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Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international public


par Mariette Amandine Fleur GNAMBA
Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d'Ivoire) - Master 2 Spécialité Droit public 2017
  

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B. Les modalités concrètes de la lutte contre le trafic de migrants

Le protocole de Palerme oblige les États parties à incriminer et punir le trafic de migrants172. Pour les États parties au protocole et à la convention donc, une obligation de criminaliser le trafic sur leur territoire s'impose. Selon l'article 6 :

« 1. Chaque État Partie adopte les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale, lorsque les actes ont été commis intentionnellement et pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou autre avantage matériel: a) Au trafic illicite de migrants; b) Lorsque les actes ont été commis afin de permettre le trafic illicite de migrants ». Les États doivent également punir les actes aidant à la commission de l'infraction c'est-à-dire la « fabrication d'un document de voyage ou d'identité frauduleux »; le « fait de procurer, de fournir ou de posséder un tel document »;le « fait de permettre à une personne, qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent, de demeurer dans l'État concerné, sans satisfaire aux conditions nécessaires au séjour légal dans ledit État, par les moyens mentionnés ».

La tentative est également punie c'est-à-dire le « fait de tenter de commettre une infraction établie conformément au paragraphe 1 du présent article » de même que la complicité, le « fait de se rendre complice » d'une infraction établie par les dispositions précédentes.

Les traitements humains et dégradants sont mentionnés par le fait de mettre en danger ou de risquer de mettre en danger la vie ou la sécurité des migrants concernés ou au traitement inhumain ou dégradant de ces migrants, y compris pour l'exploitation.

La mise en application de la répression exige l'entrée illégale dans un État-partie. La tentative d'entrée illégale peut servir en haute mer. La criminalisation ne s'applique qu'aux infractions transnationales selon l'article 4 du Protocole. Elle vise les trafiquants seulement

172 « Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée adopté le 15 novembre 2000 », loc. cit., article 3.

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mais il n'existe pas d'immunité pour les migrants en cas de violation des règles d'immigration173. En effet selon l'article 6 alinéa 4 du protocole, « Aucune disposition du présent Protocole n'empêche un État Partie de prendre des mesures contre une personne dont les actes constituent, dans son droit interne, une infraction.

Les éléments du crime sont le mens rea et l'actus reus. Le mens rea signifie que le trafic doit avoir été commis pour obtenir un bénéfice financier ou matériel. L'actus reus consiste à participer activement dans le trafic en fournissant les documents frauduleux ou avoir physiquement fait traverser les frontières aux migrants174. L'ONUDC a schématisé cette définition comme suit. Il s'agit du fait d'assurer l'entrée illégale d'une personne dans un État dont elle n'est pas ressortissante pour en tirer profit175.

De manière préventive également, l'article 10 du Protocole encourage l'échange d'informations entre États qui se trouvent dans une zone couramment utilisée pour le trafic de migrants.

Après avoir décrit les obligations des États ci-dessus, il faut maintenant se pencher sur les titres de compétences que détiennent les États en fonction des différentes zones maritimes.

Il faut distinguer les zones sous souveraineté (eaux intérieures et mer territoriale) et les zones maritimes sous juridiction (zone contiguë et zone économique exclusive). Dans les zones sous souveraineté, celle-ci est absolue tandis que dans les zones sous juridiction, cette souveraineté est relative et n'est exercée que dans une optique précise176. Au-delà des zones présentées se trouve la haute mer.

En premier lieu, la haute mer est un espace situé au-delà de la mer territoriale et de la zone contigüe au-delà donc de 24 mille marins. Sa définition par l'article 86 de la Convention de Montego Bay est négative : la haute mer comporte toutes les parties de la mer qui ne sont pas inclues dans la zone économique exclusive, dans la mer territoriale ou les eaux intérieures

173 Solène GUGGISBERG, « Le trafic illicite de migrants en mer », loc. cit., p. 248.

174 Claire BROLAN, « An Analysis of the Human Smuggling Trade and the Protocol Against the Smuggling of Migrants by Land, Air and Sea (2000) from a Refugee Protection Perspective », International Journal of Refugee Law, (2002), p. 584.

175 OFFICE DES NATIONS UNIES CONTRE LA DROGUE ET LE CRIME, Cadre d'action international pour l'application du Protocole relatif au trafic illicite de migrants, 2013, p. 4.

176 Isabelle PERRUCHON et Caroline DE MARTINI, « La police en mer ».

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ou les eaux archipélagiques177. Dans la zone économique exclusive, la liberté de navigation s'applique178.

En principe, en matière de trafic de migrants, seul l'État de pavillon est compétent. L'État qui souhaite intervenir doit demander l'autorisation à l'État de pavillon179. Seuls les navires de guerre de l'État de pavillon peuvent interférer avec le mouvement d'un navire. Le fondement est la règle de la territorialité qui donne à l'État de pavillon une compétence plénière et exclusive sur les navires qui battent son pavillon. L'arrêt de la Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire du Lotus en 1927 a affirmé qu'« aucun État ne peut exercer des actes de juridiction quelconque sur des navires étrangers »180. Les bases juridiques de la loi de pavillon sont multiples et nombreuses. Il y a en effet la Convention de Genève de 1958 sur la haute mer en son article 6 reprise par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 en ses articles 87, 92, et 92.1. L'État de pavillon exerce une souveraineté entière et exclusive sur les navires battant son pavillon et régit les domaines de la navigation, de la pêche et en matière de protection du milieu marin. Cette compétence exclusive de l'État de pavillon est consacrée par la CIJ dans l'arrêt Détroit de Corfou du 9 avril 1949181.

En matière d'interdiction et de répression de la traite des esclaves, seul l'État de pavillon est compétent pour juger les coupables182. Le trafic de migrants n'est pas envisagé par la convention de Montego Bay ; elle ne permet donc pas de droits de visite spécifiques183. Il faut l'autorisation de l'État de pavillon.

Cependant, un titre de compétence peut être exercé par l'État côtier dans une circonstance particulière : la poursuite chaude. En effet, seul l'État côtier face à un navire intercepté suite à une poursuite chaude dispose d'une base juridique pour poursuivre le trafic. Le droit de

177 « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article 86. ; Carola SALAU, The extraterritorial application of the principle of non-refoulement in the context of sea borders, op. cit., p. 21.

178 « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article 57; 58 (1). ; Solène GUGGISBERG, « Le trafic illicite de migrants en mer », loc. cit., p. 265.

179 « Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention contre la criminalité transnationale organisée, ouvert à signature à Palerme le 12 décembre 2000 », loc. cit., art. 8 (2).

180 COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE, Affaire du Lotus, 1927. ; Ludivine RICHEFEU, Le droit pénal face à la migration transfrontière, op. cit., p. 164.

181 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE, Détroit de Corfou, 1949.

182 Isabelle PERRUCHON et Caroline DE MARTINI, « La police en mer », loc. cit., p. 7.

183 Anne-Claire DUMOUCHEL, Les atteintes à la sûreté en Haute-mer, Mémoire pour le Master recherche Relations internationales Option Sécurité et Défense, Paris, Université Panthéon-Assas-Paris II, 2008, p. 75.

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poursuite chaude est un transfert en haute mer des compétences de police184. L'État peut poursuivre le navire fautif par ses navires de guerres ou aéronefs militaires jusqu'à la haute mer pour arrestation185. Cette opération consiste à arraisonner, dérouter vers son port et sanctionner186. Le droit de poursuite chaude peut être exercé en haute-mer par un État côtier à l'encontre d'un navire civil battant pavillon d'un État tiers qui a commis une infraction à ses lois et règlements dans ses eaux187.

Au surplus, les pouvoirs que détient l'État côtier sont limités en haute mer. Le droit de visite188 en haute mer permet aux navires militaires de contrôler la nationalité d'un navire, de l'inspecter et de faire des saisies. Mais ce droit est extrêmement limité à ces situations et conditions suivantes : doutes raisonnables d'esclavage189, piraterie190, émissions radio non autorisées191, navires sans nationalité, le cas d'un navire étranger qui est en réalité de la même nationalité que le navire qui l'inspecte192. Les navires sans nationalité n'ont pas de protection puisqu'ils ne sont pas titulaires de droits et n'ont pas d'État de rattachement pour faire valoir leur souveraineté. Le droit de visite permet aux navires d'un gouvernement qui y ont été dûment autorisés à vérifier la nationalité du navire étranger s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il pratique la piraterie, des émissions radios non autorisées et du trafic d'esclaves193.

