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Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international public


par Mariette Amandine Fleur GNAMBA
Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d'Ivoire) - Master 2 Spécialité Droit public 2017
  

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Paragraphe 1. Le contenu du principe de non refoulement

Pour étudier le principe de non refoulement, il convient de rappeler sa base juridique et sa signification (A). Son caractère coutumier sera également étudié (B).

A. De la base juridique et de la signification du principe de non refoulement

La principale base juridique du principe de non-refoulement est l'article 33 de la convention sur les réfugiés de 1951 qui stipule qu'« aucun des États Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques »88. Une autre base du principe est l'article 3.1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants89 qui dispose qu' « aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture ». Le principe est également reconnu par l'article 7 du pacte international des droits civils et politiques90. La convention européenne des droits de l'Homme91 en son article 3 et l'article 2 (3) de la Convention de l'Organisation de l'Unité

88 Convention de Genève sur les réfugiés, 1951.

89 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, entrée en vigueur le 26 juin 1987, 1984.

90 Seline TREVISANUT, « The Principle of Non-refoulement at Sea and the Effectiveness of Asylum Protection », loc. cit., p. 213.

91 Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

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Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des refugiés en Afrique92 contiennent des dispositions à la formulation similaire.

Le refoulement est selon le glossaire de la commission européenne en 2012 le « renvoi d'un individu de quelque manière que ce soit par un État vers le territoire d'un autre État où il pourrait être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ; ou bien où il pourrait être victime de torture »93. A contrario, le non-refoulement est, selon le même glossaire, le « principe fondamental du droit des réfugiés interdisant aux États d'éloigner ou de refouler, de quelque manière que ce soit, un réfugié vers des pays ou territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée »94.

Le réfugié doit répondre à plusieurs critères pour obtenir ce statut. Selon la Convention de Genève du 28 juillet 1951, le refugié est « toute personne craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Il doit avoir une crainte justifiée d'une persécution liée à la race, la religion, la nationalité, l'opinion politique ou l'appartenance à un groupe social. La personne concernée doit également se trouver hors du pays dont elle a la nationalité95. Le champ d'application du principe de non-refoulement est donc intrinsèquement lié à la définition du réfugié. Ainsi, le principe ne s'applique pas aux personnes qui restent dans leur pays de résidence. Les obligations tirées du principe de non-refoulement sont principalement négatives. La condition la plus importante est l'effet du refoulement, c'est-à-dire mettre en danger les personnes concernées et les exposer à des risques de mort ou de torture.

92 Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des refugiés en Afrique du 26 juin 1981.

93 COMMISSION EUROPÉENNE, Glossaire 2.0 sur l'asile et les migrations, Un outil pour une meilleure comparabilité, op. cit., p. 165.

94 Ibid.

95 Roméo Koïbé MADJILEM, La protection juridique des réfugiés et déplacés climatiques à assurer par les organisations régionales. Rôle de l'Union Africaine, Thèse en vue de l'obtention du doctorat de Droit public de l'Université Paris Nanterre, Université Paris Nanterre, 2017, p. 31.

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Le principe a deux aspects essentiels : l'application à tous les réfugiés96 et l'obligation d'évaluation de la situation individuelle des réfugiés97. Cette obligation d'examen est exigée par la Convention de Genève de 1951. Ces dispositions s'appliquent à tous les réfugiés. Par ailleurs le statut de réfugié est déclaratoire : ce statut n'a pas besoin d'une reconnaissance quelconque. Il faut protéger les réfugiés sans discrimination et respecter le principe de non refoulement98. Ce principe impose pour obligations aux États de ne pas expulser de leur territoire certains individus ou groupes de personnes présents sur leur territoire vers les pays de persécution99.

Le principe de non refoulement n'accorde pas automatiquement l'asile100. Il est également différent du rejet à la frontière. Il impose une identification et une procédure individuelle pour voir si la personne concernée a droit au statut et aux droits accordés aux réfugiés. La reconnaissance de ce statut est déclaratoire et non constitutive101.

