2.2 Recension des écrits
La recension des écrits sur le thème des
enseignements de seconde génération pour la formation des
citoyens aptes à promouvoir le vivre ensemble, a permis de relever un
certain nombre d'acquis et de thématique pouvant être
arrêté.
2.2.1 Le contexte des enseignements de seconde
génération
Les enseignements de seconde génération naissent
dans un contexte où la problématique de la relation
formation-emploi se pose avec acuité. Lors de la rentrée
pédagogique du 25 Octobre 2016, Au regard des enjeux qui se dessinent
dans la professionnalisation des enseignements, le Ministre des Enseignements
Secondaire a demandé aux enseignants de passer à un enseignement
de seconde génération. Placée sous le thème :
"intensification de la professionnalisation des enseignements pour une
formation plus compatible avec la demande socio-économique.", les
assises de Nkolbisson couplées aux Portes Ouvertes de l'Inspection
Générale des Enseignements, ont permis au patron du Minesec,
après avoir suivi avec pertinence le bilan de l'année scolaire
écoulée, de donner les orientations générales pour
l'année scolaire commençante surtout dans le domaine des
activités-enseignement.
27
Parlant de la pédagogie qui est même la raison
d'être du ministère des Enseignements Secondaires voire son cheval
de bataille, le Ministre a saisi cette idoine occasion pour donner les grandes
directives au triple plan pédagogique, structurel et infrastructurel en
adéquation avec le concept de MINESEC 2nde génération en
vue d'une amélioration qualitative de notre système
éducatif. "Aujourd'hui plus que jamais, notre école a le devoir
de rendre nos apprenants aptes à entreprendre et à réussir
un parcours scolaire ou à s'intégrer dans la
société par la maitrise des compétences professionnelles.
Il est donc temps de créer plus de filières porteuses en lien
avec nos réalités socio-économiques; d'accorder une
attention plus soutenue à l'orientation des apprenants vers ces
filières porteuses; de réhabiliter les infrastructures et
équipements dans nos établissements; de doter nos lycées
techniques et professionnels d'infrastructures et équipements
adaptés à notre environnement» (Jean Ernest Massena NGALLE
BIBEHE, communication personnelle, 25 octobre 2016)., nous fais comprendre que
les programmes pédagogiques de seconde génération repose
sur le développement des capacités cognitives et l'esprit
d'analyse et de déduction de l'élève contrairement aux
programmes précédent axés, sur l'apprentissage par
mémorisation, se sont accordés à dire des
pédagogues d'Alger.
2.2.2 Les méthodes pédagogiques
2.2.3 L'avènement des APC et des TICE
2.2.4 Les méthodes APC
Le mouvement de l'approche par compétences, souvent
désignée par le sigle APC, semble bien en voie de s'imposer dans
presque toutes les sphères de l'activité humaine. Tout se passe
actuellement comme s'il n'existait pas d'autre chemin pour rendre compte de la
trajectoire de l'être humain de la naissance à la mort, pour juger
de sa valeur, pour en évaluer la portée. Rarement une
idéologie aura suscité autant de réactions dans les
secteurs publics, civiques aussi bien qu'éducatifs. Il est vrai que ses
protagonistes sont présents sur tous les fronts et reçoivent un
large appui des pouvoirs publics dans de nombreux cas. Les raisons qui
sous-tendent un tel engouement ne peuvent pas nous laisser indifférents
si l'on veut comprendre les tenants et les aboutissants d'une telle force de
frappe. L'importance de retracer l'origine de l'APC et de mettre en perspective
son impact sur les entreprises de formation et d'éducation
apparaît évidente. On le sait bien, ce sont les postures
philosophiques, psychologiques et politiques qui infléchissent les
actions éducatives, voire l'activité éducative dans son
ensemble. Mais avant d'aller plus loin, il nous paraît essentiel
d'insister sur la notion même de
28
compétence(s) dont l'usage abusif contribue largement
à l'instauration d'une pensée unique dans la plupart des champs
de l'activité humaine (Gérald Boutin, 2004).
2.2.5 La notion de compétence et ses nombreuses
interprétations
Ce mot que l'on retrouve aujourd'hui sur toutes les
lèvres reste difficile à définir de façon
satisfaisante. Tantôt il désigne un point d'arrivée
marqué par un niveau de haute performance, tantôt un processus
dont le déroulement est ponctué par des bilans
d'évaluation. Les auteurs, même les plus convaincus de la
pertinence de la nécessité de transformer tous les programmes
d'études en socles de compétences, sont loin de s'entendre sur la
définition de ce concept-clé. Ruano-Borbalan (1998) en parle
à juste titre comme d'un « concept flou » dans lequel vont se
retrouver des éléments disparates, voire contradictoires. La
définition de la notion de compétences (au pluriel) varie donc
sensiblement selon les auteurs. La confusion demeure en ce qui concerne le
rapprochement entre compétences, objectifs et standards de performance.
Si les compétences sont définies comme une capacité
d'action, il n'en reste pas moins qu'elles présupposent des
connaissances, un savoir-faire, certains comportements et des capacités
intellectuelles et globales, qui constituent les fondements de la
compétence, mais non pas la compétence elle-même.
Dans le monde industriel, les compétences font allusion
à « un ensemble relativement stable et structuré de
pratiques maîtrisées, de conduites professionnelles et de
connaissances, que des personnes ont acquises par la formation et
l'expérience et qu'elles peuvent actualiser, sans apprentissages
nouveaux, dans des conduites professionnelles valorisées par leur
entreprise ». Elles sont donc reliées à la performance
requise pour occuper efficacement tel ou tel emploi qui est défini en
termes de critères appelés « standards de performance
». Cette dernière expression fait allusion à des
comportements attendus de la part des employés par les chefs
d'entreprise. Par ailleurs, il convient également d'établir une
distinction entre la notion de « compétence » au singulier et
celle de « compétences » au pluriel. Le premier désigne
un état de perfection que tous peuvent viser sans vraiment l'atteindre
et qui fait appel à la notion de capacité, de fiabilité,
on dira d'un médecin, d'un professeur, qu'il est compétent, dans
le sens où il possède toutes les dispositions qui assurent
à sa fonction professionnelle toute la qualité nécessaire.
Il en va autrement pour le mot compétences au pluriel. À l'heure
actuelle, cette notion désigne des éléments de la
compétence que doivent posséder les personnes inscrites à
tel ou tel programme ou exerçant tel ou tel métier.
Il existe de nombreuses définitions de la notion de
compétence : pour les besoins de l'étude, la définition
retenue, généralement partagée par les milieux
scientifiques, est la suivante
29
: une compétence vise l'efficacité, elle est
orientée vers une finalité, car elle n'existe que dans son
effectuation (action-réflexion), elle s'accomplit dans l'action et dans
un contexte spécifique. Elle se définit par plusieurs
connaissances ou savoirs mis en relation, car elle mobilise in situ
différentes ressources - cognitives, affectives, sociales,
sensori-motrices, procédurales, etc. - ce qui témoigne de son
caractère complexe et singulier. Dirigée vers l'action, elle
s'applique à une famille de situations, non à une situation
singulière. Différents niveaux de compétences existent.
