est les recherches qu'on mène aussi en partenariat avec d'autres structures, c'est de concilier l'agriculture biologique à l'agriculture de conservation, non seulement on va essayer de se passer de labour ; or l'agriculture biologique doit labourer de temps en temps ; et d'un autre côté, se passer d'intrants chimiques ; or que pour le moment l'agriculture de conservation a besoin de produits chimiques et de produits phytosanitaires. Et donc là, on est dans deux visions de l'agriculture, que l'on va essayer de rejoindre, et pour le moment, techniquement parlant, on ne sait pas encore le faire. On n'a pas encore les connaissances matérielles, ni le recul nécessaire à cette agriculture bio de conservation, mais notre objectif à long terme, c'est d'y arriver. Peut-être qu'on n'y arrivera jamais, mais ce n'est pas grave, on cherche en tout cas.

Thomas Karaga : J'espère qu'on va y arriver. Pensez-vous que les agriculteurs obtiennent un rendement plus élevé en pratiquant l'agriculture régénératrice ou avec les produits chimiques ?

Laurent Serteyn : En fait, dans le sens ou nous on l'entend, dans l'agriculture de conservation, on utilise des produits chimiques, donc l'agriculteur arrive à maintenir des rendements souvent équivalents à l'agriculture conventionnelle avec labour et produits chimiques. Il y'a parfois des baisses de rendement, surtout les premières années. Au moment du temps de transition d'un système avec labour, pour passer à un système sans travail du sol, il y'a un moment où il faut rétablir la vie du sol avec la matière organique. Donc souvent la première année, il peut y avoir des baisses de rendement et donc une baisse de revenu pour l'agriculteur. Mais souvent après, on a une remontée, et parfois on peut même dépasser les rendements de l'agriculture conventionnelle avec labour. Ce n'est pas une vérité absolue comme je l'ai dit, ça dépend des régions, du sol, de

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l'agriculteur, de la culture et des machines. Donc je ne peux pas dire d'office qu'il y'a des améliorations de rendements, mais parfois on observe l'inverse, parfois on a des diminutions de rendement. Mais parfois, ce n'est pas grave, ce qui est vraiment important, on a qu'à même des diminutions de rendements plutôt que de l'amélioration, c'est quelque chose qu'on observe Par contre, outre le rendement, il y'a le bilan financier à la fin de l'exploitation. Et donc l'avantage de l'agriculture de conservation, c'est que l'agriculteur va dépenser moins de carburant, moins de mazout pour aller labourer, il va passer moins souvent dans les champs, moins souvent les machines pour travailler le sol, ou traiter ses cultures, parce qu'il met moins de pesticides, ça va réduire le cout également. Donc il y'a toute une série de travaux, de chantiers sur la ferme qui sont diminués, et donc qui diminuent les coûts de l'agriculteur, même s'il y'a diminution de rendement, le bilan financier final est plutôt meilleur que l'agriculture conventionnelle avec labour.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"