La Cour européenne des droits de l'homme en fait une application jurisprudentielle avec l'arrêt Hirsi Jamaa du 2 février 2012102. Les faits de l'affaire sont les suivants : un groupe de 200 personnes quittent la Lybie à bord de 3 embarcations dans le but de rejoindre les côtes italiennes. Le 6 mai 2009, les embarcations furent approchées par 3 navires italiens à 35 milles marins au sud de Lampedusa. Les occupants furent transférés sur les navires italiens et reconduits à Tripoli contre leur gré. Parmi les 200 migrants, 11 ressortissants somaliens et 13 ressortissants érythréens ont saisi la CEDH d'une requête le 26 mai 2009 en vertu de l'article 34 de la convention EDH. Ils allèguent que leur transfert vers la Lybie par les autorités italiennes avait violé les articles 3 de la CEDH et 4 du Protocole n°4 et ils dénonçaient l'absence d'un recours conforme à l'article 13 de la convention.

96 Sophie RODEN, « Turning their Back on the Law? The Legality of the Coalition's Maritime Interdiction and Return Policy », paper in fulfillment of requirements for honours in law, the Australian National University Paper, (2013), p. 6.

97 Ibid., p. 8. ; Kiara NERI, « Le droit international face aux nouveaux défis de l'immigration clandestine en mer », loc. cit., p. 151.

98 Ludivine RICHEFEU, Le droit pénal face à la migration transfrontière, op. cit., p. 176.

99 Seline TREVISANUT, « The Principle of Non-refoulement at Sea and the Effectiveness of Asylum Protection », loc. cit., p. 4.

100 Maarten DEN HEIJER, « Europe beyond its Borders: Refugee and Human Rights Protection in Extraterritorial Immigration Control » dans Bernard Ryan et Valsamis Mitsilegas, Extraterritorial Immigration Control. Legal Challenges, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, p. 188.

101 Killian S. O'BRIEN, « Refugees on the High Seas: International Refugee Law Solutions to a Law of the Sea Problem », loc. cit., p. 16.

102 COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 2012.

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La Cour a estimé que l'Italie avait sous son contrôle continu en droit et en fait les requérants. Ensuite, en se référant à la situation en Lybie depuis 2010, les juges ont estimé que le risque de torture et de mauvais traitements systématiques engageait la responsabilité des autorités italiennes. D'ailleurs en 1989, l'article 3 de la convention EDH avait déjà trouvé une application jurisprudentielle dans l'affaire Soering103. Monsieur Soering, ressortissant allemand, était détenu en Angleterre en attendant son extradition vers l'État de Virginie aux États-Unis d'Amérique où il y était accusé de meurtre. Il risquait d'être condamné à la peine capitale et donc de subir le « syndrome du couloir de la mort ». Selon la Cour, ce syndrome représente un traitement dégradant. Cet arrêt instaure le principe selon lequel en présence de motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le livre à un État, y courra un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la responsabilité de l'État qui l'expulse sera engagée à raison d'un acte exposant autrui à des traitements prohibés par l'article 3104.

La Cour a donné raison aux requérants parce qu'il y a effectivement violation de l'article 3 de la convention EDH du fait de leur expulsion et du risque de subir de mauvais traitements et d'être rapatriés. Elle a ainsi condamné l'Italie pour avoir reconduit en Libye des migrants somaliens et érythréens interceptés en mer105.

L'affaire Khlaifia contre Italie a des faits similaires et a vu la condamnation de l'Italie sur les mêmes bases juridiques de l'interdiction des expulsions collectives106.

Les exceptions au principe de non-refoulement sont rares et très réglementées. L'État n'a aucun devoir, aucune obligation de concéder l'asile à personne. En réalité, il s'agit d'un droit de l'État à accorder l'asile à l'individu et non pas d'un droit de l'individu à l'asile107. Cependant, l'individu ne peut être renvoyé et refoulé que selon des conditions bien précises dans la convention de Genève sur les réfugiés. Le principe de non-refoulement n'est pas une obligation

103 COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME, Soering c. Royaume-Uni, 1989.

104 Arnaud MONTAS, « Les migrants maritimes devant la Cour européenne des droits de l'Homme » dans Patrick Chaumette, Espaces marins :surveillance et prévention des trafics illicites en mer, 2016, p. 157.

105 Émilie DERENNE, Le trafic illicite de migrants en mer méditerranée : une menace criminelle sous contrôle ?, op. cit., p. 58.

106 COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME, Khlaifia et a. c. Italie, 2015.

107 Sompong SUCHARITKUL, « Quelques questions juridiques à l'égard des «boat people» en tant que réfugiés politiques », loc. cit., p. 4.

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d'accepter le débarquement. Mais en pratique il force les États à accorder un accès, même temporaire, à leurs territoires pour les procédures d'identification108.

