2. Les Facteurs entravant la
bonne fréquentation des structures sanitaires
Les déterminants de l'accès aux soins de
santé conventionnels se définissent sur plusieursplans. Face
à ce problème, plusieurs auteurs ont essayé de montrer
les facteurs qui entravent l'accès aux soins de santé
conventionnels en milieu urbain. Certains auteurs comme Eugène Aujaleu
(1973), Jean-Luc Richard et al. (2001) pensent que l'accessibilité
technique se manifeste par l'insuffisance du personnel médical et des
centres de santé qui sont causés par la négligence du
pouvoir public. Les propos des auteurs montrent que la croissance
économique ne s'accompagne pas automatiquement de progrès et en
matière de développement et d'une amélioration de
l'accès aux soins. De ce point de vue, les plans d'ajustement
structurels (PAS) mis en place en Afrique sous la pression des institutions
internationales ont eu des effets positifs sur la croissance mais ont aussi
conduit les Etats à réduire leurs dépenses sur le plan
social, ce qui s'est traduit par une dégradation des services publics.
Ils confirment l'insuffisance des structures sanitaires publiques en milieu
rural et le progrès du secteur privé en disant que le secteur
public éprouve plus de difficultés par rapport au secteur
privé qui, est très souvent concentré et relativement
coûteux. Ainsi, Etongué R. et Elat J. (2015) nous montrent les
faiblesses et les dysfonctionnements du système de santé
Camerounais et montrent comment l'église catholique avec son centre de
santé « Mbetta Health Center » est devenue une
solution aux problèmes de santé de Mbetta. Ils montrent que les
populations avaient des difficultés à accéder aux soins
de santé car avec un manque de personnel, elles sont obligées de
se déplacer pour se soigner en cas de maladie.
Le faible équipement des formations sanitaires
empêche également les populations d'accéder aux soins de
santé conventionnels. Comme le souligne Comolet (2000) à travers
une étude menée en Guinée, le taux d'équipement
sanitaire reste très faible en guinée, 0.4 lits pour 1000
habitants alors que les usagers des services de santé assurent environ
30 pourcent du budget des hôpitaux .52 % des personnes vivant en milieu
rural ont répondu qu'en cas de maladie, le traitement se fait à
domicile contre 20% en milieu urbain.
La qualité d'infrastructure est également
déplorée. C'est dans ce sens qu'Idrissa Sane (2013)Kouadio Aka
Akou (2019), HACHEM Amel (2018),Jaffre (2003),Naeemah ( 1998),Gruenais (1996),
montrent comment la chirurgie africaine est plombée dans le sous
équipement avec des infrastructures insuffisantes et de mauvaise
qualité, ce qui pousse les populations à aller se soigner
autrement en cas de maladie.
La banque mondiale (1993) et Kaendi (1994) HACHEM (2018)
soutiennent que le niveau d'infrastructure de santé et de leur mode de
fonctionnement détermine l'utilisation des services de santé
modernes. Lule (1995) estime de son côté que dans le district de
Mangochi (Malawi), uniquement 25pourcent des femmes environ (sur 390 ayant
accepté de se prêter aux enquêtes) ont pu accoucher au
centre de santé de Nankumba, alors que 90 pourcent le voulaient. Cet
écart se justifie par des problèmes d'infrastructures sanitaires,
qui non seulement sont insuffisantes mais aussi situées à des
dizaines de Km de leurs habitants.
Ensuite, certains auteurs pensent que l'accessibilité
aux soins de santé conventionnels est liée au manque de moyens
financiers. Car le problème des ressources financières est un
obstacle à l'accès aux services de santé, de nombreuses
populations rurales en Afrique Sub-saharienne ont renoncé la
fréquentation des centres de santé. Cela a été
démontré par de nombreuses études empiriques : Wyss et
Nandjinger (1995) pour les cas respectifs du Tchad et du Kenya et Meuwisen
(2002) pour le cas du Niger, HACHEM (2018)pour le cas du Maroc, Takam (2017),
Leumo (2017) pour le Cameroun. Ces études montrent que l'introduction de
la participation financière aux soins par les usagers discrimine les
personnes à faibles revenus car la demande des soins de santé est
une fonction croissante du niveau de revenu. Elle est d'autant plus forte que
le niveau de revenu est élevé. Contrairement à un autre
groupe d'auteurs comme Didier Gobbers (2002), Ishaga Coulibaly (2007), Adam
Wagstaff, Bernard Kouassi (2008) qui pensent que la pauvreté et
l'accès aux soins de santé vont de pair. Ils montrent les
conditions difficiles pour les pauvres à accéder aux soins de
santé et affirment en même temps que la classe bourgeoise a un
accès meilleur en qualité de soins de santé par rapport
aux pauvres.
