B. Une obstruction à la migration
irrégulière en amont des frontières européennes
La loi marocaine du 11 novembre 2003 réglemente
l'immigration (l'entrée et le séjour dans le pays),
l'émigration (la sortie du pays), et sanctionne toute immigration ou
émigration illégale. L'article 42 de la loi punit de 2.000
à 20.000 dirhams d'amende et de 1 à 6 mois d'emprisonnement ou
l'une de ces deux peines seulement toute personne qui a
pénétré ou tenté de pénétrer sur le
territoire marocain sans documents de voyage valides ou qui a
excédé la durée de son visa. L'article 52 alinéa 1
punit de 6 mois à 3 ans d'emprisonnement et d'une amende de 50.000
à 500.000 dirhams toute personne qui prête son concours ou son
assistance à une personne qui pénètre de façon
illégale dans le pays. Lorsque les faits sont habituels, l'alinéa
2 prévoit 10 à 15 ans d'emprisonnement et une amende de 50.000
à 100.000 dirhams295.
L'article 35 de la loi tunisienne du 20 mai 1975
précise quant à lui que « tout Tunisien qui quittera
sciemment le territoire tunisien ou y entrera sans être muni d'un
document de voyage officiel sera puni d'un emprisonnement de 15 jours à
6 mois et d'une amende de 30 à 120 dinars ou de l'une de ces deux peines
seulement ».
La loi algérienne du 25 février 2009 a
créé l'article 175 bis 1 du Code pénal qui dispose
qu'« est puni d'un emprisonnement de deux mois à six mois et d'une
amende de 20 000 dinars algériens à 60 000 dinars
algériens ou de l'une de ces deux peines seulement, tout algérien
ou étranger résident qui quitte le territoire algérien
d'une façon illicite, en utilisant lors de son
293 Delphine PERRIN, « Sémantique et
faux-semblants juridiques de la problématique migratoire au Maghreb
», loc. cit., p. 24.
294 Salim CHENA, « L'évolution des enjeux
géopolitiques favorise-t-elle une hégémonie
algérienne au Maghreb? », p. 5.
295 Khadija ELMADMAD, « La nouvelle loi marocaine du 11
novembre 2003 relative à l'entrée et au séjour des
étrangers au Maroc, et à l'émigration et l'immigration
irrégulières. », CARIM-Notes d'analyse et de
synthèse, (2004), p. 4.
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passage à un poste frontalier terrestre, maritime ou
aérien, des documents falsifiés ou en usurpant l'identité
d'autrui, ou tout autre moyen frauduleux à l'effet de se soustraire
à la présentation de documents officiels requis ou à
l'accomplissement de la procédure exigée par les lois et
règlements en vigueur ». L'alinéa 2 dispose que « la
même peine est applicable à toute personne qui quitte le
territoire national en empruntant des lieux de passage autres que les postes
frontaliers ».
Ces législations envoient comme message une «
répression et une pénalisation accrues des infractions
»296. Il s'agit d'une infraction obstacle qui a pour but de
faire obstacle, d'empêcher la survenue d'une seconde
infraction297.
Dans la pratique également, hors du droit, sont
pratiqués régulièrement des « expulsions à
chaud » ou des «refoulements immédiats » dans les
enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla298. Ces pratiques ont
été condamnées par la CEDH dans son arrêt du 3
octobre 2017, N.D. et N.T.
c. Espagne299. La Cour a condamné l'Espagne
pour ces pratiques qu'elle qualifie d'expulsions collectives
d'étrangers, interdites par l'article 4 du protocole n° 4 à
la Convention européenne des droits de l'homme, et pour violation de
l'article 13 de la Convention combiné à l'article 4 du protocole
n° 4 qui prohibe l'absence de recours effectif contre l'expulsion
collective300. Les migrants sont empêchés d'arriver en
territoire espagnol.
Toutes ces législations ne respectent pas forcément
les droits de l'Homme.
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