Chapitre 4 :
EXPANSION DU CHRISTIANISME À VO-KOUTIMÉ
DÈS 1971
Les missions d'évangélisation, commencées
dans un premier temps dans le village matriciel (l'ensemble des quartiers de
première génération), gagnèrent au fil du temps
d'autres quartiers de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé. Cette
expansion du christianisme diffère selon les missions ou confessions.
À cet effet, nous nous interrogeons : comment se
présente l'évolution de la mission catholique à
Vo-Koutimé ? Qu'est-ce qui caractérise l'expansion des missions
protestantes ? Alors dans ce chapitre, il sera question, dans un premier temps,
de parler de l'expansion du catholicisme et puis, celle des missions
protestantes.
4.1. La mission catholique
Dès l'avènement de la mission catholique en
1914, le catholicisme ne connaîtra une évolution spectaculaire
qu'à partir de 1971.
4.1.1. Les grandes phases du progrès
catholique
L'évolution de la mission catholique se subdivise en
deux phases : la première va de 1971 à 2004 et la deuxième
de 2004 à 2014 avec des faits particuliers.
4.1.1.1. La première phase : de 1971 à
2004
Après une présence de plus de cinquante ans sans
grand effet au sein de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé,
l'année 1971, dans l'histoire de l'église catholique à
Vo-Koutimé, constitue une période phare. En effet, depuis
l'implantation de la mission en 1914, l'église était toujours
à la traine à cause d'un manque d'espace approprié pour
construire une chapelle.
Cependant, en 1971, le chef du village en la personne de
Akakpo Domafli offrirait, sans aucune condition, une parcelle d'environ quatre
hectares de surface aux missionnaires Comboniens (le Père Augusto
Zancarano).
Selon Miwonunyi Abotsi34 en parle en ces termes :
34 Ingénieur retraité à
Vo-Koutimé et fidèle catholique, 70 ans. Information recueillie
le 24/07/2020 à son domicile.
46
Cet acte de la part du chef n'était pas fortuit. En
effet, l'espace offert aux missionnaires pour y construire l'église est
un terrain litigieux. Deux quartiers du village matriciel à l'instar de
Mamissi et de Glopé revendiquaient le droit de propriété
du terrain. Or, comme nous l'avions dit plus haut, l'ancêtre fondateur de
Mamissi est cousin au chef et celui de Glopé lui est son oncle. Confus
dans cette situation et pour éviter d'être accusé par l'un
ou l'autre, il décida d'en faire un don aux missionnaires.
Alors, les missionnaires, ne voulant plus perdre le temps
compte tenu du litige à propos de l'espace, construisirent une chapelle
qui fut inaugurée le 08 août 1971 sous le nom de Notre Dame de
l'Eglise, pour abriter les messes (Photo n°4.1).
Photo n°4.1 : La chapelle Notre Dame de
l'Église de Vo-Koutimé
Source : cliché E. E. Bodjro (11/03/2020).
Mais conscient de la résistance des parents à
s'ouvrir à la Bonne Nouvelle, les missionnaires se tournaient vers les
jeunes. Puisque, en 1978, soit sept ans plus tard, la mission ouvrait une
école primaire qui était une école d'un bâtiment de
quatre classes de CP1 au CM2 avec une combinaison de la classe de CP1 et CP2 et
de la classe de CE1 et CE2 (Photo ci-dessous) et devrait servir de tremplin
à l'évangélisation.
47
Photo n°4.2 : Le bâtiment de l'école
primaire catholique de Vo-Koutimé
Source : cliché E. E. Bodjro (15/03/2020).
Ainsi, pour une formation soutenue des néophytes, le
clergé catholique accorda du prix à la catéchèse
ajoutée au cours proprement dit. Les catéchumènes
devraient d'abord obtenir le sacrement de baptême, l'eucharistie et plus
tard la confirmation. Tous les élèves sont contraints à
aller aux cours de catéchèse. Les missionnaires de leur
côté veillaient à l'assiduité et à la
régularité de tous, même aux messes dominicales (S. Edoh,
2016, p. 172). Ce système permettait une évolution de l'effectif
des fidèles. Par ailleurs, en 2001, la mission catholique s'ouvrait au
reste du pays ouatchi avec la création d'une seconde école
primaire dans le quartier Djoguimé dont l'une de ses salles de classe
servait de chapelle tous les dimanches pour les messes. En outre dans le
village d'Adjodogou, qui est auparavant un quartier créé suite
à l'extension du village mère, la mission fit créer une
station secondaire qui est à l'étape expérimentale par
manque de terrain pour construire une chapelle en torchis. Toutefois, compte
tenu du nombre de fidèles toujours minoritaire sur ces nouvelles
chapelles, les responsables de la mission n'envoyèrent que des
catéchistes pour célébrer les messes dominicales. La
mission de Vo-Koutimé demeure, au cours de cette phase, une station
secondaire qui dépendait de la paroisse Saint Ferdinand de Vogan. Cette
donne ne changea qu'à partir de 2004, année marquant le
début d'une nouvelle phase35.
