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Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international public


par Mariette Amandine Fleur GNAMBA
Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d'Ivoire) - Master 2 Spécialité Droit public 2017
  

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CHAPITRE 2. UN RÉGIME JURIDIQUE PERFECTIBLE

Il est difficile d'avoir un régime juridique uniforme et cohérent sur l'océan. Le droit de la mer n'a de cesse de morceler l'espace maritime planétaire. Ainsi, il y a aujourd'hui une dispersion du corps normatif312. Cependant, les carences du droit en vigueur peuvent être surmontées par la clarification de termes- clés dans son application (Section 1). Mais au-delà de cette solution, l'on peut s'interroger sur l'idée d'un changement de paradigme complet sur le rôle de l'État dans ces questions à travers le Pacte de Marrakech (Section 2).

312 Jean-Paul PANCRACIO, « Enjeux et problématiques d'une gouvernance de la Haute mer », ANNUAIRE FRANÇAIS DE RELATIONS INTERNATIONALES, vol. XIX. (2018).

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SECTION 1. LA CLARIFICATION DU DROIT EN VIGUEUR

Il est essentiel de définir des termes clés pour l'application du droit (Paragraphe 1). Une autre solution est à trouver dans le pacte de Marrakech qui propose de dépasser une gestion purement étatique de la migration (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. La clarification des règles normatives

Comme montré supra, le droit international impose de porter secours aux personnes en détresse en mer mais sans la définir concrètement (A). Le lieu sûr invoqué et désigné pour mettre fin au sauvetage fait face à la même difficulté de détermination (B).

A. La notion de détresse en mer, condition pour le sauvetage

La détresse est un terme capital dans le droit international humanitaire et dans l'application du devoir de porter secours. En effet, c'est la condition sine qua non pour pouvoir être secouru en mer. Les navires pour être secourus doivent être dans une situation de détresse, un statut qui n'est pas clairement défini en droit international313. Les capitaines ont une compétence discrétionnaire pour qualifier l'appel de détresse ou non314.

La notion de détresse est apparue pour la première fois dans la convention de Bruxelles sur le sauvetage du 23 septembre 1910315. Dans le droit positif, la notion de détresse est contenue dans les articles 58 (2) et 98 (1) de la convention sur le droit de la mer de Montego Bay316, dans l'article 10 de la convention internationale sur le sauvetage du 28 avril 1989317 ainsi que dans la convention sur la sauvegarde de la vie en mer (SOLAS) au chapitre V règle 33 (1)318.

313 Matteo TONDINI, « The legality of intercepting boat people under search and rescue and border control operations with reference to recent Italian interventions in the Mediterranean Sea and the ECtHR decision in the Hirsi case », loc. cit., p. 62.

314 Michael PUGH, « Drowning not waving: boat people and humanitarianism at sea », loc. cit., p. 59.

315 Jasmine COPPENS, « Search and Rescue », loc. cit., p. 383.

316 Ibid. ; « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit.

317 Jasmine COPPENS, « Search and Rescue », loc. cit., p. 383.

318 HCR & OMI, Sauvetage en mer: Guide des principes et mesures qui s'appliquent aux migrants et aux réfugiés, op. cit., p. 4.

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La notion de détresse a subi des évolutions concernant son sens dans le temps. En 1809 dans l'affaire Eleanor, la détresse est entendue comme l'urgence qui a besoin d'une aide rapide319. Avec l'affaire du Rainbow Warrior en 1986, une urgence sanitaire peut suffire320.

La convention sur la recherche et le sauvetage de 1979 a défini la notion de détresse en mer. Il s'agit d'une situation dans laquelle il y a des doutes sérieux qu'une personne, un navire soit menacé par un danger grave et imminent et demande une assistance immédiate321. Vu cette définition, on peut dire que le concept de détresse renvoie à une situation dans laquelle il y a des raisons de croire que, sans assistance, le navire et ses passagers seront incapables d'être en sécurité et seront perdus en mer322.

Les navires ont l'obligation de répondre aux appels de détresse. Mais le concept de détresse n'est pas clairement défini en droit international. Or l'intervention dépend de l'appel de détresse du bateau en cause323. Il signifie en général qu'il y a des raisons sérieuses que, laissés sans assistance, le navire et ses passagers seront incapables d'être en sécurité et seront perdus en mer. L'on ne doit pas tenir compte de leur statut de demandeur d'asile ou non324.

