II.1.2. L'espace urbain
Construite sur une vaste plaine à l'Est et des collines
à l'Ouest constituant un amphithéâtre entaillé par
les rivières, Kinshasa compte 24 communes dont certaines sont
situées sur les collines comme Mont-Ngafula (358,90 ha), Bumbu (5,30
ha), Selembao (23,18 ha), Kisenso (16,60 ha), Ngaliema (224,30 ha) surplombant
les vallées encaissées. Certaines communes comme Makala (5,60 ha)
et Ngaba (4,00 ha), bien que situées en une partie dans la plaine,
commencent par endroit à prendre de l'altitude des collines en
périphérie. Sur les plaines alluviales de la ville, il y a les
communes de Limete (67,60 ha), Kalamu (6,64 ha), Bandalungwa (6,82 ha),
Ngiri-Ngiri (3,40 ha), Kinshasa (2,87 ha), Barumbu (4,72 ha), Lingwala (2,88
ha), etc. Elles subissent des inondations et marécages lors de grosses
pluies diurnes. Cela est dû au mauvais drainage des plaines alluviales
qui sont inondées en saison des pluies.
Dès sa création, Kinshasa a débuté
avec les communes de Kintambo (3,9 ha), Gombe (29,33 ha), Kinshasa (2,87 ha),
Barumbu (4,72 ha), Lingwala (2,9 ha). Pour ainsi s'étendre avec les
communes de Selembao (23,18 ha) dans les collines et puis sur la vaste plaine
située au-delà de la rivière N'djili avec la commune de
N'djili (11,40 ha), Masina (69,73 ha), Kimbasenke (297,78 ha), N'sele(898,79
ha), Maluku (7.948,80 ha). L'on constatera après sa création, la
naissance des cités planifiées de Lemba (23,70 ha), de Matete
(4,88 ha).
II.1.2.1. La dimension spatiale : une planification
urbaine insuffisante
a) La planification urbaine à l'époque
coloniale : la base du déséquilibre socio-spatial de
l'urbanisation kinoise
La période allant de 1881 à 1930 peut être
considérée comme la période marquant le début de
l'organisation spatiale de la ville de Kinshasa. Les développements de
cette époque sont surtout basés sur la régulation
foncière assurée par l'État. Cependant, la production de
la ville se caractérise alors par l'absence d'outils de gestion
adéquats (Lusamba, 2001). C'est vers la fin de cette période, en
1923, avec le transfert de la capitale de Boma à Kinshasa, que la ville
acquiert de manière évolutive un modèle
ségrégatif, programmé et planifié pour mieux
organiser le territoire urbain (LeloNzuzi, 2011 ; Maximy, 1984 ; Pain, 1984).
Motivé dans son rôle de régulateur, l'État modernise
le système de gestion administrative et aménage les grands
équipements (port capable d'accueillir de grands navires, gare
ferroviaire, casernes, etc.) et les infrastructures de base (routes, chemins de
fer, etc.) (Maximy, 1984 ; Pain, 1984). Les justifications essentielles de
l'organisation spatiale de la ville sont à la fois d'ordre
économique et politique (Maximy, 1984). Sur le plan économique,
l'État favorise l'exportation des matières premières
à travers un réseau de postes commerciaux jalonnant les
principales voies de communication. Sur le plan politique, le pouvoir assure sa
domination grâce à un réseau de postes militaires.
L'objectif politique était aussi de produire un paysage urbain attrayant
pour assurer le bien-être des populations. Ainsi, à cette
époque, l'aménagement de l'espace implique la planification de
l'occupation du sol en veillant sur l'équilibre entre les besoins en
croissance et une offre en terrain conséquente assurée par les
chefs coutumiers.
Entre 1930 et 1960, l'État planifie la création
des quartiers, fixe leur taille, la répartition de la population et
fournit les infrastructures et services de base nécessaires à
l'organisation et à la gestion de l'espace urbain. Cette politique a
conduit à un zonage entre les quartiers d'affaires et commerciaux, les
quartiers résidentiels européens et ceux des travailleurs
indigènes, en essayant d'éviter la création des quartiers
populaires insalubres.