Dans la mer territoriale, espace de 12 milles marins194, l'État dont les migrants tentent de partir peut les intercepter devant le droit de la mer. Mais il y a le droit de chacun de quitter un

184 Isabelle PERRUCHON et Caroline DE MARTINI, « La police en mer », loc. cit., p. 4.

185 Andrea CALIGIURI, « La lutte contre l'immigration clandestine par mer: problèmes liés à l'exercice de la juridiction par les États côtiers » dans CASADO RAIGON R. (Dir.), L'Europe et la mer : pêche, navigation et environnement marin, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 423.

186 Convention de Genève relative à la haute-mer, article 23; Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982, article 111.

187 Isabelle PERRUCHON et Caroline DE MARTINI, « La police en mer », loc. cit., p. 3. ; « Convention de Genève relative à la haute-mer », loc. cit., article 23. ; « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article 111.

188 « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article 110.

189 « Convention de Genève relative à la haute-mer », loc. cit., article 13. ; « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article 99.

190 « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article s 100 à 107.

191 Ibid., article 109.

192 Ibid., article 110. ; Barbara MILTNER, « Irregular Maritime Migration: Refugee Protection Issues in Rescue and Interception », loc. cit., p. 104.

193 Sophie RODEN, « Turning their Back on the Law? The Legality of the Coalition's Maritime Interdiction and Return Policy », loc. cit., p. 16.

194 « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit.

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pays y compris le sien. Il ne peut que criminaliser certains actes accessoires car la tentative de trafic ne peut être prouvée. Il y a un manque de droit d'appréhender alors que l'obligation de criminaliser existe195. L'État côtier peut-il empêcher le passage dans sa mer territoriale d'un navire transportant des passagers clandestins ? L'article 19 de la convention de Montego Bay dispose que le passage n'est plus inoffensif si le navire se livre à une activité en violation des règles d'immigration. Mais traverser uniquement ne porte pas atteinte au bon ordre de l'État côtier196. Un État dont la mer territoriale sert de destination peut agir car le passage n'est plus inoffensif. La criminalisation des trafiquants est, dans ce cas, obligatoire197.

Dans la zone contiguë, espace maritime de 24 mille marins198, l'État côtier peut exercer un droit de visite. Ainsi, il est compétent pour intercepter les navires qui se livrent à une activité d'embarquement ou de débarquement d'une personne en contravention aux règles d'immigration de l'État côtier199. Cette zone sert uniquement pour prévenir et réprimer les infractions à ses lois sur l'immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale200. L'État côtier a un droit d'interception dans une optique anti trafic201. L'État côtier peut intercepter un navire qui se dirige vers la mer territoriale ou qui en provient202. Dans la zone contigüe, le protocole prévoit que la tentative de trafic est criminalisée. Le crime peut déjà commencer hors des frontières. Dans sa zone contiguë donc, l'État côtier peut criminaliser la tentative de violation ou la violation des lois d'immigration et la tentative de trafic203.

Dans la mer territoriale d'un autre État, il faut l'autorisation de l'État côtier204.

D'autres types de criminalité transnationale sont réprimés par le droit pénal international.

195 Solène GUGGISBERG, « Le trafic illicite de migrants en mer », loc. cit., p. 281.

196 Kiara NERI, « Le droit international face aux nouveaux défis de l'immigration clandestine en mer », loc. cit., p. 128.

197 Solène GUGGISBERG, « Le trafic illicite de migrants en mer », loc. cit., p. 281.

198 « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article 33 (2).

199 Kiara NERI, « Le droit international face aux nouveaux défis de l'immigration clandestine en mer », loc. cit., p. 127.

200 « Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994 », loc. cit., article 33 (1).

201 « Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée adopté le 15 novembre 2000 », loc. cit., article 8.

202 Solène GUGGISBERG, « Le trafic illicite de migrants en mer », loc. cit., p. 281.

203 Ibid., p. 264.

204 Ibid., p. 281.

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Paragraphe 2. La protection contre les autres types de criminalité transnationale

Le trafic de migrants n'est pas le seul type de criminalité transnationale dont peuvent être victimes les migrants irréguliers. Leur situation précaire les expose à la traite de personnes (A) et à l'esclavage (B) qui sont interdits par les instruments internationaux.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry