Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschangpar Jonias KAMWA KAMDE Université de Dschang Cameroun - 2019 |
2.3 Stéréotypes et formation de bloc solide de pressionL'ethnicisation de la politique à un certain moment fait croire que le champ politique est un milieu hostile, dangereux et rempli de prédateurs. On se croirait dans une espèce de jungle où le plus faible et dévoré par le plus robuste. Les gens conçoivent de plus en plus la politique comme une arène de combat où la victoire n'est donnée qu'à la suite d'un affrontement sérieux entre les différents protagonistes à un quelconque poste ou fonction. Vue sous cet angle, la politique n'est donc plus le terrain d'échange pacifique d'idées, où il fait bon vivre et où l'on pourrait se sentir protégé et en sécurité. On participe dès lors à la politique pour se défendre contre l'autre qui veut nous oppresser, qui nous taxe de tous les maux, qui a une vision (fausse ou vraie) de nous à travers des stéréotypes ; d'où la conception de la participation politique comme une riposte, comme une volonté de se mettre ensemble pour être plus fort contre un ennemi commun. On assistera donc à une reconfiguration de la participation politique des uns et des autres dans la mesure où beaucoup pensent que, participer à la politique c'est se former en bloc de pression afin de revendiquer un ayant droit, protester contre une position jugée indésirable et inconfortable. Un enquêté, s'exprimant à propos va dire que : « On sait que si vous êtes unis et que vous allez voter contre l'autre, vous pourrez à la longue réclamer votre vote et cela pousse les gens dans la rue. »80(*) L'introduction de l'ethnie dans les affaires politiques engendrant la formation de clan de pression, implique que nous sommes plus fort unis ensemble que séparer ; ensemble nous pouvons faire face à l'autre qui veut s'en prendre à nous. Notons ici que quand nous parlons de l'unité, il s'agit d'une unité identitaire et clanique. C'est une unité pour marquer sa différence par rapport à l'autre. M WEIVIORKA81(*)disait que si la différence culturelle est devenue préoccupante c'est pour la raison qu'elle est fondatrice de tensions, de conflits, de violences et d'antagonismes qui mobilisent toutes sortes d'acteurs au coeur de nos sociétés et qui questionnent notre capacité à vivre ensemble. C'est ainsi que, selon les données du terrain, certains groupes ethniques s'insurgent contre d'autre dans l'optique de protester contre une certaine accaparation du pouvoir et des richesses du pays. Les uns trouvant qu'ils ne sont pas suffisamment pris en compte par les politiques publiques, qu'ils sont marginalisés, forme un groupe solide de pression. À partir de tout ce qui a été dit concernant la participation politique et l'ethnicisation politique, nous pouvons dresser le graphique suivant : Graphique 3: Tendances concernant la participation politique face à l'ethnicisation politique Source : données du terrain, 2019. Ce graphique témoigne de la tendance très forte de l'influence de l'ethnicisation politique sur la participation politique des populations à Dschang. L'ethnie transposée sur la scène politique est à priori vulnérable ; cependant, elle s'avère être un maillon essentiel dans la compréhension de la trajectoire des attitudes et comportements politiques. La participation politique est grandement influencée par l'ethnicisation politique comme le montre ce secteur. La participation politique face à l'ethnicisation du champ politique est, comme vutout au cours de ce chapitre, sérieusement modifiée. C'est ainsi qu'on assistera à une prépondérance de la subjectivité identitaire, se manifestant dans les choix des gouvernants et dans les revendications politiques ; tout à côté de cette subjectivité, l'on remarquera une reconfiguration du comportement politique qui se visualise à travers des comportements comme l'abstentionnisme et le désintérêt de la chose politique. C'est d'ailleurs ce que nous retenons de cette partie du travail. Cependant, cette nouvelle donne que l'ethnicisation politique inflige à la participation politique ne peut-elle pas aussi avoir d'impact sur le vivre ensemble ? En effet, le vivre ensemble fortement proclamé dans les sociétés camerounaises ne serait-il pas en péril ? * 80Propos de l'enquêté n°3, 16 -4- 2019. * 81WEIVIORKA Michel., la différence, France, Balland, 2001, PP.11-20. |
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