En fin, le sens donné au mot compétence(s) varie
selon qu'il est employé par les tenants de telle ou telle école
de pensée. C'est ainsi que les béhavioristes y recourent pour
désigner des comportements observables et mesurables qui adviennent
à la suite d'un apprentissage donné ; les constructivistes pour
leur part utilisent le mot compétences pour illustrer une construction
de capacités qui proviennent d'une interaction entre individus
engagés dans une démarche commune. Dans ce dernier cas, les
choses sont beaucoup moins claires et il arrive même que des auteurs qui
se réclament du socioconstructivisme confondent les deux types de
définition. MEIRIEU (1992a, 180) in (D. LECLERCQ (Ed.), 1998)
définit la « compétence » comme un « savoir
identifier mettant en jeu une ou des capacités dans un champ notionnel
ou disciplinaire déterminé, [le pouvoir] d'associer une classe de
problèmes précisément identifiée à un
programme de traitement déterminé ». Pour lui, la
compétence est « le niveau transféré des
micro-expertises ou des capacités locales » (p. 152).
Figure 3: programme de formation de l'école
québécoise
30
2.2.6 Le contexte, les origines et les fondements
théoriques
2.2.7 Le contexte : vers la globalisation des
systèmes scolaires
Toute réforme scolaire obéit à des
visées politiques qu'on aurait tort de ne pas prendre en
considération. À cet égard, plusieurs critiques
dénoncent le fait que les écoles dépendent davantage de
l'économie que de l'État : il s'agit alors de développer
les compétences attendues par une société de rendement et
de performance. Au Canada, comme c'est le cas dans certains cantons suisses,
les réformes scolaires se fondent sur des principes issus du monde de
l'industrie. On comprend alors mieux le mouvement mondial en faveur de la
décentralisation extrême du pouvoir. Aux États-Unis, par
exemple, on parle de « site-based management » et « out-based
education » (GLATTHORN, A.A, 1993) pour désigner un mode de gestion
centré sur l'école dont on n'attend ni plus ni moins qu'une
performance inscrite dans des palmarès dressés chaque
année par des spécialistes de la mesure de la qualité1. La
compétition est plus que jamais à l'ordre du jour ! C'est
là une évidence, les systèmes scolaires se trouvent
aujourd'hui à un tournant : il leur faut, comme on dit, «
négocier la courbe ». On les enjoint, d'une part, de mettre en
place des dispositifs de formation axés sur des résultats
attendus, mesurables et quantifiables et, de l'autre, de respecter le rythme
d'apprentissage des élèves selon les prescriptions du
constructivisme et du socioconstructivisme. Pour répondre à ce
dogme de l'efficacité, le curriculum scolaire « idéal »
porte sur les matières de base : mathématiques, sciences
naturelles et langues étrangères et n'accorde qu'une place
réduite aux disciplines dites culturelles. C'est ainsi que les
enseignants se retrouvent face à un dilemme : adhérer à
une approche de l'efficacité, calquée sur le modèle
industriel, ou alors à une approche de l'action pédagogique
considérée comme un processus qui favorise le
développement de la personne sous tous ses aspects.
Tous les secteurs des systèmes éducatifs sont
touchés : préscolaire, secondaire, collégial et
universitaire : aucun d'eux n'échappe à l'APC. Il va de soi que
la formation des enseignants, du fait qu'elle reliée aux réformes
de l'éducation en cours, est touchée de plein fouet, comme le
font remarquer du reste plusieurs auteurs (TEDESCO J.C, 1996) (ELLIOTT, J. ;
DAHLSTRÖM, L. O. ; MUSONDA, L.W, 1999). Curieusement, les
réformateurs sont peu enclins à prendre en considération
les pratiques courantes des intéressés et proposent plutôt
des mises au point sur l'APC souvent expédiées en quelques jours.
Certes, la profession enseignante évolue et nécessite des mises
à jour constantes pour que les enseignants soient en mesure d'affronter
de nouveaux défis, pour occuper l'espace qui leur revient dans ce monde
en changement. Mais nous ne croyons pas qu'une intervention inspirée de
la tabula rasa soit une façon valable d'améliorer la
situation.
31
2.2.8 Les origines et les fondements
théoriques
Le courant de l'approche par compétences, du moins dans
sa version initiale, est issu du taylorisme et de l'organisation du travail, en
somme du monde de l'industrie. Elle a envahi d'abord le système scolaire
américain dès la fin des années 1960 et s'est vue un
moment mis en opposition à l'approche centrée sur la personne
dont Maslow et Rogers ont été les chefs de file. Assez
rapidement, l'APC s'est imposée dans le monde de l'éducation
d'abord aux États-Unis, en Australie et ensuite en Europe. Le
Royaume-Uni, la Suisse et la Belgique ont été parmi les premiers
pays à vouloir repenser leurs systèmes éducatifs selon
cette approche. C'est ainsi que les décideurs sont passés de la
culture des objectifs à celle des compétences tout en ne
parvenant pas à les distinguer l'une de l'autre.
Contrairement à ce qui s'est produit dans le domaine de
l'industrie, celui de l'éducation a établi des liens très
étroits avec le constructivisme et plus encore avec le
socioconstructivisme. La tentative d'établir un lien entre une
école centrée sur les comportements observables d'inspiration
comportementaliste à la B.F. Skinner et une école fondée
sur le développement cognitif de l'individu a pris un essor
considérable au cours des dernières années. Plusieurs
travaux se poursuivent dans ce domaine sans que pour autant leurs auteurs
soient parvenus à proposer des pistes de réflexion et d'action
qui répondent vraiment aux attentes des intervenants sociaux ou
éducatifs. Le débat autour de la question est encore très
vif pour la raison toute simple que la fonction éducative répond
à une autre logique que celle de l'industrie. L'école a pour
mission de préparer le citoyen de demain sous toutes ses dimensions
(affective, cognitive et sociale) ; elle ne saurait s'en tenir au seul aspect
socio-économique, à l'homo faber. Ce serait une erreur de
réduire ainsi le rôle que la société lui octroie
(Gérald Boutin, 2004).
2.2.9 L'impact de l'APC dans le monde de
l'éducation et des sciences humaines en
général
L'influence de l'APC dans le domaine de l'éducation et
de la formation est considérable. À l'heure actuelle, les
programmes d'études sont rédigés la plupart du temps en
termes de compétences attendues dans presque tous les pays occidentaux.