4.1.1.2. La deuxième phase : de 2004 à
2014
La station de Vo-Koutimé tourna une page de son
histoire dès 2004. Avec l'évolution considérable du nombre
des fidèles sur la station et ayant rempli des conditions
nécessaires pour obtenir le statut de Paroisse, le 15 juin 2004, soit
trente-trois ans après la construction de la mission, la station
secondaire de Vo-Koutimé obtint son érection canonique sous le
nom de
35 André Tonou, 70 ans, entretien du 22 juillet
2020 dans son domicile à Vo-Koutimé.
Marie-Reine de l'Univers. La même année, dix-neuf
fidèles ont reçu leur baptême dont le tout premier est Abla
Bernice Aklobessi.
La nouvelle paroisse n'a connu sa première communion et
confirmation et son premier mariage qu'en 2005. Dès lors,
l'évolution était significative tant au niveau des
baptêmes, des communions, des confirmations que du mariage jusqu'en 2014
(cf. Tableau ci-dessous).
Tableau n°4.1 : Récapitulatif de
baptêmes, de communions, de confirmation et de mariages sur la Paroisse
Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé de 2004 à 2014
Baptêmes
|
490 fidèles baptisés
|
Communions
|
350 fidèles communiés
|
Confirmations
|
260 fidèles confirmés
|
Mariages
|
15 couples mariés
|
Source : Archives de la paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé
Par ailleurs, la paroisse connut le passage de plusieurs
prêtres et vicaires de 2004 à 2014, comme le présente le
tableau ci-dessous.
Tableau n°4.2 : Les Prêtres et Vicaires ayant
servi sur la paroisse de Vo-Koutimé.
Prêtres
|
Vicaires
|
Durée
|
RP Isles Paul KOUMAKO
|
-
|
- 2004 à 2010 (soit 6 ans)
|
RP Henri Joël EKUE-TOTOU
|
- Abel Seho ALATE
- Yves ALLIN
- Joseph ADANDOHOUN - Jean Faustin ALEBOUDO
|
- 2010 (soit un an) - 2011 (soit un an) - 2012 (soit un an) -
2013 et 2014 (deux ans)
|
RP Abraham AGBOSSOU
|
- Jean Faustin ALEBOUDO
|
- À partir de 2014
|
48
Source : Archives de la paroisse de Vo-Koutimé.
49
Au vu de ce tableau 2, nous disons que pendant la
période allant de 2004 à 2014, 3 Prêtres et 5 vicaires se
sont succédé sur la paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé. Parmi tous les prêtres, le Père Isles Paul
Koumako fut non seulement le premier prêtre qu'a connu la paroisse comme
curé fondateur, mais aussi il fut celui qui a le plus duré (6
ans). Par contre, à la différence de ces successeurs, le
curé fondateur n'a eu aucun vicaire qui pourrait l'aider dans ses
tâches ce qui serait dû par l'absence d'un Presbytère
pouvant héberger les prêtres. Le Père Koumako
résidait sur la Paroisse Saint Ferdinand de Vogan pour desservir les
messes dominicales sur la jeune Paroisse de Vo-Koutimé36.
Vers la fin de l'année 2010, avant l'arrivée du
Père Henri Joël Ekue-Totou, l'église construisit la maison
presbytérale. Ainsi, celui-ci y résidait et durant ses quatre ans
(2010 à 2014), il travailla avec quatre vicaires successifs
jusqu'à son départ en 2014. L'année qui marqua
l'arrivée du Père Abraham Agbossou qui continua la mission de
Dieu avec le dernier vicaire de son prédécesseur Jean Faustin
Aleboudo.
Cependant, du côté des missions protestantes,
l'évolution n'est pas de la même nature.
4.2. Les missions protestantes
Les missions protestantes, en l'occurrence celles de
l'église presbytérienne, dès sa création en 1967,
n'a pas fait de grands progrès dans leur mission de christianisation de
la communauté ouatchi de Vo-Koutimé. Elle se voit surclasser par
l'Église des Assemblées de Dieu.
4.2.1. L'épiphénomène de la
mission presbytérienne à Vo-Koutimé
L'ardeur qu'a prise la mission presbytérienne
dès son arrivée à Vo-Koutimé n'a pas
traversé les temps. Dès l'arrivée de la mission
presbytérienne en 1967 et son évolution considérable dans
les années 1970 avec une foule de conversion dont faisait partie le chef
Domafli Akakpo, les années 1980 et jusqu'en 2017, elle ne traversa qu'un
chemin de croix. La raison de ce piétinement de la foi
presbytérienne à Vo-Koutimé est de divers ordres.
Amèvi Agbassagbé37 affirme à ce propos :
Tout d'abord, les missionnaires presbytériens en la
personne de l'Allemand Knall, dans sa mission d'évangélisation de
Vo-Koutimé, n'a pas trouvé une place concrète à
l'église avant la fin de sa mission en milieu ouacthi. Ainsi,
après son départ, les fidèles presbytériens de
Vo-Koutimé erraient de maisons à maisons au gré de
quelques volontaires pour les messes
36 Jean Alfred Kloutsè, 51 ans,
Vice-président de la Paroisse Saint Ferdinand de Vogan, entretien du
13/03/2020 à Vogan, à son domicile.
