Chapitre 3 :
IMPLANTATION DU CHRISTIANISME À
VO-KOUTIMÉ AU XXE
SIÈCLE
L'implantation du christianisme à Vo-Koutimé
n'est pas l'apanage d'une seule confession. Mais à la différence
de l'histoire générale du christianisme au Togo où les
premiers porteurs de la Bonne nouvelle furent les missions protestantes, celle
de Brême, l'évangélisation commença à
Vo-Koutimé en 1914 par les missionnaires catholiques. Ils se font
accompagner par les missionnaires de l'Église presbytérienne en
1967 et d'autres congrégations. A cet effet, que pouvons-nous noter de
l'implantation de la mission catholique ? Et du côté de la mission
presbytérienne, quand n'est-il réellement ? Quelles sont,
à part ces confessions, celles qui s'implantèrent plus tard ? Les
réponses à ces questions constitueront la trame de ce
chapitre.
3.1. La mission catholique
L'arrivée des missionnaires catholiques à
Vo-Koutimé n'a pas été spontanée ; elle serait due
à leur présence antérieure à Togoville, puis
à Vogan.
3.1.1. Le prélude à l'avènement
des missionnaires catholiques à Vo-Koutimé
Togoville et Vogan sont les deux foyers du rayonnement du
catholicisme en pays ouatchi, si bien que l'histoire des missionnaires
catholiques à Vo-Koutimé est inséparable à celle
des deux localités.
3.1.1.1. Brève histoire de la mission catholique
à Togoville
L'avènement du christianisme sur le territoire
aujourd'hui togolais date du XVIIIe siècle. Cette
première tentative fut l'oeuvre de la communauté des
Frères Moraves de Saxe en Allemagne, qui se solda par un échec
dont les causes restent inconnues (M. V. Honyiglo, 2011, p. 13). Par ailleurs,
depuis le Dahomey, précisément à Ouidah, des prêtres
noirs, qui seraient sans doute des Afro-brésiliens issus de la traite,
en venant à Agoué, allaient aussi à Adjido et Petit-Popo
où se trouvait la famille de Souza et à Porto-Ségouro (K.
Napala, 2007, p. 138). Mais, ces voyages qui se limitaient à la
côte du futur Togo, n'eurent pas de retombées, du fait de
l'intérêt que représentait le Dahomey aux missionnaires (S.
Édoh, 2017, p. 102). En 1886, le Père Ernest Ménager,
Préfet de la préfecture apostolique du Dahomey,
après avoir parcouru le sud-est du futur Togo,
d'Agoué à Atakpamé en passant par Adangbé (N. L.
Gayibor, 1975 II, p. 498), tenta un premier essai d'installation en envoyant
les Pères Aimés Beauquis et Jeremiah Moran. Ce dernier se fit
empoisonné le 7 août 1887 (K. Müller, 1968, p. 29 ; S.
Édoh, 2017, p. 103). Dès lors, les missionnaires du Dahomey
abandonnèrent le champ de la mission du Togo jusqu'à
l'érection du Togo allemand en préfecture apostolique autonome en
avril 1892 (S. Édoh, 2017, p. 104).
Cette préfecture apostolique du Togo fut
créée par décret le 12 avril 1892 et a été
confiée à la Société du Verbe Divin (SVD). Le 6 mai
de la même année, par un décret du Pape Léon XIII,
le Père Arnold Janssen 27 eut la permission d'envoi d'un
grand nombre de missionnaires dans la nouvelle préfecture apostolique
(M. V. Honyiglo, 2011, p. 14). Ainsi, il envoie une équipe de cinq
missionnaires, en la personne des Pères Schäfer et Mathias Dier,
vêtus de soutanes blanches et des frères Johannes, Norbertus et
Venantius en soutanes grises (Photo n°3.2), qui foulèrent du pied
le territoire aujourd'hui togolais le 26 août 1892.
Photo n°3.1 : Le Père Arnold Janssen Photo
n°3.2 : Les cinq missionnaires SVD
39
Source : Archives de la Paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé.
De la côte en milieu Bè où le 3 septembre
1892 les missionnaires effectuèrent la pose de la première pierre
de la Mission qui fut dédiée à la Vierge des Douleurs (K.
Müller, 1968, p. 40), ils explorèrent, en décembre 1892 puis
en février de l'année suivante, les localités telles que
Porto-Seguro (Agbodrafo), Petit-Popo (Anécho), Adjido et Togoville.
Dans cette dernière localité, les missionnaires
se sont heurtés au refus du Chef le 6 décembre 1892. Toujours
déterminés à continuer l'oeuvre de Dieu, les pères
Schäfer et Dier s'y
27 Fondateur de la Société du Verbe
Divin, est né le 5 novembre 1837.
40
rendirent de nouveau le lundi 6 février 1893 au matin
pour essayer d'acquérir un terrain pour leur future mission (K.