À vrai dire, ces programmes mettent l'accent sur la démonstration
du savoir plutôt que sur le savoir lui-même. Cette façon de
procéder interpelle un nombre grandissant de critiques qui craignent
à juste titre de voir les connaissances céder le pas aux
compétences, en d'autres termes, de devoir constater
l'accélération de l'avènement d'une société
axée uniquement ou presque sur la performance.
32
2.2.9.1 La part de
l'élève
Les tenants de l'APC placent l'élève au centre
de l'apprentissage. Ils considèrent ce dernier comme naturellement
doué d'une capacité presque absolue de développer les
compétences attendues qui apparaissent dans le programme d'études
présenté à partir de domaines d'activités
balisés à l'avance. L'élève est responsable de ses
apprentissages et il lui appartient de construire lui-même ses propres
connaissances. Pour ce faire, il aura à sa disposition des instruments
que lui fournira son facilitateur. Il faut dire que le rôle du
maître est sensiblement modifié si on le compare à celui
qu'il est appelé à jouer dans le contexte de l'école dite
traditionnelle. L'enseignant facilitant évitera d'enseigner, il incitera
les apprenants à construire leurs connaissances qui, elles, ne devront
pas être trop exigeantes pour l'élève, d'où
l'allègement des curriculums. Il laissera une bonne partie de ses
tâches au groupe-classe qui sera invité à procéder
à son organisation. On notera au passage que cette façon de
procéder emprunte largement au courant de l'école dite nouvelle
avec cette différence fondamentale qu'on aurait tort de négliger
que, selon les principes de cette dernière, il appartient à
l'élève de déterminer lui-même les objectifs qu'il
poursuit.
À vrai dire, dans une telle perspective, l'enseignant
doit éviter le plus possible la transmission de connaissance et
même dissimuler à l'apprenant qu'il est soumis à une
évaluation. Cette opposition n'est pas nouvelle. En effet, au cours des
années 1960, la centration du processus éducatif était
portée, comme c'est le cas aujourd'hui, sur l'élève
(devenu apprenant). Cette centration prend ses racines dans le courant bien
connu de l'école nouvelle. On sait que, déjà dans les
années 1920, Dewey insistait, à l'instar des pédagogues et
des psychologues européens (Decroly, Claparède, Ferrière,
Montessori et Freinet), sur la part de l'initiative de l'élève
dans son apprentissage : il s'en prenait entre autres à l'enseignement
magistral et à l'autoritarisme dont l'éducation traditionnelle a
été le théâtre depuis des siècles. Ce courant
préconise la centration sur l'élève plutôt que sur
la matière ou la discipline. Il s'inspire, entre autres, de la
psychologie humaniste dont Rogers a été l'un des principaux
instigateurs et qui exerce encore aujourd'hui son influence tant dans le
domaine de l'éducation que dans celui des sciences sociales et humaines
en général (Gérald Boutin, 2004).
2.2.9.2 La relation
maître-élève
Mais revenons à la relation entre l'enseignant et
l'élève qui, comme nous le savons, est au centre de toute
entreprise pédagogique. La conception que l'on se fait de cette relation
est étroitement liée aux références
théoriques et aux expériences de chacun. Pour leur part, les
novateurs recourent aux principes que l'on retrouve à la base du
constructivisme pour décrire
33
tant le rôle de l'enseignant que celui de
l'élève. Pour eux, la part de l'élève peut se
résumer ainsi : L'élève est responsable de son
apprentissage et devient un « apprenant ». On s'attend à ce
qu'il soit : curieux, plein d'initiative et persistant dans les tâches
qu'il a à accomplir, qu'il soit en mesure d'organiser son propre
travail. Il doit : recueillir de nouvelles informations ; apprendre de
nouvelles façons d'apprendre ; savoir utiliser de nouvelles technologies
: le software comme instrument pour atteindre de nouveaux objectifs, Internet
pour avoir accès à de nouvelles informations et les partager,
avoir accès à la recherche. Alors que la part de l'enseignant
prend la forme suivante.
Il devient un facilitateur qui : planifie, organise des
activités ; conseille, accompagne, encourage, soutient ; apprend en
cours de route ; fait des suggestions mais n'impose jamais ; stimule la
créativité, encourage le développement d'une pensée
indépendante. Le facilitateur soutient l'apprenant, tient compte de ses
possibilités, de ses forces, de ses besoins, de ses sentiments. Ce sont
là, à peu de choses près, les principes de base de
l'école nouvelle que la plupart des enseignants, qui ont suivi à
un moment ou à un autre de leur formation des cours de pédagogie
ou de didactique générale, connaissent. Effectivement, la
relation maître-élèves a fait l'objet de travaux
innombrables depuis plusieurs décennies. On tend aujourd'hui à
adopter une ligne de conduite qui se situe dans une perspective d'interaction,
d'échange, de synergie, pour reprendre un mot à la mode. Entre le
maître-camarade et le maître absolu, entre la nonintervention et la
modification des comportements sous toutes ses formes, n'y aurait-il pas une
place pour des positions plus nuancées ? C'est du moins la question que
se posent plusieurs observateurs qui se demandent à juste titre comment
il peut être possible de combiner une approche axée sur
l'efficacité, l'obligation des résultats (comme le
préconise l'APC) et une approche qui se dit humaniste et respectueuse du
rythme de développement de chacun des élèves.
Figure 4: le triangle pédagogique
Savoir
Enseigner Apprendre
Enseignant Apprenant
34
Former
2.2.10 Conception de l'apprentissage et de son
évaluation
2.2.11 Conception de l'apprentissage
L'élève, selon l'APC, est invité non pas
à acquérir des connaissances, comme cela se faisait au temps des
programmes d'études établis à partir d'objectifs, mais
bien à développer des compétences attendues. La
différence est loin d'être évidente. Dans les deux cas, on
se retrouve en présence de listes d'actions à accomplir qui sont,
comme on le sait, établies par des experts ; dans les deux cas,
apprendre, c'est se comporter en tenant compte de comportements, de
compétences attendues, donc de visées établies à
l'avance par des tiers. Qui plus est, les élèves doivent savoir
à quoi sert telle ou telle notion et comment ils pourront effectuer son
transfert dans un autre champ selon le principe de la transversalité
également imposé par les réformateurs. Il n'est plus
question d'apprendre pour le simple plaisir de savoir ! Apprendre, dans une
telle perspective, c'est être en mesure de puiser dans un stock de
compétences établies à partir de conditionnements
antérieurs.
