2. Le manque et l'insuffisance
du personnel sanitaire dans les centres de santé
Le personnel de santé est défini comme
l'ensemble des personnes dont l'activité a pour objet essentiel
d'améliorer la santé, il s'agit des médecins, des
infirmiers, sages-femmes etc...(OMS, 2006). De graves pénuries,
l'éventail inapproprié des compétences et une
répartition géographique mal équilibrée des
personnels de santé sont des obstacles majeurs à la
réalisation des objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMS, 2006). Le manque de personnel de santé dans
les centres de santé est un problème récurrent dans
quelques centres de santé existant dans les zones rurales
enclavées de l'arrondissement de Mélong. Ainsi, ce manque de
personnel est une réalité en milieu rural qui constitue une
difficulté majeure pour l' accès aux soins de santé
modernes des populations des zones rurales enclavées de
l'arrondissement, ainsi « Nous avons un centre de
santé dans notre village avec un seul aide-soignant qui fait tout au
même moment, parfois tu arrives au centre avec un cas de maladie urgent
il est en train de consulter, il est seul, il ne peut pas se
départager » (affirme un chef de ménage
âgé de 36 ans appelé Mbidang Olivier ). A travers ces
propos, on constate qu'il ya un manque criard des personnels de santé
dans les formations sanitaires des zones rurales de Mélong. De plus
cette situation est liée peut-être au fait que les zones rurales
sont les milieux difficiles caractérisées par un enclavement
avancé, constituant ainsi un obstacle pour l'installation du personnel
sanitaire.
De plus, certains centres de santé (Mama, Ninong) ne
sont dotés d'aucun personnel de santé, ce qui pousse les
ménages à se soigner autrement. Ainsi ; le tableau suivant
fait une comparaison entre le nombre de personnel de santé et les normes
de l'OMS :
Tableau 15: Ratio
population/personnel par aire de santé comparé aux normes de
l'OMS
Les aires de santé
|
Population par aire de santé
|
Nombre de personnel
|
Ratio population/ Personnel
|
Les normes de l'OMS
|
Aire de santé de Mbouroukou
|
5 303 habitants
|
1
|
5 303
|
1 médecin/10000 habitants
|
Aire de santé de Melong-centre
|
31925 habitants
|
19
|
1680
|
1 infirmiers/3000 habitants
|
Aire de santé de Lelem
|
7997 habitants
|
1
|
7997
|
1 Sages femmes/300 femmes
|
Aire de santé d'Essekou
|
4018 habitants
|
0
|
0
|
1 médecin/10000 habitants
|
Aire de santé de Ndokou
|
8933 habitants
|
2
|
4466
|
1 infirmiers/3000 habitants
|
Aire de santé de Mbokambo
|
4049 habitants
|
1
|
4049
|
1 infirmiers/3000 habitants
|
Source : enquête de terrain 2020
D'après ce tableau, le nombre de personnel d'Etat est
insuffisant dans les formations sanitaires, surtout dans les centres de
santé implantés en milieu rural. Car certaines aires de
santé sont sans aucun personnel d'Etat (L'aire de santé
d'Essekou) avec une population de 4018 habitants tandis dans les autres aires
de santé, nous avons un personnel par aire. C'est le cas de l'aire de
santé de Mbouroukou (5 303 habitants), l'aire de santé de
Lelem(7997 habitants), l'aire de santé de Mbokambo ( 4049 habitants).
Enfin l'aire de santé de Mélong concentre le plus grand nombre de
personnel qui est jusque-là insuffisant vu le nombre d'habitants.
Cependant, comparé aux normes de l'OMS, qui prévoit
L'absence régulier du personnel santé est
également déploré dans les zones rurales enclavées
de l'arrondissement car selon nos enquêtes, les centres de santé
sont régulièrement fermés à cause de l'absence du
personnel en place, par ce que disent-ils lorsqu'ils se rendent parfois au
centre de santé pour s'acquérir des soins, l'aide-soignant ou
l'infirmier est parfois absent, « le personnel en place ne vient
jamais, ce qui nous oblige à aller hors du village pour se soigner en
cas de maladie, le centre de santé est uniquement ouvert les lundis, les
autres jours il n'est pas là » ( extrait de l'entretien
avec le chef du village Ninong le 28 Mars 2020 appelé Edjolé
Félix). A travers ces propos, on constate que les populations
éprouvent des difficultés à accéder aux soins de
santé sur place à cause de l'absence régulière du
personnel. Le tableau suivant illustre les différentes proportions des
ménages ayant déclarés la présence du personnel
sanitaire au centre de santé :
Figure 14: La
présence du personnel au Centre de santé
Source : enquête de terrain 2020
D'après ce graphique, 70% des ménages ont
déclaré l'absence du personnel dans les centres de santé
ce qui rend leur accès difficile aux soins de santé modernes
alors que 30% de ménages affirment qu'ils ont rencontré le
personnel de santé.
Le manque du personnel de santé dans les zones rurales
enclavées de l'arrondissement de Mélong est certainement dû
au fait que les milieux ruraux sont un environnement difficile où les
conditions de vie ne sont du tout favorable. De plus, l'enclavement des pistes
rurales ne facilite pas la mobilité du personnel de santé vers
les zones rurales mais aussi les populations rurales qui ne fréquentent
pas les centres de santé en cas de maladie au profit des croyances
traditionnelles. Ce qui peut aussi décourager le personnel soignant
d'être régulièrement présent à son poste de
travail, ainsi, « Je reçois au trop un patient par semaine
dans le centre de santé pour des soins modernes »
(Extrait de l'entretien avec le chef de centre de santé de Mbouassoum le
23 Mars 2020 nommé NKOKE E.). A travers ces propos, on constate qu'il y
a un faible taux de fréquentation des formations sanitaires par les
ménages dans les zones rurales enclavées de l'arrondissement de
Mélong, ce qui peut décourager le personnel sanitaire.
C'est dans le même ordre d'idée que Comolet
(2000) dans une étude menée en Guinée dénonce
l'existence d'un déficit sectoriel du personnel de santé au
profit des hôpitaux et un déficit géographique au profit
de la capitale Guinéenne Conakry. Cette situation est liée
à la fois à la mauvaise répartition du personnel de
santé à l'échelle nationale et à son niveau de
qualification, Elle limite l'accès aux centres de santé. Dans le
même ordre d'idée, l'extrait du journal
télévisé du 20 h du 15 juillet 2020 sur Canal 2
international réalisé dans le village Ninong, village qui a
d'ailleurs fait l'objet de notre étude confirme
que [« Ninong est doté d'un CMA construit par l'Etat
et abandonné dans la broussaille (Planche 7) depuis près de 10
ans faute du personnel sanitaire. Les habitants de ce village sont dans le
désarroi total et lancent un cri de détresse au ministère
de la santé publique pour que cette situation soit
régularisée. De plus, le CMA de NINONG est situé à
plus de 20 km du centre-ville Mélong, depuis près de 10 ans, ce
centre Médical est abandonné dans la broussaille faute du
personnel sanitaire contraignant ainsi les populations de ce village
estimé à plus de 1000 habitants de faire de longs voyages
à chaque fois pour aller se faire soigner, comme affirme cet
habitant ( on se déporte pour les zones
éloignées comme Mélong pour aller se soigner en cas de
maladie et nous continuons toujours à souffrir). L'Etat a
dépensé beaucoup d'argent pour construire un centre comme
celui-là et les villageois en souffrent comme s'il n'y avait pas de
centre de santé. Cependant, les populations qui dépendent
essentiellement de l'agriculture lancent un cri de détresse au MINSANTE
afin que les dispositions soient prises pour régulariser cette situation
qui chaque jour augmente la souffrance des
populations »]
Clichet : MBELLA
Planche 8: abandon du CMA
de Ninong dans la broussaille
La planche 7 représente le CMA du village Ninong
abandonné dans la broussaille faute du personnel de santé.
Cependant, le nombre de personnel de santé des zones
rurales de l'arrondissement de Mélong ne respecte pas le nombre
recommandé par l'OMS. C'est ainsi que le tableau suivant fait une
étude comparative entre le personnel médical de l'arrondissement
de Mélong et celui recommandé par l'OMS :
Tableau 16: Etude
comparative entre le personnel médical de l'arrondissement de
Mélong et celui des normes de l'OMS :
Personnel de santé
|
Minimum selon l'OMS
|
Observation dans l'arrondissement de Mélong
|
Appréciation
|
Médecins
|
1 médecin/10000 habitants
|
2 médecins/62 225 habitants
|
Déficits
|
Infirmiers
|
1 infirmiers/3000 habitants
|
30 infirmiers/62 225 habitants
|
Suffisant
|
Sages-femmes
|
1 Sages-femmes/300 femmes
|
5 sages-femmes/62 225 habitants
|
insuffisant
|
Source : enquête de terrain 2020 et OMS
D'après ce tableau, l'OMS recommande au minimum 1
médecin pour 10000 habitants alors que dans l'arrondissement de
Mélong, pour une population estimée à 62 225
habitants (SDS 2019) nous avons 2 médecins donc il y a insuffisance.
Pour ce qui est des sages-femmes, l'OMS recommande 1 sagefemme pour 300 femmes
alors que dans l'arrondissement de Mélong il n'y a que 5 sages-femmes
pour 62 225 habitants. Le nombre d'infirmier est suffisant mais on note
toutefois les fortes disparités géographiques.
Dans les zones rurales enclavées, il y a une
quasi-inexistence de ces personnels soignants, ce qui suscite un réel
problème d'accès aux soins de santé modernes car les
infirmiers et les sages-femmes ont déserté leur poste de travail
respectif, raison pour laquelle certaines populations de notre zone
d'étude préfèrent se rendre en ville pour des soins de
santé modernes en cas de maladie pour certains et pour d'autres vers la
médecine traditionnelle.
Contrairement aux résultats des travaux
effectués par Takam H. (2017, P66), le nombre de personnels de
santé dans l'arrondissement de Bamendjou est largement suffisant en
fonction de la population du dit arrondissement.
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