Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschangpar Jonias KAMWA KAMDE Université de Dschang Cameroun - 2019 |
1.1 Formation d'une base, d'un fiefS'appuyer sur sa communauté d'origine pour avoir le pouvoir semble être mission impossible car en réalité, on est forcé d'aller ailleurs grignoter dans d'autres groupes sociaux pour se hisser à la tête.Par contre, la communauté d'origine est importante dans une certaine mesure. Un parti politiquene nait pas ex nihilo, sans matière première et ressources humaines première. Tel est le discours qui était repris par nombre d'enquêtés. La logique constatée voudrait qu'il y ait des personnes constituant des prémices à la naissance d'un parti. Lesquelles personnes ne viennent nulle part que de la communauté du leader politique. La volonté de se faire une base, un fief, des personnes sur qui l'on pourrait compter si tout le reste vient ou alors venait à nous lâcher motive le phénomène ethnicisation. C'est ainsi qu'étant Bamiléké et voulant mettre sur pied un parti politique, l'on a tendance à se retourner premièrement chez les siens avec qui on partage la même culture Bamiléké. Par contre, le même Bamiléké qui veut créer une formation politique et qui se retourne vers les personnes considérées commeétrangères à son ethnie d'appartenance connaitra pas mal de problème. Le peuple avec qui nous partageons les mêmes pratiques culturelles, les mêmes manières de faire, sentir, bref avec qui l'on peut avoir un quelconque contact culturel, constituerait un capital social de base assez important ; ce qui représente d'ores et déjà un électorat considérable. Tout porte à croire que nous sommes en plein dans une posture où : « je commence avec les gens de chez moi, On ne crée pas un parti dans le vide, ça part de quelque part, et c'est normal que tes frères adhèrent et te soutiennent »48(*). C'est la même idée que partage un autre des enquêtés qui renchérit en disant que : « Il est plus facile de convaincre ses frères, vu les liens en communs, ce qui constituerait déjà un électorat considérable surtout dans les élections législatives et municipales. Mais pour rester au pouvoir il faut viser tout le peuple pas juste l'ethnie »49(*) L'on peut percevoir en cette stratégie de formation d'une base un certain nombre d'implications notamment deux principales à savoir : l'on est mieux compris et écouté chez soi ; les nôtres ou du moins la majorité nous soutiendra quoiqu'il arrive. Pour la première, il peut en ressortir que l'échange, la communication est plus facile et fluide avec les siens en raison des liens sociaux qui nous lient, de l'héritage historique que nous avons en commun. Chaque peuple est caractérisé par des pratiques qui lui sont propres et ne reconnait comme membre de ce peuple que celui qui développe ces caractéristiques. L'on sera mieux reçu chez soi qu'ailleurs car on estime que les nôtres ne peuvent pas nous trahir. Pour la deuxième implication, à savoir que l'on bénéficiera du soutien des siens, il faut noter que ce soutien est inconditionnel et à la limite aveugle en raison justement de l'appartenance à la même communauté. Nous pouvons à partir de cette raison issue des données collectées sur le terrain par rapport aux motivations dans l'ethnicisation politique, faire un rapprochement avec les travauxH-LMENTHONG 50(*). Cette dernièrequi, dans ses études sur le double scrutin législatif et municipale de 1996, remarquant et faisant allusion à la notion de fief électoral laissait déjà transparaitrel'idée de base électorale. Pour ainsi dire que les formations politiques que compte le Cameroun, ont une base qui constitue leur fief électoral ; une population avec laquelle on débute dans l'optique de se faire connaitre plus tard par les autres. La géographie électorale, désigne couramment par « fief », le territoire d'ancrage local d'un personnage politique d'envergure régionale ou nationale. Le fief électoral est le territoire d'origine ou d'ancrage, dans lequel l'élu(e) en fait parfois son quartier de campagne, et celui éventuellement où il (ou elle) se replie en cas de défaite. Il s'agit souvent d'une municipalité ou d'une circonscription législative. Le fief est très souvent l'espace où l'on réalise les meilleurs scores, par effet d'amitié locale. En cela, les propos actualisés des populations de Dschang viennent corroborer ce que remarquait déjà cet auteur. Dans la continuité de leur raisonnement, les enquêtés laissent remarquer également que le leadeur ou alors l'Homme politiqueest animé par le désir d'avoir une certaine prépondérance sur son aire sociologique. * 48 Enquêté n° 10, 19 -4- 2019. * 49 Enquêté n°23, 2 -5- 2019. * 50 MENTHONG, Hélène-Laure : « vote et communautarisme au Cameroun : un vote de coeur de sang et de raison », in des élections comme les autres, politique Africaine, n°69, 1998 PP.20-50. |
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