SECTION 2. LA PROTECTION À TRAVERS LE DROIT
PÉNAL INTERNATIONAL
Le droit pénal international est défini comme
l'ensemble des règles du droit pénal relatives aux infractions
présentant un élément d'extranéité ainsi
qu'aux crimes internationaux160. Nous choisissons cette expression
en opposition au droit international pénal qui, lui, a trait ensemble
des règles du droit international public, pour l'essentiel
conventionnel, portant sur l'incrimination et la répression des crimes
internationaux161 qui sont commis par des individus et qui sont
poursuivis par des juridictions internationales répressives. Les
infractions de cette section sont punies par des juridictions nationales.
Le trafic de migrants est une infraction universelle
(Paragraphe 1) complétée par la criminalisation d'autres types de
criminalité transnationale (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La criminalisation universelle du trafic
de migrants
Par manque de voies légales pour se déplacer,
les migrants font l'objet de trafic. Il est fait obligation aux États de
criminaliser le trafic de migrants (B) sur la base du régime juridique
international en vigueur (A).
A. Les bases juridiques de la lutte contre le trafic de
migrants
Le trafic de migrants est défini à l'article 3
(a) du Protocole de Palerme sur le trafic illicite de migrants par terre, air
et mer162. Il s'agit du « fait d'assurer, afin d'en tirer,
directement ou indirectement, un avantage financier ou un avantage
matériel, l'entrée illégale dans un État partie
d'une personne qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent de
cet État »163. Selon le même article,
l'entrée illégale est définie comme le «
franchissement de frontières alors que les conditions nécessaires
à l'entrée légale dans l'État d'accueil ne sont pas
satisfaisantes »164.
Les termes utilisés en anglais pour qualifier le trafic
de migrants sont très différents. Il convient donc de les
distinguer avant d'aller plus loin. Il y a une différence de
terminologie
160 Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, Lexique des termes
juridiques, op. cit., p. 823.
161 Ibid., p. 820.
162 Protocole contre le trafic illicite de migrants par
terre, air et mer, additionnel à la convention contre la
criminalité transnationale organisée, ouvert à signature
à Palerme le 12 décembre 2000.
163 Ibid.
164 Kiara NERI, « Le droit international face aux
nouveaux défis de l'immigration clandestine en mer », loc.
cit., p. 126. ; « Protocole contre le trafic illicite de migrants par
terre, air et mer, additionnel à la convention contre la
criminalité transnationale organisée, ouvert à signature
à Palerme le 12 décembre 2000 », loc. cit.
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entre l'anglais et le français sur cette question. En
effet, le « trafic de migrants » se dit `smuggling' en
anglais, tandis que le « trafic d'êtres humains » correspond au
`traficking' anglais165. Le terme smuggling
correspond à trafic et trafficking correspond à la
traite166. Le trafic de migrants concerne les personnes migrantes
qui payent le passage à des réseaux de criminels qui agissent en
vue d'un bénéfice financier167. Le trafic implique
donc des personnes consentantes. Certaines personnes n'ont de contrôle ni
sur leur voyage ni sur leur futur dans le pays de destination168, il
s'agit de la traite. Celle-ci est définie à l'article 3 (a) du
protocole sur la traite des personnes comme « le transport par la menace
de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de
contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou
d'une situation de vulnérabilité ou par l'offre ou l'acceptation
de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant
autorité sur une autre aux fins d'exploitation »169.
Elle sera abordée infra.
Il n'y a toutefois pas d'immunité totale pour les
victimes du trafic. Il existe bel et bien une obligation pour les États
de ne pas entamer de poursuites judiciaires à l'encontre des migrants
victimes du trafic170, mais une autre disposition, l'article 6 (4)
vient en porte-à-faux. Il dispose qu' « aucune disposition du
présent Protocole n'empêche un État Partie de prendre des
mesures contre une personne dont les actes constituent, dans son droit interne,
une infraction ». Les migrants peuvent être alors poursuivis pour
avoir enfreint les règles migratoires de l'État
concerné171.
165 Solène GUGGISBERG, « Le trafic illicite de
migrants en mer » dans Efthymios D. PAPASTAVRIDIS and Kimberley N.
TRAPP (dir.), La criminalité en mer, Martinus Nijhoff /
Académie de Droit International de la Haye., 2014, p. 243.
166 Barbara MILTNER, « Irregular Maritime Migration:
Refugee Protection Issues in Rescue and Interception », loc.
cit., p. 75. ; Solène GUGGISBERG, « Le trafic illicite de
migrants en mer », loc. cit., p. 243.
167 Protocole additionnel à la Convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée
contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel
à la convention des Nations unies contre la criminalité
transnationale organisée adopté le 15 novembre 2000,
2004.
168 Protocole additionnel à la Convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée
visant à prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants adopté le 15
novembre 2000, Tome 2237 RTNU 319, 2003. ; Solène GUGGISBERG,
« Le trafic illicite de migrants en mer », loc. cit., p.
242.
169 « Protocole additionnel à la Convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée
visant à prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants adopté le 15
novembre 2000 », loc. cit., article 3 (a). ; Solène
GUGGISBERG, « Le trafic illicite de migrants en mer », loc.
cit.,
p. 249.
170 « Protocole contre le trafic illicite de migrants par
terre, air et mer, additionnel à la convention contre la
criminalité transnationale organisée, ouvert à signature
à Palerme le 12 décembre 2000 », loc. cit., article
5.
171 Tom OBOKATA, « The Legal Framework Concerning the
Smuggling of Migrants at Sea under the UN Protocol on the Smuggling of Migrants
by Land, Sea and Air » dans Bernard Ryan et Valsamis Mitsilegas,
Extraterritorial Immigration Control. Legal Challenges, Martinus Nijhoff
Publishers, 2010, p. 156.
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Les textes obligent les États à criminaliser le
trafic de migrants et les modalités de leurs compétences en la
matière.
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