Müller, 1968, p. 41). Cette fois-ci, ils eurent gain de cause en se voyant
offrir un vaste espace à bon compte qui, selon les populations,
appartenait à l'Empereur d'Allemagne. L'accueil particulier de la part
des populations serait dû au fait que, quelques jours auparavant, les
prêtres avaient sauvé une femme, en danger de mort aux environs de
Lomé qui avait été mordue par un serpent. Après
avoir recouvert la vie, elle retourna à Togoville pour annoncer la
nouvelle aux siens (A. de Surgy, 1994, p. 91).
Sur le terrain acheté, les missionnaires
posèrent solennellement la première pierre de la station le 24
mai 1893 et le 28 août 1893 elle fut consacrée. Un an plus tard,
les missionnaires SVD célébrèrent leur première
messe sur le territoire du futur Togo à Togoville et la mission se fit
désigner paroisse Saint Esprit. C'est ainsi que commença le
catholicisme à Togoville.
De Togoville, les missionnaires atteignirent les
localités immédiates. En effet, dans une lettre du 21 mai 1902,
les Pères donnaient des nouvelles assez réjouissantes de leurs
postes en précisant que les stations secondaires se
développèrent d'une façon intéressante à
l'instar de Anjorokopé (Anyronkopé), Wobga (Wogba), Vogan, etc.
(K. Müller, 1968, p. 60).
L'histoire du catholicisme à Togoville a
été marquée par un grand évènement en 1985.
En effet, du 8 au 10 août de cette année, le Pape Jean Paul II
visita le Togo, un moment important pour l'Église qui a vu une
mobilisation des consciences. Pendant toute cette visite, un moment solennel
fut vécue par la communauté chrétienne de Togoville qui,
au soir du 9 août, reçoit le Pape, via le Lac, au sanctuaire de
Notre Dame du Lac Togo (Mère de la Miséricorde) à qui
l'Évêque de Rome a eu la joie de confier le Togo tout
entier28.
28 Source : Témoins de l'évangile. La
présence des Missionnaires Comboniens au Togo-Ghana-Bénin
(19642014).
41
Photo n°3.3 : Le Pape Jean Paul II sur le lac Togo
en août 1985
Source : Archives de la Maison des Missionnaires Comboniens
à Cacavéli (Lomé).
3.1.1.2. Panorama sur le catholicisme à Vogan
La genèse du catholicisme à Vogan remonte
à la période coloniale allemande. En effet, les missionnaires des
SVD qui oeuvrèrent depuis 1893 à Togoville, se lancèrent
à l'exploration des villages situés au nord de Togoville. Ils
parvinrent à atteindre premièrement Wogba, localité
située à environ cinq kilomètres de Togoville et de
là ils arrivèrent à Vogan.
Tout d'abord, ils faisaient de la promotion de
l'éducation leur pilier pour gagner l'affection des populations. Ainsi,
en 1903, le Préfet apostolique en la personne du Père
Bücking inaugura une école primaire sur un terrain que le chef
Assigble leur a offert29.
D'une salle de classe, elle servait en même temps de
chapelle pour la mission. Le plus frappant des faits dans la création de
cette école est le fait que le sous-chef Kalipé
fréquentait régulièrement l'école en tant
qu'élève au milieu des enfants en dépit de son âge
avancé.
Le 30 mai 1905, soit deux ans plus tard, les missionnaires ont
pu gagner 45 catéchumènes qu'ils baptisèrent. Le 30 mai
1908, le Père Ferdinand Lauer, curé de la paroisse de
Porto-Seguro, consacra la petite église, construite par les donations de
Mgr Bücking (1 000 marks), le Père Porten (55 marks), le
Père Glanemann (400 marks), le Père Möhlis (220 marks), le
Père Verstraelen (1200 marks) et le Père Ferdinand Lauer ( ?),
sous le Saint Ferdinand (J-B, Améganvi-Attissou, 1981, p. 72).
Toujours assoiffés de gagner les âmes à
Christ, les missionnaires, depuis la paroisse de Vogan, sillonnèrent les
villages environnants et atteignent Vo-Koutimé en 1914.
29 Centenaire de la Paroisse Saint Ferdinand de
Vogan.
Cependant, après le départ des SVD, les
missionnaires de la Société des Missions Africaines et les
missionnaires Comboniens ont tous fait leur passage sur la paroisse de Vogan.
Surtout, les missionnaires Comboniens, en la personne du Père Augusto
Zancarano, ont laissé de grands souvenirs sur la paroisse de Vogan et
sur la future paroisse Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé. Ce
prêtre combonien fut nommé supérieur et curé de
Vogan en juillet 1966 dans une grande ambiance et enthousiasme des
autorités religieuses avec la présence du nouveau
Archevêque Mgr Dosseh Casmir Anyron et le chef Kalipé de
l'époque au côté de Augusto Zancarano.
Vu son attachement à la population de Vogan pendant dix
ans (1966 à 1976), à sa mort le 29 mai 1991 à
l'hôpital d'Afagnan où il avait été admis le 14
avril, il fut enterré sur la paroisse de Vogan au cimetière des
prêtres selon ses voeux (Photo n°3.5).
Photo n°3.4 : Ordination d'Augusto Photo n°3.5
: La tombe de A. Zancarano
Zancarano à Vogan
42
Sources : Archives de la maison des Source : cliché E. E.
Bodjro (27/07/2020).
Comboniens à Lomé.
3.1.2. Les missionnaires catholiques à
Vo-Koutimé de 1914 à 1971
Les missionnaires catholiques foulèrent le terroir des
Ouatchi de Vo-Koutimé le 11 janvier 1914 en la personne du Père
Demont, quelques mois avant le début de la première Guerre
Mondiale. En effet, ces missionnaires d'origine allemande se trouvaient bloquer
dans leur mission à Vo-Koutimé par la Première Guerre
mondiale. Après leur départ, la paroisse mère de Vogan
était devenue orpheline, car malgré la présence des
missionnaires, la christianisation était toujours à ses
débuts. La paroisse Saint Ferdinand de Vogan, quant à elle, a
bénéficié de temps à autre entre 1918 et 1919, de
la sollicitude des prêtres de la Société des
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Missions africaines (SMA) installée au Dahomey. Seules
quelques visites des catéchistes de la paroisse s'effectuèrent
à Vo-Koutimé. Ainsi, la jeune mission de Vo-Koutimé
connaîtra une pénurie de personnel pour la
relève30.
Cette donne changea avec la nomination du Père
François Bozin à la tête de la mission d'Aného et de
son district d'où il effectua quelques visites de 1921 à 1924.
Lors de ses visites, il se rendait à Vo-Koutimé souvent
accompagné de Casimir Dosseh31, pour rassembler les quelques
fidèles que comptait la mission.
Par ailleurs, le travail des missionnaires se compliquait par
l'absence d'un espace approprié pour construire une chapelle. Les
fidèles catholiques de la mission ne manifestaient aucune ambition pour
offrir un site à l'église. Les rares messes que desservaient les
Prêtres de la paroisse de Vogan à Vo-Koutimé se faisaient
selon les circonstances du moment, soit dans la maison d'un fidèle
volontaire, soit sur la place publique. Une situation qui serait due
également par manque de moyens.
Par conséquent, l'église catholique restera
à l'étape embryonnaire jusqu'à l'arrivée de la
mission presbytérienne en 1967 à Vo-Koutimé.
En bref, de 1914 à 1971, la christianisation de la
mission catholique à Vo-Koutimé reste toujours à
l'étape embryonnaire.
3.2. L'arrivée de la mission
presbytérienne dès 1967 à Vo-Koutimé
Présents depuis 1964 à Hahotoé, les
missionnaires presbytériens ne parvinrent à atteindre
Vo-Koutimé qu'en 1967. En effet, l'évangélisation du
milieu ouatchi fut confiée à une équipe sous la direction
d'un missionnaire allemand du nom de Knall. Pour ce dernier, la mission
d'évangélisation s'est heurtée à une crise
sanitaire dans le pays ouatchi, précisément dans les environs de
Vogan. Ainsi, cet espace géographique restera hors de la mission
presbytérienne jusqu'en 1967 avec leur arrivée à
Vo-Koutimé au grand dam de Vogan32, dont la population
atteignait environ 12 000 personnes.
La présence de la mission presbytérienne
à Vo-Koutimé ne se résuma qu'à quelques
fidèles. Prenant conscience de la réticence des populations, le
missionnaire allemand adopta une
30 Archives de la paroisse Saint Ferdinand de
Vogan.
31 Père du premier Archevêque du Togo,
Robert Dosseh Anyron.
32 Archives du bloc synodal de l'église
presbytérienne.
stratégie suivant laquelle il fait du tremplin à
son oeuvre de christianisation, les conseils sur les pratiques agricoles,
l'organisation des jeux en se basant sur les passages bibliques, etc.
Le missionnaire s'inspira en partie des difficultés de
la mission catholique déjà sur le terrain avant leur
arrivée. Il eut gain de cause avec une flambée de fidèles
dans les cinq années suivantes. Car, de 1967 à 1972,
l'église presbytérienne compta environ 140 fidèles
baptisés dont la majorité est de Vo-Koutimé et le plus
marquant est que le chef de Vo-Koutimé de l'époque, Akakpo
Domafli et sa famille furent partie des baptisés. Dès lors,
l'église presbytérienne s'installa officiellement en pays ouatchi
de Vo-Koutimé33.
3.3. Les autres confessions religieuses
En dehors de la mission presbytérienne, d'autres
confessions virent le jour à Vo-Koutimé, au rang desquelles nous
pouvons citer les Témoins de Jéhovah, les Assemblées de
Dieu (1990) qui fut fondé par un diacre du Temple de Vogan Ville 1 du
nom de Gbedjego Amétépé, lui-même natif de
Vo-Koutimé. Par ailleurs, l'Église pentecôtiste,
Agbagbé, l'Église de famille du Christ, etc., ont
également une place indéniable dans la christianisation à
Vo-Koutimé.
L'histoire du christianisme à Vo-Koutimé ne sera
guère limitée à l'implantation des missions
chrétiennes. À travers ces missions, le christianisme
connaîtra, une évolution particulière.
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33 Rapport du synode de 1973.
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