2.2.11.1 Conception de
l'évaluation
Le problème de l'évaluation dans la perspective
de l'APC est particulièrement complexe. Le paradoxe qui marque les
réformes de l'éducation apparaît ici de façon
évidente : comment répondre à des compétences
attendues d'une part et procéder à l'acquisition de connaissances
selon une perspective constructiviste ? La plupart des systèmes
éducatifs qui
35
optent pour l'APC ont fini par imposer des examens à la
fin de chaque cycle de l'école primaire et conserver les épreuves
qui ponctuent la fin du cours secondaire, etc. Il y a là un paradoxe que
certains observateurs n'ont pas manqué de souligner à juste
titre. Les enseignants, pour leur part, en sont venus à jouer sur les
deux plans : d'une part, une pédagogie souple liée à
l'autoévaluation par le truchement de portfolios et, de l'autre, un
« bachotage » dans le but de préparer leurs
élèves aux examens officiels.
Le système de la notation
Le système de notation des élèves dans
cette approche va aussi changer. Il y aura toujours des notes, mais le
système d'évaluation sera basé sur la situation exacte des
lacunes dans chaque matière en vue de les pallier. « Le
système d'évaluation va passer d'une évaluation globale,
notes et observations, à celle de la définition exacte des
lacunes dans chaque matière en vue de faciliter leur traitement et leur
assurer un soutien scolaire », a expliqué le ministre de
l'éducation algérien (« Les enseignements de seconde
génération », 2016). Le secteur de l'éducation
absorbe 4% du PIB par an, alors que le taux de réussite est très
insuffisant. En effet, sur 100 élèves qui entrent à la
première année primaire, seuls quatre obtiennent le bac sans
redoublement et 32% abandonnent l'école avant l'âge de 16ans. Il
s'agira surtout, de cerner les facultés de l'élève afin de
déterminer son profil par anticipation et à travers une
évaluation périodique à chaque fin de palier (primaire,
moyen et secondaire), le but d'une telle démarche étant
d'appréhender son avenir professionnel.
Le programme de seconde génération est
fondé sur le principe de « l'approche globale » qui permet
d'évoquer le même sujet à travers différentes
matières, scientifiques et littéraires, en fonction des
spécificités de chacune. Afin de concrétiser cette
approche sur le terrain, un travail commun doit être fait par les
enseignants dans le cadre d'un « conseil de classe » au sein des
établissements scolaires pour préparer les leçons et
trouver des solutions aux problématiques qui peuvent être
posées. Dans ce nouveau concept, l'évaluation n'est plus un outil
de sanction mais un moyen de comprendre les défaillances que
l'élève présente.
2.2.11.2 Les curricula de formation
Selon l'Approche Par Compétences (APC), la notion du
programme scolaire a cédé la place à celle de curriculum
qui désigne la conception, l'organisation et la programmation des
activités de l'enseignement-apprentissage selon un parcours
éducatif bien déterminé. Dans l'APC, le curriculum
prescrit le parcours de formation pour l'apprenant et propose, donc, une vision
plus complète qu'un programme scolaire. En effet, le curriculum d'un
apprenant
36
détermine le profil d'homme à former durant un
cycle d'études suivant des compétences bien définies afin
de lui faciliter l'accès au monde du travail, et l'aider à
s'adapter aux progrès scientifique et socio-économique. Le
curriculum comprend des indications non seulement sur les profils
d'entrées et des sorties des apprenants, mais aussi sur les
méthodes pédagogiques, sur les modalités
d'évaluation et sur les supports didactiques, affichant ainsi son
ambition de couvrir plusieurs dimensions du système éducatif, et
de les mettre en cohérence pour atteindre les finalités que le
système s'est fixées. Enfin, le »curriculum» met
davantage l'accent sur le processus et sur les besoins, plutôt que sur
les contenus.
Un curriculum devra comprendre les finalités du cursus,
qui sont : l'Objectif
Terminal d'Intégration (OTI), ou la une macro
compétence qui reprend les principaux acquis d'une année ou d'un
cycle donné ; les Objectifs Intermédiaires d'Intégration
(OII) que sont
les objectifs définis pour chaque niveau
d'études ; les Compétences de Base (CB), des prérequis
qui permettent à l'apprenant d'affronter avec succès les
apprentissages ultérieurs ; Les Objectifs Spécifiques (OS) qui se
rapportent à la matière devant être enseignée ; Les
Objectifs Opérationnels (OO) ou les comportements que l'on attend d'un
apprenant à l'issue d'une leçon ou une séquence de
formation ; les contenus-matières qui comprend les points
essentiels, susceptibles d'éclairer l'enseignant de la
matière à enseigner ou à prévoir ;
les méthodes et techniques présentées sous forme des
directives ou des indications
méthodologiques dont l'enseignant doit s'inspirer pour
ses leçons ; la grille horaire (gestion du temps) qui permet de
déterminer le nombre d'heures par semaine pour chaque discipline ou
sous-discipline ; les travaux pratiques appropriés à chaque
branche technique; les moyens d'évaluation qui sont des situations
d'intégration des acquis ; le programme devrait préciser qui
évalue et pour prendre quelle décision, et aussi quand et selon
quelles modalités doit avoir lieu l'évaluation ; les ressources :
ce sont les matériels et les produits à utiliser pour
l'enseignement mais aussi des documents, des enregistrements, des sites
à visiter, etc. La pédagogie de l'intégration est surtout
caractérisée par la cohérence systémique,
c'est-à- dire partant des objectifs généraux jusqu'aux
contenus-matières, tous les éléments sont
cohérents, tel que le montre le schéma de »l'arbre
d'intégration» proposé par ROEGIERS (2000).
Figure 5:exemple de schématisation de l'arbre
d'intégration par niveau scolaire
O.I.T CB1
OS1
OOContenu
OS2 OO-Contenu
OS3
OO-Contenu
OO- Contenu
OO-Contenu
OO-Contenu
OO-Contenu
OO-Contenu
OO-Contenu
O.I.I
CB2
CB3
OS1
OS2
OS3
OS1
OS2
OS3
OO-Contenu OO-Contenu OO-Contenu OO-Contenu OO-Contenu
OO-Contenu
OO-Contenu OO-Contenu OO-Contenu
OO-ConteOO-
nuOO-Contenu Contenu OO-ConteOO-
nuOO-Contenu Contenu OO-Contenu
OO-ConteOO-
nu
Contenu
37
Ou
Selon l'approche par compétences, les apprentissages
sont organisés à partir d'une macro compétence qui
décrit les acquis envisagés. L'Objectif Terminal
d'Intégration (OTI) est une macro compétence qui reprend les
principaux acquis d'un cycle donné. Les Objectifs Intermédiaires
d'Intégration (OII) sont les objectifs définis pour chaque niveau
d'études. L'OTI ou l'OII ne peut qu'être maîtrisée
après avoir atteint certaines Compétences de Base (CB),
c'est-à- dire, certains minima des prérequis nécessaires
comme base pour l'assimilation des apprentissages. La matière devant
être enseignée pour arriver à une compétence de base
est formulée dans les Objectifs Spécifiques (OS). Finalement les
comportements que l'on attend d'un apprenant à l'issue d'une
leçon ou une séquence de formation sont décrits par les
Objectifs Opérationnels (OO), ceux-ci à leur tour sont
accompagnés par les nécessaires Contenus-Matières, qui
constituent l'ensemble les notes de cours mises à la disposition de
l'apprenant.