Durant toute la période coloniale, le
développement urbain recherche une cohérence entre le
désir d'un urbanisme adapté au modèle occidental qui se
veut garant des formes architecturales ou esthétiques et des
règles de sécurité ou d'hygiène. L'on cherche aussi
à planifier la réalisation des travaux publics :
équipements, voiries et drainages, réseau d'eau et
d'électricité, etc. Au final, c'est un habitat de type
européen très attractif et bien équipé qui a
été produit d'un côté, et de l'autre, un habitat
traditionnel avec moins d'infrastructures et services de base et donc moins
attractif (Saint Moulin, 2010). Même si le développement urbain
global est marqué par la maîtrise et la valorisation de l'espace
public (Katalayi, 2014 ; LeloNzuzi, 2011), les bases d'une ville double sont
mises en place à cette époque. L'implication des chefs coutumiers
dans la distribution et la commercialisation des parcelles de terrain, alors de
moindre importance, prend de l'ampleur à la veille de
l'indépendance (Mpuru et Kibala, 2016 ; Kabamba, 2014 ; Katalayi, 2014).
Après l'indépendance, c'est à partir de l'habitat produit
pour les indigènes que l'expansion va débuter pour
s'étendre dans les zones périurbaines lointaines.
b) La planification urbaine après
l'indépendance : l'ancrage des difficultés socio-spatiales de
l'urbanisation kinoise
Comme dans nombre de villes situées en Afrique
subsaharienne, il est manifeste que la politique menée à Kinshasa
en matière d'aménagement du territoire a été et
reste très peu performante (SOSAK, 2014).
Le décret du 20 juillet 1957 fait, jusqu'à ce
jour, office de Code de l'urbanisme en RDC. Il propose deux outils
complémentaires de planification urbaine, dont le premier est le Plan
Local d'Aménagement (PLA). Ce dernier définit la destination
principale des grands secteurs urbains, les zones d'extension et un
schéma de structure pour la voirie. Il s'agit donc d'un dispositif
stratégique au sens où nous l'avons défini au chapitre II.
Le second outil est le Plan Particulier d'Aménagement (PPA), celui-ci
correspond à un plan d'occupation du sol qui, en théorie,
représente un dispositif de liaison entre les documents
stratégiques et les outils de l'aménagement opérationnel.
En effet, les PPA doivent respecter les principes retenus dans le Plan Local
d'Aménagement. Ils sont très détaillés et
concernent des périmètres relativement restreints. À
l'échelle de l'îlot, ils fixent les règles de construction,
d'occupation du sol, d'alignement de voirie, etc. En théorie, le PLA est
essentiel pour identifier les futures terres urbanisables, en fonction du site
et des fonctionnalités de la ville, mais aussi des moyens de
communication et d'accès aux services et équipement de base. Le
PPA, quant à lui, permet de contrôler les nouvelles constructions
et installations des équipements et de la population. En
réalité, un regard rétrospectif sur la planification
urbaine de Kinshasa depuis l'indépendance montre que ces documents de
planification sont suivis de peu d'effets concrets sur le terrain (LeloNzuzi,
2017 ; Kabamba, 2014 ; Katalayi, 2014 ; SOSAK, 2014 ; LeloNzuzi, 2011). La
planification de la croissance urbaine n'a été, en
réalité, effective que pendant la période coloniale.
Les récentes études estiment que la surface
totale construite à Kinshasa a fortement augmenté ces
dernières années (Angel et al., 2016 ; SOSAK, 2014). Par contre,
la fourniture d'infrastructures et de services collectifs ne suit pas le rythme
de cette croissance (INS, 2014). L'expansion urbaine continue même en
présence de problèmes liés au transport. Kinshasa est une
ville à structure monocentrique où les fonctions administratives
et les opportunités d'emplois, le marché central, les bureaux et
les sites industriels, sont concentrés autour du centre-ville.
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