Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschangpar Jonias KAMWA KAMDE Université de Dschang Cameroun - 2019 |
CHAPITRE 2 : POIDS DES CONSTRUCTIONS SOCIALES SUR L'ETHNICISATION POLITIQUE À DSCHANGCe chapitre tente de montrer d'autres motivations subtiles dans l'ethnicisation du champ politique qui sont en réalité le résultat des constructions que se font les populations ; des constructions qui naissent sous l'impulsion de l'ethnicisation du champ politique. Ces motivations sont le résultat d'un schéma monté par les populations dans l'optique de tirer un quelconque profit. 1. Primat de la rationalité communautaireLa rationalité telle qu'elle est perçue ici renvoie aux choix que les membres d'une communauté font, choix qui restent colorés par le facteur ethnique. Ce sous titrage montre que les choix de la population qui les amènent à être renfermés sur leur communauté sont une forme de rationalité selon eux. Longtemps perçu comme de l'égoïsme, de la cupidité, la réalité constatée et rendue évidente à l'issu de la descente sur le terrain est que loin de là, c'est une forme de rationalité communautaire en ce sens que le choix n'est pas hasardeux ; c'est la résultante d'une réflexion bien murit ; le coût des pertes et les gains ont été pesés afin d'opérer un choix. Militer pour son frère ou un membre de son ethnie en espérant bénéficier de quelques avantages venant de lui est non seulement une sorte de loyauté vis-à-vis de ce dernier mais bien plus encore, c'est une décision que peut arriver à dicter la raison communautaire. Ainsi, à travers un résumé de toutes les raisons avancées par les enquêtés, nous pouvons apercevoir cette rationalité communautaire à travers deux éléments à savoir : l'attachement à sa communauté et l'abstraction faite du projet politique. 1.1 Attachement à sa communautéL'attachement à la communauté d'origine ne résulte pas de l'ignorance ou de l'incompétence de la population mais est le fruit d'un usage rationnel de la pensée. Il est un aspect à ne pas négliger lorsqu'il est question d'analyser le phénomène ethnique. La notion d'attachement implique l'idée d'un lien affectif, qui rapproche un individu d'un autre. La communauté occupe une place de choix au sein des sociétés camerounaises au point où chacun arrive à se définir par rapport à son groupe social d'appartenance. Il est mal conçu un individu n'ayant pas une communauté de référence à laquelle il s'identifie et pour laquelle il manifeste une loyauté. Le peuple a ses raisons de faire tel ou tel choix, raisons qui sont de son point de vu rationnelles. Dans le même ordre d'idée, l'attachement à la communauté implique le fait de s`intéresser à tout ce qui concerne et touche à la communauté. Autrement dit, se sentir personnellement impliqué lorsque la communauté rencontre un problème, prêt à la défendre contre les autres, les intrus, l'extérieur avec qui on ne partage pas la même culture. L'on est plus informé des réalités de notre communauté d'appartenance ce qui pourraitamener à consommer localement. Nous pouvons établir un lien entre l'attachement à la communauté et le tribalisme dont parlent R GMUNDER etJ-BKENMOGNE55(*). Pour eux, le tribalisme signifie, dans un sens large, un amour excessif, une fierté exagérée qui va au détriment du respect et de l'ouverture à l'autre. Autrement dit, le tribalisme recherche l'intérêt égoïste de sa propre tribu. Parce qu'on est attaché à notre communauté, on conçoit mal que cette communauté puisse nous vouloir du mal ; par conséquent, le mal vient presque toujours des autres d'où le concept de « boucs émissaires »dont ils font allusion dans leur ouvrage pour faire porter aux autre tribus et ethnies le chapeau de tout ce qui arrive. Le caractère problématique de ce phénomène du tribalisme les pousse, à l'épilogue de leur analyse à entrevoir des voies de sortie pour libérer la société de ce phénomène. Les dires de ces auteurs sont soutenus par certains des enquêtés rencontrés sur le terrain. Lors de la collecte des informations, nous avons pu constater que l'individu à Dschang plus précisément est attaché à sa communauté d'origine, lié à son groupe social. Voici d'ailleurs les propos d'un informateur qui s'est prononcé sur la question « chacun sachant que son nombril est enterré quelque part a toujours tendance à revenir vers les siens »56(*) * 55GMÜNDER Retro & KENMOGNE, Jean-Blaise : « pour vaincre le tribalisme : principes, réflexions et perspectives », CIPRE, 2002, pp.5-90. * 56 Propos de l'enquêté n°18, 22 -4- 2019. |
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