Exemple : - OTI : A la fin des humanités, le technicien
agronome du niveau A2 doit être capable d'encadrer les paysans dans
l'identification et la résolution des situations problèmes
relatives à la production agricole, de gérer l'environnement afin
de lutter contre la pauvreté et d'assurer un développement
intégral durable.
- OII : A l'issue de la 3ème année,
l'élève sera capable de : conduire et aménager une
pépinière
;
- CB : Assurer la conduite d'une pépinière ;
Réaliser la multiplication des plantes cultivées, Utiliser
rationnellement l'outillage aratoire
- OS : Préparer les sols, définir l'assolement,
préparer les semences.
38
- OO : A la fin de la leçon, l'apprenant sera capable de
:
1. Citer, en deux minutes, l'outillage à utiliser pour la
préparation du sol ;
2. Décrire correctement le procédé de
préparation d'une pépinière ;
3. Ordonner chronologiquement les étapes de
préparation d'une pépinière (Ir. Denis-Didier MUNANGI
MPUNG, Inspecteur Principal, IGE / EPSP Idrissa ASSUMANI ZABO, Professeur
à l'U.P.N. Robert LOLEKONDA KALONDA, DEA en Didactique de Biologie,
2009).
2.2.12 L'avènement des TICE dans le
système éducatif Contexte d'intégration des TICE en
éducation
Lancé en Tunis en 2011, le forum ministériel sur
l'intégration des TIC dans l'éduction en Afrique est un
mécanisme régional de dialogue au niveau politique
créé par l'association pour le développement de
l'éducation en Afrique (ADEA), le groupe de la banque de
développement (BAD), l'organisation des nations unis pour
l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et leurs partenaires.
L'objectif du forum est de permettre aux Etats partenaires de
tirer profit du potentiel des TIC dans l'enseignement pour favoriser
l'émergence d'une éducation en Afrique inclusive, de
qualité et équitable et de promouvoir un apprentissage pour tous
tout au long de la vie.
Organisé à Abidjan du 7 au 9 juin 2016, cette
rencontre a réuni les décideurs politiques, des experts des
universités, des instituts de recherches des partenaires au
développement et des entreprises du secteur des TIC. Ces
différents acteurs ont participé à diverses tables rondes
pour réfléchir et partager des connaissances sur la meilleure
manière d'intégrer les TIC plus efficacement pour assurer le
développement d'une éducation africaine de qualité. Cette
rencontre vise principalement à trouver des solutions pour :
- Fournir un accès universel à une
éducation de qualité et développer des possibilités
pour un apprentissage tout au long de la vie à tous les africains.
- Outiller les apprenants en compétence pour leur
permettre de devenir les acteurs de la société du savoir.
- Promouvoir par l'éducation une culture
d'alphabétisation numérique et de la créativité
pour permettre à l'Afrique de renforcer les capacités
d'innovation de l'industrie des TIC.
En ce sens, le forum doit permettre de mettre en place un
cadre propice à la génération des partenariats et à
la mise en oeuvre des projets qui devaient bénéficier de l'appui
des différents
39
acteurs et parties prenantes concernées par
l'amélioration de la qualité de l'éducation en Afrique.
2.2.13 Usage des TIC en éducation
Dans le cadre de la sixième conférence
internationale sur les TIC dans l'éducation, qui s'est tenue du 20 au 22
mai à Addis-Abeba, un rapport sur l'usage des TIC en Afrique a
été présenté par Elletson et Annika Burgess.
Selon les auteurs, les enseignants en Afrique se montrent
encore réticents à l'utilisation des technologies de
l'information et de la communication dans l'éducation, alors même
qu'ils considèrent les nouveaux outils pédagogiques comme
essentiels à l'amélioration de la qualité de
l'enseignement.
Malgré, le rôle essentiel que jouent les TIC dans
l'éducation, de nombreuses écoles, universités,
établissements et agences gouvernementales ne sont pas encore
suffisamment sensibilisées aux avantages qu'elles apportent. Ce constat
révèle même un paradoxe, alors que des engagements, des
déclarations, des initiatives pilotes sont quotidiennement mise en avant
un peu partout sur le continent.
Ainsi, un échantillon de 1500 professionnels africains
de l'éducation sondés, 57% estiment que les enseignants de leurs
pays ne sont pas suffisamment informés des avantages de l'utilisation
des TIC dans l'enseignement. Les auteurs du rapport identifient ainsi un
certain nombre d'obstacles liés notamment au cout des services et des
équipements, au manque d'infrastructure et à l'absence de
sensibilisation sur les bonnes pratiques et les meilleurs usages en
matière de TICE.
2.2.14 L'éducation à la
citoyenneté
La question de la diversité culturelle et religieuse
est devenue, en cette fin de millénaire, un enjeu majeur dans un grand
nombre de sociétés du monde. C'est maintenant une
thématique omniprésente, les sciences humaines et sociales et les
publications sur le sujet ont littéralement explosé au cours des
dernières décades. Ces développements ont bien sûr
eu un impact sur l'éducation. On a vu apparaître plusieurs
mouvements éducatifs visant à promouvoir une plus grande
ouverture à la diversité culturelle et religieuse et à
lutter contre la discrimination et le racisme : l'éducation
multiculturelle/interculturelle, l'éducation anti- raciste,
l'éducation au développement, l'éducation dans une
perspective mondiale (global éducation), l'éducation à la
paix, l'éducation bilingue, l'éducation à la
démocratie, l'éducation à la citoyenneté.
L'Éducation Civique est définie comme un ensemble de
connaissances, de compétences, de
40
savoirs et de valeurs à transmettre, mais aussi de
pratiques et de comportements à adopter en société par des
citoyens. Elle permet une meilleure connaissance de l'environnement, la
formation aux règles de la vie en société et la
maîtrise par le citoyen de ses droits et devoirs.
Enfin, l'éducation civique, en tant que processus
continu, permet à l'individu de développer des valeurs
indispensables à l'exercice de la citoyenneté. Grâce
à l'appropriation et à l'application de ces valeurs, il peut
ainsi passer du statut d'individu à celui de citoyen (personne qui jouit
de ses droits politiques et s'acquitte de ses devoirs envers sa patrie et
exerce librement sa citoyenneté dans un Etat de droit) (Cameroun,
2013).