37 Enseignent retraité et fidèle de
l'église presbytérienne, 70 ans. Entretien du 22/07/2020 à
son domicile.
50
dominicales. Par ailleurs, cette absence de temple
décourageait certains de nos fidèles et avec l'évolution
de l'église et la création d'autres églises, la
concurrence devint rude. Ainsi, nous avons perdu des fidèles au profit
de ces églises.
Cependant, malgré la construction, plus tard, d'un
temple suite à un don38 d'un terrain d'environ six lots, la
donne resta la même.
Photo n°4.3 : Temple de l'église
presbytérienne de Vo-Koutimé
Source : Archives de M. Amèvi Agbassagbé.
Après cinquante ans d'existence (1967 à 2017) de
l'église presbytérienne à Vo-Koutimé, l'état
du temple (en photo) en dit long sur la situation de la mission. En effet, vu
les difficultés de la mission, notamment l'absence de conversions
massives, les premiers responsables hésitèrent à financer
quoi que ce soit à Vo-Koutimé. Ce bâtiment ci-après,
une oeuvre d'une dizaine d'années, n'est que le fruit du don des rares
fidèles que compte encore l'église au sein de la
communauté aoutchi de Vo-Koutimé39.
Néanmoins, l'église des Assemblées de
Dieu, de son côté, marqua la mission de la christianisation
à Vo-Koutimé.
4.2.2. Le progrès considérable des
autres confessions : le cas de l'Église des Assemblées de
Dieu
L'église des Assemblées de Dieu, en dépit
de son arrivée récente (en 1990) à Vo-Koutimé a
fait des pas considérables dans l'histoire du christianisme. À la
différence de la mission
38 Le don est fait par M. Amèvi
Agbassagbé, le seul tenant de la mission presbytérienne à
Vo-Koutimé.
39 Amèvi Agbassagbé, 70 ans,
enseignent retraité et fidèle de l'église
presbytérienne. Entretien du 22/07/2020 à son domicile.
presbytérienne, dix ans après son
arrivée, elle s'ouvrit à l'ensemble du pays ouatchi de
Vo-Koutimé par la création de deux temples annexes à
Mamissi et à Djoguimé.
Par ailleurs, elle gagna de la cote vis-à-vis des
populations de par son partenariat signé le 5 novembre 2011 avec le
Centre de développement des enfants (CDE la GRÂCE) dont les
objectifs sont l'enseignement du curriculum dans les domaines spirituel,
cognitif, physique et socio émotionnel des enfants. De par ce
partenariat, le nombre des fidèles s'accroit, car tous les 260 enfants
bénéficiaires du programme venaient tous aux messes
dominicales.
Photo n°4.5 : Temple mère de
l'église des Assemblées de Dieu
Source : cliché E. E. Bodjro (24/07/2020).
Tout compte fait, le chantier de la christianisation à
Vo-Koutimé est loin d'être terminé (cf. carte n°3).
Sur une population d'environ 20 000 habitants et en dépit d'une
présence de cent (100) ans, plus de 75% sont toujours attachées
aux pratiques ancestrales » selon les mots du Père Michel
Têko Amah-Tchoutchoui40. Ainsi, le bilan de la
christianisation reste négatif.
51
40 Curé de la Paroisse Marie-Reine de l'Univers
de Vo-Koutimé. Entretien du 11/03/2020 sur sa paroisse.
52
Carte n°3 : Les différentes
congrégations religieuses à Vo-Koutimé
Source : E. E. Bodjro, 2020.
De cette deuxième partie, retenons que
l'avènement des missionnaires chrétiens à
Vo-Koutimé s'est inscrit dans une suite logique de la mission
d'évangélisation du Togo depuis la côte Atlantique.
Toutefois, son expansion dans cette communauté ouatchi de
Vo-Koutimé se heurta à tant de problèmes dont
l'attachement sans condition de la population aux cultes du terroir.
53
Troisième partie :
RÉSILIENCE DU CULTE VODOU DES OUATCHI
DE VO-KOUTIMÉ DU XX AU XXIE SIÈCLE
54
Les Africains ont un profond sens religieux. Les Ouatchi de
Vo-Koutimé en sont un exemple particulier. En effet, étant
voués aux cultes vodou dès leur mise en place,
l'arrivée du christianisme dans ce vieux monde religieux ne bouleverse
guère l'ordre cultuel préétabli. Ladite communauté
s'attache indéfectiblement aux cultes vodou. A cet effet,
détourner quasiment le chrétien ouatchi de Vo-Koutimé du
culte vodou devient pour les missionnaires et plus tard pour les
prêtres et pasteurs une tache d'huile. De ce qui précède,
se dégagent deux interrogations : qu'est-ce qui témoigne du
dynamisme des cultes vodou à Vo-Koutimé ? En quoi
peut-on dire que les chrétiens de Vo-Koutimé pratiquent le
mimétisme religieux ? Alors les réponses à ces
interrogations constitueront les deux chapitres de cette partie.
55
|