B. La responsabilité des États dans leurs
zones de recherche et de sauvetage
La Convention sur la recherche et le sauvetage maritime (SAR)
permet la coopération et une coordination de l'action des États
en matière de secours en mer.
Il est obligatoire pour l'État côtier de
s'assurer qu'une assistance soit fournie aux personnes en détresse en
mer. Le chapitre 2 § 2.1.1 prévoit que « Les Parties veillent
à ce que les dispositions nécessaires soient prises pour que les
services requis de recherche et de sauvetage soient fournis aux personnes en
détresse en mer au large de leurs côtes »75.
Aussi, le chapitre 2 § 2.1.9 : « Lorsqu'elles sont
informées qu'une personne est en détresse en mer, dans une
région où une Partie assure la coordination
générale des opérations de recherche et de sauvetage, les
autorités responsables de cette Partie prennent de toute urgence les
mesures nécessaires pour fournir toute l'assistance possible
»76.
Les États ne doivent pas opérer de
discriminations à cette fin selon le chapitre 2 § 2.1.10 « Les
États Parties doivent s'assurer que l'assistance puisse être
octroyée à toute personne en
73 « Convention sur la recherche et le sauvetage
maritimes (SAR) adoptée le 27 avril 1979; entrée en vigueur le 22
juin1985 », loc. cit., chapitre 3 § 3.1.9.
74 Marcello DI FILIPPO, « Irregular migration
accross the mediterranean sea: problematic issues concerning rules of safeguard
at sea », Paix et Sécurité Internationales, Num. 1
(janvier 2013), p. 65.
75 « Convention sur la recherche et le sauvetage
maritimes (SAR) adoptée le 27 avril 1979; entrée en vigueur le 22
juin1985 », loc. cit., chapitre 2 § 2.1.1.
76 Ibid., chapitre 2 § 2.1.9.
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détresse en mer et ce indépendamment de la
nationalité ou du statut de cette personne ou des circonstances dans
lesquelles cette personne a été trouvée
»77.
Le chapitre 3 § 3.1.1 oblige les parties à se
coordonner pour assurer le sauvetage. En effet, « Les Parties coordonnent
leurs services de recherche et de sauvetage et devraient, chaque fois que cela
est nécessaire, coordonner leurs opérations de recherche et de
sauvetage avec celles des États voisins »78.
L'obligation d'assistance signifie que les survivants doivent
être débarqués des navires qui les ont assistés et
être placés en lieu sûr. Quand un navire repère une
embarcation dans une situation de détresse, il est tenu de
prévenir l'État responsable de la zone SAR dans laquelle il se
trouve, puis de venir en aide à l'embarcation en attente d'une escorte
vers un port jugé sûr et préalablement
défini79. Cette obligation est contenue dans le chapitre 3
§ 3.1.6, alinéa 4 : « Toute Partie devrait autoriser ses
centres de coordination de sauvetage [...] à prendre les dispositions
nécessaires, en coopération avec d'autres RCC, pour identifier le
ou les lieux les plus appropriés pour débarquer des personnes
trouvées en détresse en mer »80.
Les États doivent accueillir les rescapés de
leurs zones de responsabilité SAR. Les États côtiers
doivent établir un système de sauvetage effectif et
coopérer avec leurs voisins. La coopération implique l'action, se
réunir pour produire un résultat comme les négociations ou
la création d'institutions. Le refus de négocier équivaut
à un non-respect de cette obligation. C'est une obligation de moyens et
non de résultats81.
L'identification du lieu de débarquement a
été précisée par les amendements de 2006 des
conventions SAR (art 3.1.9) et SOLAS (art 4.1-1). Mais les problèmes ne
sont pas résolus ; l'État responsable de la zone SAR n'est pas
dans l'obligation totale de recevoir les personnes secourues82. Il
est un devoir pour les États de porter secours aux personnes en
détresse en mer, mais il n'y a pas d'obligation d'accepter le
débarquement de ces personnes. Ainsi, il est très courant que ces
personnes soient bloquées pendant deux semaines sur un navire avant de
poser
77 Ibid., chapitre 2 § 2.1.10.
78 Ibid., chapitre 3 § 3.1.1.
79 Mohammed AL SAADI, L'immigration
illégale et la sécurité intérieure en France et au
Qatar, Thèse de doctorat Présentée en vue de
l'obtention du grade de docteur en Droit international de l' Université
Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2018, p. 254.
80 « Convention sur la recherche et le sauvetage
maritimes (SAR) adoptée le 27 avril 1979; entrée en vigueur le 22
juin1985 », loc. cit., chapitre 3 § 3.1.6, alinéa
4.
81 Jasmine COPPENS, « Search and Rescue »,
loc. cit., p. 2.
82 Marcello DI FILIPPO, « Irregular migration
accross the mediterranean sea: problematic issues concerning rules of safeguard
at sea », loc. cit.
21
pied à terre83. Les États refusent
très souvent encore l'accès à leurs eaux territoriales
sous prétexte qu'il n'y a pas de preuves de la présence de
réfugiés à bord qui justifie l'entrée du navire.
C'est un exemple de la tendance à transférer la frontière
maritime aux frontières terrestres84. Mais il est très
difficile de créer un devoir de permettre le débarquement car
cela se confronte à la souveraineté de l'État en cause. Ce
pourquoi il n'existe pas de conventions actuelles qui contiennent une telle
obligation juridique85.
Dans l'histoire il y a eu malheureusement des incidents qui
ont défrayé la chronique et qui sont la preuve d'un mouvement
hostile à l'accueil des migrants particulièrement dans les pays
occidentaux qui sont la principale destination que ceux-ci cherchent à
rejoindre.
Ainsi le 20 juin 2004, le cap Anamour un navire qui a secouru
37 migrants en Méditerranée, s'est opposé au refus de
débarquement de la part de l'Italie. Il les a secourus en haute mer dans
le canal de Sicile. Le navire s'est par la suite arrêté à
Malte pour des réparations, sans toutefois signaler la présence
à bord des migrants. Puis, il a repris sa route jusqu'en Italie
où les migrants souhaitaient demander l'asile. L'Italie a
empêché le navire d'entrer dans sa mer territoriale, arguant de ce
que, conformément à l'article 10 du Règlement 343/2003 du
18 février 2003 de l'Union européenne, c'est Malte, en tant
qu'État de première arrivée, qui devait examiner les
demandes d'asile des migrants. Le 12 juillet 2004, l'Italie autorisa finalement
le débarquement des migrants, examina leurs demandes d'asile et les
rejeta toutes. Le capitaine et l'équipage du Cap Anamour furent
arrêtés pour violation de la législation italienne en
matière d'immigration, avant d'être libérés par la
suite86.
L'absence d'obligation d'accepter le débarquement sur
son territoire pose un véritable problème pratique, juridique et
politique. Dans la pratique, cela signifie que les migrants peuvent rester des
jours, des semaines dans des conditions inhumaines sans soins, sans nourriture
adéquate tout ceci en pleine mer. Au plan juridique, le
débarquement vers un lieu sûr est nécessaire pour
déclarer la fin des opérations de sauvetage. Au niveau politique,
s'ensuivent
83 Jasmine COPPENS et Eduard SOMERS, « Towards
New Rules on Disembarkation of Persons Rescued at Sea? », loc.
cit., p. 1.
84 Seline TREVISANUT, « The Principle of
Non-refoulement at Sea and the Effectiveness of Asylum Protection »,
Max Planck Yearbook of United Nations Law (Max Planck Institute for
Comparative Public Law and International Law), vol. Vol 12. (2008), p.
18.
85 Killian S. O'BRIEN, « Refugees on the High
Seas: International Refugee Law Solutions to a Law of the Sea Problem »,
Goettingen Journal of International Law, vol. 3. no 2
(2011), p. 9.
86 Maurice KAMTO, Migrations de Masse,
op. cit., p. 182.
des négociations houleuses entre les États sur
leurs responsabilités et des incidents diplomatiques.
De plus, de nombreux mécanismes juridiques sont
établis par les États pour se soustraire à leurs
obligations. C'est l'exemple de l'Espagne qui paye pour éviter l'afflux
de migrants. Il s'agit du cas du navire Marine I qui a recueilli à son
bord environ 300 migrants venant de Guinée le 30 janvier 2007. Il se
trouvait dans la zone de recherche et de sauvetage du Sénégal
mais celui-ci a demandé à l'Espagne d'effectuer le sauvetage par
manque de moyens. Le 4 février, l'Espagne a fourni des vivres au navire
et a entamé des discussions avec le Sénégal et la
Mauritanie. Le 12 février, un accord est trouvé entre les trois
pays. L'Espagne a payé 650.000 euros pour que la Mauritanie accepte le
débarquement des migrants. La Guinée a accepté de
recueillir 35 passagers87.
Le droit de la mer n'est pas la seule branche du droit
international public qui lie les États. Le principe de non-refoulement
est un autre principe consacré en droit international des
réfugiés auquel les États doivent se plier.
22
87 Ibid., p. 190.
23
SECTION 2. LE DROIT INTERNATIONAL DES RÉFUGIÉS
ET LE PRINCIPE DE NON REFOULEMENT
Le principe de non refoulement est un principe comportant une
obligation pour tous les États contractants de ne pas renvoyer les
migrants dans des lieux dangereux pour leurs droits élémentaires.
Il importe de l'étudier pour en examiner les contours (Paragraphe 1).
Ensuite sera abordée la question de son application rationae loci
qui détermine les responsabilités de l'État fautif
(Paragraphe 2).
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