2.2.14.1 L'éducation à la
citoyenneté : diversité des conceptions
Les développements récents de la
réflexion théorique sur l'éducation interculturelle
tendent depuis une dizaine d'années à articuler étroite-
ment celle-ci à l'éducation à la citoyenneté. La
plupart des auteurs s'entendent pour attribuer à l'école une
responsabilité dans la formation des citoyens, dans une
société démocratique marquée par le pluralisme
(Fernand OUELLET, 2002). Certains vont même jusqu'à
préciser les principaux axes de son intervention. Ainsi, Michel
Pagé propose cinq « dispositions que l'on pour- rait
considérer comme des éléments du code de vie du citoyen
d'une société pluraliste » : la modération dans
l'affirmation de son identité sociale, l'acceptation de la tension entre
les forces d'unité et de diversité dans l'identité
nationale, le sens politique de la participation à la vie des
institutions, l'habileté à juger les dirigeants politiques en
collaboration avec d'autres, la sensibilité aux intérêts
généraux de la société (PAGÉ (M.), 1996).
Ce sont là des propositions intéressantes qui
méritent d'être examinées de près, mais les
discussions qui précèdent permettent d'anticiper le fait que l'on
aura une interprétation tout à fait différente de chacune
de ces dispositions selon que l'on se situe dans l'une ou l'autre des
nombreuses traditions politiques qui proposent une vision globale de la
société et de la citoyenneté. Kymlicka identifie huit
écoles de pensée qui proposent des conceptions souvent
très différentes de la citoyenneté : 1. la Nouvelle
Droite, qui remet en cause les acquis sociaux de l'État- providence qui
serait responsable de la passivité des citoyens et insiste sur la «
citoyenneté responsable » et sur l'autosuffisance économique
;
2. la Nouvelle Gauche ;
3. les théoriciens de la société civile,
qui insistent sur l'importance de l'action volontaire dans divers groupes et
associations ;
4.
41
les féministes, qui soulignent la
nécessité de lever les obstacles structuraux à la
participation politique ;
5. les théoriciens de la vertu libérale, qui
insistent sur la délibération démocratique et la raison
publique ;
6. les républicains civiques, qui mettent l'accent sur
la participation à la vie politique ;
7. L'individualisme libéral ;
8. le pluralisme culturel.
Il en mentionne une neuvième, le « communautarisme
conservateur » dont il décrit ainsi les principales
caractéristiques : selon cette opinion, l'État devrait favoriser
activement l'assimilation au mode de vie traditionnel de la
collectivité. L'État ne devrait pas appuyer politiquement les
identités de groupes non traditionnels en fait, il devrait même
décourager les tentatives individuelles de maintenir la
différence d'un groupe. Être véritablement membre de la
collectivité présuppose l'acceptation de valeurs partagées
qui découlent des traditions historiques de la collectivité
(KYMLICKA (W.), 1992, p. 59).
Ce modèle se rapproche de ce que (SCHNAPPER (D.), 1991)
appelle le « nationalisme ethnique ». Un dixième
modèle, qui représente un mélange original des visions
libérale et pluraliste, est celui de l'« intégration
pluraliste » développé par (SPINNER (J.), 1994). Cet auteur
propose un élargissement de la notion de citoyenneté pour qu'elle
devienne inclusive pour des groupes traditionnellement exclus. Il souligne
d'une manière nuancée les transformations inévitables de
l'ethnicité qu'entraînent l'acceptation des « exigences de la
citoyenneté libérale » et la participation politique. On
aura une conception très différente de l'éducation
à la citoyenneté selon que l'on se situe dans l'un ou l'autre de
ces courants de pensée. Cette pluralité de visions de la
citoyenneté colore également la nature des dispositions et vertus
qu'elle devrait chercher à développer et des moyens que devrait
prendre l'école pour la mettre en place.
Par exemple, (LAMOUREUX (D.), 1996) explicite la conception
des droits et « vertus civiques » de trois grandes traditions
politiques : la tradition libérale, la tradition républicaine et
la tradition « participationniste ». La tradition libérale
insiste surtout sur les droits civils qui visent à protéger les
individus les uns des autres et des intrusions de l'État dans la
sphère privée. Les droits sociaux ont été
acceptés sur une base pragmatique, pour empêcher
l'instabilité sociale. Voici comment l'auteur décrit les vertus
civiques que demande une telle conception du droit : Sur le plan personnel, ce
qui est valorisé, c'est l'obéissance à la loi et la
loyauté, à savoir
42
le respect des engagements et de la parole donnée. Sur
le plan social, l'accent est mis sur l'indépendance, entendue
fondamentalement comme la capacité de se suffire à soi-même
et de limiter ses désirs, et sur l'ouverture d'esprit nécessaire
à la tolérance. Sur le plan économique, on insiste sur
l'éthique du travail, sur la capacité de reporter les
gratifications, sur l'adaptabilité aux changements économiques et
technologiques, bref, sur tout ce qui permet de subvenir soi-même
à la satisfaction de ses besoins matériels. Si la tradition
libérale valorise la capacité des individus à s'organiser
une vie personnelle bien rangée et à vivre essentiellement dans
la sphère privée, elle est très peu exigeante en ce qui
concerne l'implication dans la vie politique ou collective. Dans ce domaine,
l'individu idéal de la pensée libérale doit beaucoup plus
s'abstenir qu'agir, puisqu'il est fondamentalement question du respect des
autres, du respect des institutions, de modération dans ses exigences et
dans l'expression de ses opinions (LAMOUREUX (D.), 1996, p. 15).
Dans la tradition républicaine, ce n'est pas le
marché qui assure la régulation sociale, mais l'État
« qui devient en quelque sorte producteur de sens » par
l'intermédiaire de l'école et de l'armée : L'école
a pour fonction de donner des valeurs et des référents communs
aux individus, alors que l'armée concrétise l'idée de
nation en unissant les individus dans un projet de défense de
l'État et de sa souveraineté (ibid.).
Cette tradition véhicule une conception de la nation
civique dont la base est territoriale et non ethnique, et elle met surtout
l'accent sur les droits politiques. Elle n'a pas les réticences du
libéralisme par rapport aux droits sociaux qui lui apparaissent comme un
moyen de renforcer la cohésion sociale. Elle est beaucoup moins
méfiante que le libéralisme par rapport à la bureaucratie
étatique. Même s'il ne subordonne pas complètement
l'individu à la société, comme dans le
républicanisme antique, le républicanisme moderne « reste
imprégné de la notion de volonté générale
qui devrait modeler les comportements individuels ». À cette
conception des droits correspond une vision des vertus civiques qui
s'éloigne du modèle libéral : Sur le plan personnel, la
tradition républicaine privilégie elle aussi l'obéissance
à la loi et la loyauté, entendue non seulement comme respect des
engagements personnels mais également comme amour du pays, en plus de
valoriser la sociabilité.
Sur le plan social, l'indépendance républicaine
exclut l'égoïsme, et la tolérance qu'elle prêche
n'implique aucune distance par rapport à la différence, mais
plutôt la volonté de se l'assimiler, c'est-à- dire de
s'ouvrir dans la mesure où cela force l'autre à
s'intégrer. Sur le plan économique, il y a également
insistance sur l'éthique du travail et la fidélité
à l'entreprise, mais ce qui est surtout valorisé, c'est la
solidarité. Dans cette optique, la tradition républicaine est
43
plus exigeante que la tradition libérale sur le plan
politique ; celui-ci n'est plus défini sur un mode essentiellement
négatif, puisque, dans l'optique républicaine, le politique est
le lieu de la « communion civique ». À ce titre, le service
militaire, le patriotisme pouvant aller jus- qu'au chauvinisme national, le
respect de l'État et l'implication dans un parti politique sont des
comportements valorisés, quand ce n'est pas carrément
imposé par la Loi. La tradition républicaine demande aux
citoyennes et aux citoyens non seulement d'avoir une vie privée bien
réglée, mais également de se plier à certains
rituels civiques afin de manifester ouvertement et de réitérer
leur sentiment d'appartenance à une collectivité politique
spécifique (ibid.).
La troisième tradition politique identifiée par
Lamoureux, la tradition « participationniste », préconise une
citoyenneté active. Elle met l'accent sur les droits sociaux, «
c'est-à-dire sur une justice distributive qui devrait permettre à
toutes et à tous de pouvoir satisfaire leurs besoins
élémentaires ». Le rôle de l'État est de
protéger ces droits, mais il doit laisser la place à la
société civile lorsqu'il s'agit de définir la vie des
collectivités. C'est par le biais de ses appartenances «
communautaires » que l'individu s'insère dans la
collectivité nationale. Cette tradition véhicule une vision des
vertus civiques très différentes de celle du libéralisme
et du républicanisme moderne : Sur le plan social, ce qui est
valorisé, c'est la solidarité, l'appartenance et la
disponibilité. Sur le plan économique, l'accent est mis
essentiellement sur le partage et sur l'enracinement.
Bref, alors que dans les autres traditions l'individuation se
mesure essentiellement à l'aune de la capacité de se suffire
à soi-même, dans la tradition participationniste, l'individuation
passe par la capacité de contribuer de façon originale à
la vie sociale. Sur le plan politique, le modèle participationniste est
nettement le plus exigeant. Il s'agit en effet pour les citoyennes et les
citoyens, non seulement d'adhérer aux institutions, mais de leur
insuffler du mouvement. À cet égard, on valorise l'implication
directe dans les milieux de vie et de travail, la capacité de cri-
tique, de contestation et de mobilisation, la vigilance par rapport au pouvoir
et à l'autorité (ibid, p. 16).
Il est évident que l'on aura une conception très
différente de l'éducation à la citoyenneté selon
que l'on adhère à l'un ou l'autre de ces courants de
pensée politique. Lamoureux ne croit pas qu'il faille choisir l'une ou
l'autre de ces traditions qui ont chacune leurs avantages et leurs
inconvénients. Elle suggère plutôt un bricolage qui
emprunte des éléments de ces trois traditions (4). Cette
typologie, plus simple que celle de Kymlicka, peut nous aider à voir un
peu plus clair dans l'enchevêtrement des différentes positions qui
structure les débats contemporains sur l'éducation à la
citoyenneté. Toutefois, l'analyse de Lamoureux laisse dans l'ombre un
courant
44
qui a pris une importance grandissante dans les débats
récents sur l'éducation à la citoyenneté : le
courant de la démocratie délibérative, dans lequel
(HABERMAS (J.), 1995) a eu une influence déterminante (DUHAMEL (A.),
WEINSTOCK (D.) et TREMBLAY (L. B.), 2001, 2001; LEFRANÇOIS (D.), 2001;
POURTOIS (H.), 1993). De plus, sa discussion ne reflète pas la
diversité des positions au sein de la tradition libérale
elle-même. En effet, la possibilité de faire une place aux
revendications sociales, ethniques ou nationales de groupes particuliers au
sein des démocraties libérales soulève des débats
importants parmi les libéraux. Plusieurs craignent que cela puisse
mettre en péril la stabilité de l'ensemble poli- tique.
Il existe également chez les libéraux un
débat sur les finalités de l'éducation civique qui s'est
polarisé récemment en une opposition entre le libéralisme
politique et le libéralisme intégral (compréhensive).
D'après les tenants du libéralisme politique (GALSTON (W. A.),
1991 ; MACEDO (S.), 1995 ; RAWLS (J.), 1993), l'éducation civique
proposée le libéralisme intégral tel que défini par
Kant et Mill est intrinsèquement hostile à la diversité
culturelle et religieuse parce qu'elle enseigne des valeurs spécifiques,
l'autonomie et l'indépendance des individus, qui ne laissent pas de
place à la diversité sociale. Le libéralisme politique ne
présenterait pas ces inconvénients, parce qu'il ne repose pas sur
une conception particulière de la bonne vie mais sur des principes
politiques qui per- mettent à diverses conceptions de la bonne vie de
s'épanouir. (GUTMANN (A.), 1995) Gutmann n'est pas du tout convaincue de
cette supériorité intrinsèque du libéralisme
politique face à la diversité culturelle et sociale. Parce que
les tenants du libéralisme politique ne se contentent
généralement pas, comme le fait Galston, d'enseigner aux enfants
la tolérance et le maintien de l'ordre public (5), mais insistent sur
l'enseignement du « respect mutuel » et d'un « sens de
l'équité », il y a peu de différence en pratique
entre les deux formes de libéralisme.
Gutmann croit qu'il est impossible d'enseigner aux enfants le
respect mutuel sans leur enseigner en même temps les valeurs de
l'individualité et de l'autonomie. Il n'est donc pas possible selon elle
d'enseigner les vertus démocratiques libérales « sans
demander aux enfants de réfléchir sur des perspectives politiques
antagonistes, qui sont souvent associées avec des modes de vie
différents, mais une telle réflexion n'implique pas un
scepticisme moral ou métaphysique ». (PAGÉ (M.), 2001) a
proposé récemment une typologie plus complète que celle de
Lamoureux. Il distingue quatre conceptions dans la pensée des
théoriciens qui décrivent la citoyenneté vécue par
les citoyens des démocraties d'aujourd'hui :
1)
45
la conception libérale, qui met l'emphase sur les
droits qui protègent la liberté des citoyens d'investir dans leur
épanouissement personnel, familial, professionnel, sans trop se soucier
de la participation civique, sauf lorsque ces droits sont menacés ;
2) la conception délibérative pluraliste, qui
insiste sur la participation à la délibération de la
communauté politique, seule garantie que les décisions prises en
vue du bien commun soient des compromis acceptables par toute la
diversité des citoyens ;
3) la citoyenneté civile différenciée,
qui met aussi l'emphase sur la participation, mais à l'échelle de
la société civile seulement, où les citoyens estiment
pouvoir plus sûrement contribuer à la création de biens
communs qui satisfont les espérances convergentes des communautés
ou des groupes restreints auxquels ils appartiennent ;
4) la conception nationale unitaire, qui favorise davantage
l'épanouissement d'une identité collective forte qui constitue la
base de la cohésion de la société, dans le respect des
droits des citoyens. Selon Pagé, il n'est pas possible pour le chercheur
d'opter pour l'une ou l'autre de ces quatre conceptions théoriques de la
citoyenneté, car elles sont toutes « légitimes en regard de
la norme fondamentale de l'égalité intégrale de tous les
citoyens dans une société démocratique » (p. 50). On
est en présence d'une « diversité de formules de
citoyenneté qui devraient être étudiées dans
l'éducation à la citoyenneté comme autant de
manières légitimes de vivre la citoyenneté » (p. 10).