Mais à quels États toutes ces règles concernant le principe de non-refoulement s'appliquent-elles ? Autrement dit le principe de non-refoulement est-il de nature coutumière et donc d'application universelle ?

B. La question du caractère coutumier du principe de non refoulement

La question du caractère ou non coutumier du principe de non refoulement est importante car elle permet de savoir si les États non parties à la Convention sont astreints à son respect. Sur ce point, deux thèses s'affrontent : la thèse du caractère non coutumier et la thèse dominante selon laquelle le principe fait partie du droit coutumier international.

Le premier camp est celui de James Hathaway selon lequel, le principe n'a pas rang de principe coutumier en droit international mais la pratique internationale, le camp adverse, indique le contraire. Il n'y a pas de consensus général sur la nature coutumière du principe de non refoulement. Il existe un véritable débat doctrinal à ce sujet. Le premier camp accorde un tel caractère au principe tandis que l'autre le lui dénie109.

James Hathaway est la principale figure du déni de ce caractère coutumier. James Hathaway est une référence en droit international humanitaire110. Pour qu'il y ait coutume en droit international, il faut deux éléments : l'existence d'une pratique ayant une certaine récurrence et l'opinio juris c'est-à-dire la conviction d'appliquer le droit. Selon James Hathaway, ces deux éléments manquent pour que le principe de non refoulement soit considéré comme un principe coutumier.

En effet, dans son ouvrage intitulé « The Rights of Refugees under International Law » paru en 2005, il estime que l'opinio juris n'a pas été constituée. De nombreux États ont en effet retourné des réfugiés dans des pays dangereux pour leur vie et leur liberté. Il n'y a donc pas

108 Killian S. O'BRIEN, « Refugees on the High Seas: International Refugee Law Solutions to a Law of the Sea Problem », loc. cit., p. 731.

109 Barbara MILTNER, « Irregular Maritime Migration: Refugee Protection Issues in Rescue and Interception », Fordham International Law Journal, vol. 30. Issue 1,Article 3 (2006), p. 27.

110 Sophie RODEN, « Turning their Back on the Law? The Legality of the Coalition's Maritime Interdiction and Return Policy », loc. cit., p. 4.

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assez d'éléments de pratique et d'opinio juris, éléments essentiels pour constituer une coutume, pour affirmer que le principe est une règle coutumière du droit international111.

Le camp du caractère coutumier prend pour appui la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice dans son arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci112. Dans cet arrêt, la Cour affirme que lorsqu'un État ne respecte pas une règle reconnue et se défend en invoquant des exceptions à cette règle, cela confirme la force de la norme elle-même. Ainsi, la pratique des États peut être vue comme renforçant la force légale de la norme. Aussi, la CIJ précise que la pratique des États signifie qu'elle doit être généralisée et non strictement universelle113.

Le camp du caractère coutumier se base également sur le Protocole de 1967 à la convention sur les réfugiés spécifiquement sur son article 1 (1) qui dispose que « Les États parties au présent Protocole s'engagent à appliquer aux réfugiés, tels qu'ils sont définis ci-après, les articles 2 à 34 inclus de la Convention » donc l'article 33 de la convention sur les réfugiés qui est la base juridique du principe de non-refoulement.

Il est admis dans la pratique internationale que le principe de non refoulement est coutumier. Selon le glossaire de l'UE sur la migration, « le principe de non-refoulement fait partie du droit international coutumier et est, de ce fait, obligatoire pour tous les États, qu'ils soient ou non signataires de la Convention de Genève de 1951 ». Aussi, le comité exécutif du HCR dans sa conclusion n°25 de 1982 l'a confirmé également.

Une autre polémique existe dans la pratique internationale sur l'étendue territoriale du principe de non-refoulement. Si le caractère coutumier répond à la question des États concernés par l'application du principe de non-refoulement, ici il faudra répondre à l'interrogation suivante : où s'applique le principe ?

111 James MANSFIELD, « Extraterritorial Application and Customary Norm Assessment of Non-Refoulement: The Legality of Australia's «Turn-Back» Policy », The University of Notre Dame Australia Law Review, vol. 17. (2015).

112 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua contre États-Unis), 1986.

113 Francesco MESSINEO, « Non-refoulement Obligations in Public International Law: Towards a New Protection Status » dans Satvinder Juss (ed), Research Companion to Migration Theory and Policy, , Ashgate, 2013, p. 17.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams