Paragraphe 2. Des droits de l'homme non
respectés par cette législation
Cette pratique de la criminalisation de la migration porte
atteinte à plusieurs droits consacrés dans les traités
internationaux largement adoptés comme le droit de quitter tout pays y
compris le sien (A). De plus, les textes visés sont silencieux sur les
garanties accordés aux contrevenants (B).
296 Delphine PERRIN, « L'étranger rendu visible au
Maghreb - La voie ouverte à la transposition des politiques juridiques
migratoires européennes », Revue Asylon(s), n° 4 (mai
2008).
297 Ludivine RICHEFEU, Le droit pénal face à la
migration transfrontière, op. cit., p. 226.
298 Larabi JAÏDI, « Les enjeux africains de la
nouvelle politique migratoire du Maroc » dans Jaïdi Larabi et
Iván Martín, Le partenariat Afrique-Europe en quête de
sens., OCP Policy Center, 2018, p. 244.
299 COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME, N.D. et
N.T. c. Espagne, 2017.
300 Louis IMBERT, « Refoulements sommaires: la CEDH trace
la « frontière des droits» à Melilla », La
Revue des droits de l'homme [En ligne], vol. Actualités
Droits-Libertés. (2018), p. 4.
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A. Une législation contraire au droit de quitter son
pays y compris le sien
Toutes ces limitations comportent une entorse au droit de
quitter un pays y compris le sien. Il existe un étrange paradoxe de
rappeler la liberté des étrangers de quitter le
territoire301 et de prévoir des sanctions pénales pour
« sortie clandestine »302.
Qu'est-ce qu'une sortie clandestine ? Même si elle
implique le secret, une personne peut quitter tout pays y compris le sien en
application de l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de
l'homme303 qui accorde le droit à tout individu de quitter
tout pays, y compris le sien et de revenir dans son pays. Il y a
également d'autres bases juridiques à ce droit comme l'article 12
(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques selon lequel
nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son
propre pays, l'article 2(2) du protocole 4 de la Convention Européenne
des droits de l'homme, la convention africaine des droits de l'homme dans son
article 12 (2) et dans la convention américaine des droits de l'homme en
son article 22 (7).
Ce droit est reconnu par la Cour Européenne des droits
de l'homme dans l'arrêt Stamose
c. Bulgarie du 27 novembre 2002304. Dans une autre
décision Sissanis c. Roumanie du 25 janvier 2007, la même
juridiction a affirmé que le refus de délivrer un passeport
à un citoyen constituait une violation de l'article 2 du Protocole
n° 4,
En réalité l'émigration devient
délictueuse lorsqu'elle se dirige vers l'Europe. Les pays
maghrébins ont été amenés à sanctionner au
nom de l'Europe sous peine de réadmettre les migrants
irréguliers305.
301 Loi marocaine n° 02-03 du 11 novembre 2003
relative à l'entrée et au séjour des étrangers au
Maroc, mais aussi à l'émigration et à l'immigration
irrégulières, article 38.
302 Delphine PERRIN, « L'étranger rendu visible au
Maghreb - La voie ouverte à la transposition des politiques juridiques
migratoires européennes », loc. cit.
303 Delphine PERRIN, « Sémantique et
faux-semblants juridiques de la problématique migratoire au Maghreb
», loc. cit., p. 24. ; « Déclaration universelle des
droits de l'homme », loc. cit.
304 Ludivine RICHEFEU, Le droit pénal face à
la migration transfrontière, op. cit., p. 221. ; COUR
EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME, Stamose c. Bulgarie, 2002.
305 Delphine PERRIN, « Sémantique et
faux-semblants juridiques de la problématique migratoire au Maghreb
», loc. cit., p. 30.
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Ces lois sont très répressives et ne
prévoient pas de garantie pour les étrangers ayant commis ces
infractions. Il y a un silence sur le droit au regroupement
familial306.
Les migrants ont le droit de quitter leur pays. Ils peuvent
demander l'asile sous condition d'atteindre le territoire où l'on
souhaite faire la demande. Par conséquent, les législations
citées mettent à mal le principe de non
refoulement307. Elles sont contraires au droit de quitter son pays
et d'y revenir308.
Les législations instaurées par les pays
maghrébins ne respectent pas leurs obligations conventionnelles. En
effet, le Maroc, la Tunisie et l'Algérie ont signé et
ratifié le pacte international des droits civils et politiques. Or les
délits d'entrée et de sortie irrégulière portent
atteinte au droit de quitter n'importe quel pays y compris le
sien309.
De plus, elles ne fournissent pas de garanties suffisantes par
rapport aux droits de contrevenants.
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