Et c'est par la recherche empirique que l'on pourra déterminer quelle
est celle qui rallie davantage l'adhésion des citoyens. Le
développement d'un programme d'éducation à la
citoyenneté sup- pose qu'on tienne compte de la diversité des
conceptions de la citoyenneté qui coexistent légitimement dans la
société.
Toutefois, cette diversité peut parfois rendre
difficile l'accord sur les finalités de ce programme. Le défi que
représente la conciliation des trois préoccupations/valeurs au
centre de tout programme d'éducation interculturelle, l'ouverture
à la diversité, la cohésion sociale et
l'égalité se retrouve également. Dans toute initiative de
ce genre. La cohésion sociale sera sans doute une préoccupation
plus centrale dans l'éducation à la citoyenneté qu'elle ne
l'était dans les divers projets d'éducation interculturelle.
Cependant, aucun pro- gramme d'éducation à la citoyenneté
ne peut ignorer la nécessité pour les sociétés
démocratiques de faire à la préoccupation d'ouverture
à la diversité une place plus grande que par le passé. De
plus, un programme d'éducation à la citoyenneté ne serait
pas viable s'il n'accordait pas une place centrale à la
problématique de l'égalité et de
l'équité.
46
2.2.15 L'intégration nationale
L'intégration nationale est la manifestation d'une vie
d'ensemble conforme au devoir et à la conscience morale. Elle est
également comprise comme la manifestation qui s'exprime dans les
rapports interindividuels et les agissements des personnes. En substance,
l'intégration nationale vise à former des citoyens
enracinés dans leur culture, respectueux de l'intérêt
général, du bien commun, de l'éthique et des valeurs
démocratiques, soucieux du vivre ensemble harmonieux et ouverts au monde
(MINEJEC CAB, 2015).
2.2.15.1 Les différents modèles
d'intégration nationale
Les diverses conceptions de l'intégration ont
donné lieu à trois grands modèles d'intégration
nationale : le modèle républicain, le
modèle ethnique et le modèle
communautaire ou multiculturel.
2.2.15.2 Le modèle républicain
d'intégration nationale
Encore appelé modèle politique, la France en est
l'exemple type. Il est fondé sur le modèle assimilationniste,
où la nationalité-citoyenneté se fonde sur
l'adhésion individuelle au contrat social (droit du sol ou jus soli).
Les identités ethniques ou religieuses sont gommées ou
refoulées dans la sphère du privé, c'est ce modèle
qui explique la politique de la laïcité, laquelle participe du fait
que le lien social national doit transcender les liens sociaux primaires et
dépasser tous les particularismes originels. (Ernest RENAN, s. d.),
définit celle-ci comme un vouloir-vivre-ensemble, c'est- à-dire
une communauté d'individus qui, quelles que soient leurs origines
culturelles ou ethniques, ont cette envie de faire partie d'une même
entité. Le modèle ethnique C'était le modèle en
Allemagne jusqu'en 1999 où la nationalité repose sur la filiation
(droit du sang- jus sanguinis), la culture, la langue, la religion. Selon
Fichte, la nation est un peuple issu de la même origine et qui a en
partage la même race, la même culture, la même religion, la
même langue, la même histoire, etc. L'idée allemande de
nation n'est donc pas politique, mais renvoie à une conception
généalogique de la communauté nationale, selon laquelle la
nation allemande est composée de tous ceux qui ont du sang allemand. Si
la modification constitutionnelle de 1999 consacre désormais le droit du
sol, elle ne fait pas encore l'unanimité.
2.2.15.3 Le modèle communautaire ou
multiculturel
Ce modèle renvoie à trois registres qui, dans la
pratique, ont tendance à se recouper, voire se confondre ; le registre
sociologique, qui constate l'existence de demandes et
47
d'affirmations identitaires, (cas du Canada depuis la fin des
années 1960) ; le registre de la philosophie politique et de
l'éthique, qui a surtout cours dans le monde Anglo-saxon et chez les
Néerlandais, avec des débats opposant les « communautarians
», favorables à une reconnaissance des particularismes culturels et
des minorités comme acteurs politiques, et les « liberals »,
qui s'y opposent ; le registre politique, qui s'efforce d'inscrire dans la loi
fondamentale la reconnaissance des particularismes culturels (cas d'Israël
où le gouvernement actuel veut inscrire dans la Constitution
qu'Israël est l'Etat juif). Dans ce modèle, les minorités
sont reconnues comme des acteurs politiques et leurs droits culturels sont
garantis. Les communautés peuvent se développer de façon
séparée et autonome au sein d'un grand ensemble. Au terme de
cette revue, l'intégration nationale apparaît comme une
construction, jamais achevée, d'une identité nationale
résultant d'une double démarche destinée, d'une part,
à rassembler en un tout cohérent, la nation, les diverses
entités infranationales qui la composent, tout en préservant les
caractéristiques spécifiques ; c'est l'intégration
à la collectivité ou intégration tropique, d'autre part,
à organiser l'entité nationale afin d'en rationnaliser les
mécanismes intrinsèques de fonctionnement : c'est
l'intégration de la collectivité ou intégration
systémique.
L'intégration se présente à la fois comme
le résultat recherché ou proclamé des politiques publiques
et comme processus social susceptible, comme tout processus, d'avancées
différentes selon les domaines, mais aussi de décalages, de
retournements, de contre-tendances ou de pistes nouvelles et inédites.
C'est donc un processus qui n'est ni itératif, ni cyclique, mais
essentiellement progressif et ouvert. Pour Durkheim, selon que l'on se trouve
dans des sociétés traditionnelles ou modernes, l'on observera la
prééminence de solidarités de type mécanique ou
organique, même si cette césure n'est pas toujours aussi nette et
que subsiste un peu de l'une ou de l'autre. Les différentes
écoles ont permis de faire le constat du caractère
polysémique de la notion d'intégration nationale et de passer en
revue les différentes applications, selon que l'accent est mis sur le
droit du sol ou sur le droit du sang ou encore sur une prise en compte plus ou
moins poussée des particularismes et identités
infranationales.
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