L'interprétation de ces dispositions est appréciée différemment par les États : pour certains, le navire doit être sur le point de couler tandis que pour d'autres il suffit qu'il soit impropre à la navigation325. L'évaluation de la notion de détresse dépend donc de l'État qui détermine quand s'achève et se termine cette situation326. Ce qui est attentatoire aux droits des migrants concernés. Selon l'État donc, la détresse peut être perçue de manière différente et non uniforme. Finalement, la détermination de la détresse se fait au cas par cas327. La notion de détresse a pour principale conséquence juridique d'enclencher l'obligation de porter secours. C'est le critère par lequel l'on détermine qu'il est obligatoire de porter assistance. L'imprécision dont fait l'objet cette notion est dommageable en ce que l'appréciation des États est biaisée par

319 England High Court of Admiralty, The Eleanor (1809) 165 ER 1058 cité par Martin RATCOVICH, International Law and the Rescue of Refugees at Sea, op. cit., p. 82.

320 Jasmine COPPENS, « Search and Rescue », loc. cit., p. 384.

321 Ibid., p. 385.

322 Michael PUGH, « Drowning not waving: boat people and humanitarianism at sea », loc. cit., p. 59.

323 Matteo TONDINI, « The legality of intercepting boat people under search and rescue and border control operations with reference to recent Italian interventions in the Mediterranean Sea and the ECtHR decision in the Hirsi case », loc. cit., p. 4.

324 Michael PUGH, « Drowning not waving: boat people and humanitarianism at sea », loc. cit., p. 9.

325 Jasmine COPPENS, « Search and Rescue », loc. cit., p. 385.

326 Éloise PETIT-PREVOST, Alpha DIALLO et Anais AUGER, « Les obligations des États en matière de secours en mer. Livret à destination de la société civile. », loc. cit., p. 13.

327 Jasmine COPPENS, « The essential role of Malta in drafting the new regional agreement on migrants at sea in the mediterranean bassin », Journal of Maritime Law and Commerce, no 89 (janvier 2013), p. 2.

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leurs intérêts sécuritaires et économiques au lieu d'être guidée par des considérations humanitaires.

Le lieu sûr est une autre notion clé qui mérite d'être explicitée.

B. La détermination du lieu sûr pour le débarquement des personnes secourues

Le sauvetage n'est effectif que si les personnes secourues sont amenées dans un endroit sûr328. Il s'agit de leur fin logique329. C'est une exigence de la convention SAR annexe Chapitre 1 paragraphe 1.3.2330. Mais quels en sont les critères ?

La notion de lieu sûr a été définie par les amendements de 2004 aux conventions SAR et SOLAS. Il s'agit d'un lieu où les opérations de secours sont considérées comme terminées. La Directive sur le traitement des personnes secourues en mer de 2004 précise dans son paragraphe 6.12 « Un lieu sûr est un emplacement où les opérations de sauvetage sont censées prendre fin et où :

? la vie ou la sécurité des survivants n'est plus menacée ;

? l'on peut subvenir à leurs besoins fondamentaux (vivres, abris et soins médicaux)

;

? le transport des survivants vers leur destination suivante ou finale peut s'organiser331 ».

328 Michael PUGH, « Drowning not waving: boat people and humanitarianism at sea », loc. cit., p. 61.

329 Killian S. O'BRIEN, « Refugees on the High Seas: International Refugee Law Solutions to a Law of the Sea Problem », loc. cit., p. 722.

330 « Convention sur la recherche et le sauvetage maritimes (SAR) adoptée le 27 avril 1979; entrée en vigueur le 22 juin 1985 », loc. cit., chapitre 1 paragraphe 1.3.2. ; Jasmine COPPENS, « Search and Rescue », loc. cit., p. 387.

331 HCR & OMI, Sauvetage en mer: Guide des principes et mesures qui s'appliquent aux migrants et aux réfugiés, op. cit., p. 6.

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C'est aussi un lieu où les rescapés sont en sécurité et leurs besoins de première nécessité sont pourvus332. En clair, le lieu sûr est un lieu où il n'y a pas de risques de refoulement et où les droits humains des rescapés sont respectés333.

Le lieu sûr est de la responsabilité de l'État responsable de la zone SAR dans laquelle les rescapés ont été secourus. La base de cette obligation est contenue dans la Directive sur le traitement des personnes secourues en mer de 2004 167 (78) paragraphe 2.5334.

Mais il ne suffit pas de trouver un lieu sûr, il faut l'autorisation de l'État en question. Or il n'existe pas d'obligation juridique pour un État d'autoriser le débarquement335 ce qui crée un problème politique majeur336.

Le droit est également ambigu au sujet du lieu de débarquement. Le sauvetage signifie que les personnes en détresse doivent être acheminées vers un « lieu sûr »337. La clarification de ce concept sera une étape dans la solidification du droit humanitaire en mer338. Mais elle se heurte à la souveraineté de l'État en cause339, ce pourquoi il n'y a pas d'obligation juridique de permettre le débarquement.

Une réforme institutionnelle est également essentielle.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon