2.2.3. Pacte
d'actionnaires et intérêt commun des actionnaires
Conçue à l'origine comme le résultat d'un
contrat librement négocié, la société s'est
fortement institutionnalisée au cours du XXème siècle. Les
nombreuses règles impératives qui relèvent de l'ordre
public sociétaire visent notamment à protéger les tiers,
créanciers sociaux, qui sont amenés à traiter avec la
société ainsi que les actionnaires minoritaires(GUYON, 2002). Si
cette protection, recommandée par le Traité de Rome en son
article 34-4, est bien légitime, l'importance et la rigidité de
la réglementation à laquelle elle a donné lieu en droit
français, puis mimétisé par le droit de l'OHADA,
spécialement en matière de sociétés anonymes,
présente selon MONSALLIER (1998)le risque d'étouffer le
développement des sociétés.
2.2.3.1. Le pacte d'actionnaires est une
convention extrastatutaire
Une souplesse dans l'aménagement du fonctionnement des
sociétés s'avère en effet indispensable pour permettre
à ces dernières, acteurs du marché, de suivre et de
participer au développement économique des affaires dans un
contexte international concurrentiel(DAIGRE (1995, p. 16)). Or, cette
flexibilité ne peut venir que de la liberté contractuelle. Ainsi
que l'a exprimé le doyen CARBONNIER (1996, p. 177), « la
liberté contractuelle est la face juridique de cette loi
économique de marché ». Un courant favorable au
renouveau contractuel a ainsi émergé comme le soutien COURET
(1983)et donné lieu à un phénomène de «
contractualisation du droit des sociétés », né
de la pratique et conforté par la règlementation(SCHMIDT
(1990);SCHILLER (2002) ; MESTRE et al. (1996) ; MONSALLIER &
SCHILLER (2002) ; POITRINAL (2003) et GOFFAUX-CALLEBAUT (2008))
La contractualisation du droit des sociétés se
manifeste d'après GOFFAUX-CALLEBAUT (2008) par « l'utilisation
croissante de la technique contractuelle afin de répondre aux besoins
manifestés par les associés (ou actionnaires) d'adapter le droit
des sociétés ». Les praticiens sont les premiers
à avoir eu recours à cette technique, par la conclusion de
conventions extra-statutaires entre actionnaires dénommées pactes
d'actionnaires, lesquelles permettent, en exploitant les espaces de
liberté laissés par l'Acte Uniforme, d'aménager la
conduite des affaires et la composition du capital que les actionnaires
signataires souhaitent voir être appliquées dans leur
société. La jurisprudence abondante, confrontée à
un impératif économique, en a admis la validité sur le
fondement de cette liberté(Cass. com. 13 février 1996, Rev.
sociétés, 1996, p. 781, note DAIGRE et Cass. com. 7 janvier
2004, Bull. Joly, 2004.544, note LE CANNU). Ils ont également
rapidement gagné le soutien de la doctrine (MARTIN & FAUGEROLAS
(1989) ; PARLEANI (1991) ; PRAT (1992) et VELARDOCCHIO-FLORES
(1993).
Le droit contemporain des sociétés est ainsi
caractérisé par l'existence d'une dynamique favorable à
une plus grande souplesse, grâce à la liberté
contractuelle, sur fond d'une approche institutionnelle de la discipline,
marquée par le maintien d'un bloc de règles impératives et
la « prolifération d'une réglementation de plus en plus en
plus tatillonne »(OPPETIT (1989, p. 108) ; GUYON (2002, p. 7) et
GOFFAUX-CALLEBAUT (2008). Cela révèle le paradoxe inhérent
à la méthode législative employée, consistant, dans
l'objectif affiché d'assouplir le système, à le
réglementer.
Le pacte d'actionnaires est un contrat conclu entre personnes
qui présentent une qualité particulière, celle
d'être actionnaire d'une même société, et à
une fin spécifique pour ces dernières, celle de préciser,
en dehors des statuts, les relations qu'elles entretiennent en cette
qualité.
La conclusion d'un pacte d'actionnaires en complément
du contrat de société conduit,selon GUYON (2002, p. 237),
à la coexistence d'un double réseau de relations entre les
actionnaires signataires. L'aménagement par le pacte des relations
individuelles que les partenaires entretiennent en leur qualité
réciproque d'actionnaire vient en effet s'ajouter aux relations que
l'ensemble des actionnaires entretiennent collectivement avec la
société en application du contrat de société
préexistant.
Il s'ensuit que le pacte d'actionnaires vient compléter
le contrat de société tout en s'inscrivant dans une relation de
subordination à ce dernier dont les grandes caractéristiques ne
sont pas sans rappeler celles qui définissent le rapport juridique
d'accessoire au principal.
|