Notons que pour les populations rurales, il est très
difficile de se rendre à l'hôpital car on estime que les moyens
à dépenser à l'hôpital sont supérieurs
à ceux dont elles disposent. De ce fait, les campagnes Camerounaises
font plus recourt à la phytothérapie qu'à la
médecine moderne car les coûts sont très
élevés. Ainsi, Comemeyra C. et Ndo R. (2019) lors d'une
étude menée en 2005 estime à 9500 FCFA les coûts de
médicaments quand le malade fait appel à la médecine
moderne contre 1100 FCFA pour l'automédication moderne, 440 FCFA pour
l'automédication traditionnelle.
L'accessibilité financière suppose un
équilibre entre le coût la qualité des prestations
sanitaires, d'une part, et le pouvoir d'achat des populations d'autre part.
Dans plusieurs pays d'Afrique, l'accès aux services de santé
reste problématique, surtout pour les populations
désavantagées qui exercent des activités
économiques faiblement rentables (Unicef, 2019). En outre, elle demeure
restrictive pour les personnes vivant en zones rurales où les services
de santé sont insuffisants voire inexistants (Develtere,
2004),Kouamé (2002).
Pour ce qui concerne la distance, certains auteurs tels que
Rene Tonglet (1991), Julien Allaire (2009) et Sebastien Oliveau (2015) pensent
que la distance pour se rendre dans les hôpitaux est très
élevée et est à postériori la cause de
l'inaccessibilité aux soins de santé. De ce fait, ces auteurs
pensent qu'en zones rurales, vue le nombre restreint des centres hospitaliers,
il est difficile de se rendre dans un centre hospitalier à cause du
mauvais état des routes. Ainsi, Julien Allaire (2009) dit que
d'après une étude menée en Ouganda, au
Sénégal et au Ghana par ITDP (International transport for
development policy) analysant les conditions d'accès des populations aux
trois niveaux de services de santé présent dans ces pays (post
santé, centre de santé et hôpital) que pour accéder
au centre de santé le plus proche, les populations doivent parcourir
plusieurs kilomètres et le centre de santé le plus proche est
à 25 kilomètres . Dans le même ordre d'idée,
Agnès Guillaume (1995) dit que la distance parcourue par une femme zone
rurale pour s'acquérir des soins d'accouchement appropriés est
très longue et de ce fait, en zone rurale on assiste donc à des
cas récurrents des décès pour tenter de donner naissance
à un enfant.
En ce qui concerne l'accessibilité socioculturelle, on
n'a plusieurs points de vu ; certains auteurs comme Faye S. (2004), Ishaga
Coulibaly (2007) pensent que les populations ne se rendent pas dans les
centres de santé modernes et pour cause, la maladie est souvent d'ordre
mystique et ne peut pas se soigner dans les centres de santé modernes et
préfèrent se rendre chez les guérisseurs et marabouts au
détriment de la médecine moderne. Ainsi, Clément (2018)
classe ces maladies d'ordre mystique selon les causes suivantes :
incorporation d'un objet maléfique, perte d'une âme, possession
d'un esprit, violation d'un interdit, agression d'un sorcier. Faye (2004)
ajoute qu'en milieu rural sénégalais, quand un enfant souffre du
paludisme, les parents font recours aux soins de santé modernes mais
quand l'enfant a de la fièvre, on lui donne des plantes
médicinales, quand il pique une crise ou convulse, on fait recours aux
guérisseurs car ils pensent à ce niveau que la maladie est
surnaturelle.
Un autre groupe auteurs à l'instar d'Odile Reyverand
(1983), Yanick Jaffre (2000), pensent que les facteurs socioculturels jouent un
rôle d'entrave à l'accès aux soins de santé
modernes. Ainsi, ils pensent que les interactions entre les soignants et les
soignés ne sont pas une affaire de compétence, on tient compte
des identités sociales qui sont compliquées, ils pensent aussi
qu'il faut connaitre la population cible avant de les soigner.
L'automédication peut se définir comme l'auto
administration des médicaments en provenance des officines
pharmaceutiques sans ordonnances médicales. Différentes
études ont montré que l'automédication par la population
constitue l'un des facteurs du non consultation dans les services des soins de
santé conventionnels. A ce sujet, une étude menée au Tchad
par Itama & Mbainadjina (2006) sur l'étude socioéconomique
sur les coûts et accessibilité des populations aux soins de
santé révèle que 61 % de la population font recours aux
structures de santé lorsqu'ils sont malades, 20% vont chez les
tradi-praticiens et 19% font recours à l'automédication. Selon
cette même source en Guinée, les études menées
montrent que contrairement au Tchad où seulement 19 % font
l'automédication, en Guinée en dépit de la
proximité des structures des soins de santé, 59% des personnes
vivants en milieu rural utilisent l'automédication contre 20% en milieu
urbain, ce facteur est considéré comme étant à la
base de la sous-utilisation des services des soins de santé modernes.
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