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Christianisation et résilience des cultes du terroir à  Vo-Koutimé en pays Ouatchi (XXè-XXIè siècle)


par Edoh Emmanuel BODJRO
Université de Lomé - Master 2020
  

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Chapitre 3 :

IMPLANTATION DU CHRISTIANISME À VO-KOUTIMÉ AU XXE

SIÈCLE

L'implantation du christianisme à Vo-Koutimé n'est pas l'apanage d'une seule confession. Mais à la différence de l'histoire générale du christianisme au Togo où les premiers porteurs de la Bonne nouvelle furent les missions protestantes, celle de Brême, l'évangélisation commença à Vo-Koutimé en 1914 par les missionnaires catholiques. Ils se font accompagner par les missionnaires de l'Église presbytérienne en 1967 et d'autres congrégations. A cet effet, que pouvons-nous noter de l'implantation de la mission catholique ? Et du côté de la mission presbytérienne, quand n'est-il réellement ? Quelles sont, à part ces confessions, celles qui s'implantèrent plus tard ? Les réponses à ces questions constitueront la trame de ce chapitre.

3.1. La mission catholique

L'arrivée des missionnaires catholiques à Vo-Koutimé n'a pas été spontanée ; elle serait due à leur présence antérieure à Togoville, puis à Vogan.

3.1.1. Le prélude à l'avènement des missionnaires catholiques à Vo-Koutimé

Togoville et Vogan sont les deux foyers du rayonnement du catholicisme en pays ouatchi, si bien que l'histoire des missionnaires catholiques à Vo-Koutimé est inséparable à celle des deux localités.

3.1.1.1. Brève histoire de la mission catholique à Togoville

L'avènement du christianisme sur le territoire aujourd'hui togolais date du XVIIIe siècle. Cette première tentative fut l'oeuvre de la communauté des Frères Moraves de Saxe en Allemagne, qui se solda par un échec dont les causes restent inconnues (M. V. Honyiglo, 2011, p. 13). Par ailleurs, depuis le Dahomey, précisément à Ouidah, des prêtres noirs, qui seraient sans doute des Afro-brésiliens issus de la traite, en venant à Agoué, allaient aussi à Adjido et Petit-Popo où se trouvait la famille de Souza et à Porto-Ségouro (K. Napala, 2007, p. 138). Mais, ces voyages qui se limitaient à la côte du futur Togo, n'eurent pas de retombées, du fait de l'intérêt que représentait le Dahomey aux missionnaires (S. Édoh, 2017, p. 102). En 1886, le Père Ernest Ménager, Préfet de la préfecture apostolique du Dahomey,

après avoir parcouru le sud-est du futur Togo, d'Agoué à Atakpamé en passant par Adangbé (N. L. Gayibor, 1975 II, p. 498), tenta un premier essai d'installation en envoyant les Pères Aimés Beauquis et Jeremiah Moran. Ce dernier se fit empoisonné le 7 août 1887 (K. Müller, 1968, p. 29 ; S. Édoh, 2017, p. 103). Dès lors, les missionnaires du Dahomey abandonnèrent le champ de la mission du Togo jusqu'à l'érection du Togo allemand en préfecture apostolique autonome en avril 1892 (S. Édoh, 2017, p. 104).

Cette préfecture apostolique du Togo fut créée par décret le 12 avril 1892 et a été confiée à la Société du Verbe Divin (SVD). Le 6 mai de la même année, par un décret du Pape Léon XIII, le Père Arnold Janssen 27 eut la permission d'envoi d'un grand nombre de missionnaires dans la nouvelle préfecture apostolique (M. V. Honyiglo, 2011, p. 14). Ainsi, il envoie une équipe de cinq missionnaires, en la personne des Pères Schäfer et Mathias Dier, vêtus de soutanes blanches et des frères Johannes, Norbertus et Venantius en soutanes grises (Photo n°3.2), qui foulèrent du pied le territoire aujourd'hui togolais le 26 août 1892.

Photo n°3.1 : Le Père Arnold Janssen Photo n°3.2 : Les cinq missionnaires SVD

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Source : Archives de la Paroisse Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé.

De la côte en milieu Bè où le 3 septembre 1892 les missionnaires effectuèrent la pose de la première pierre de la Mission qui fut dédiée à la Vierge des Douleurs (K. Müller, 1968, p. 40), ils explorèrent, en décembre 1892 puis en février de l'année suivante, les localités telles que Porto-Seguro (Agbodrafo), Petit-Popo (Anécho), Adjido et Togoville.

Dans cette dernière localité, les missionnaires se sont heurtés au refus du Chef le 6 décembre 1892. Toujours déterminés à continuer l'oeuvre de Dieu, les pères Schäfer et Dier s'y

27 Fondateur de la Société du Verbe Divin, est né le 5 novembre 1837.

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rendirent de nouveau le lundi 6 février 1893 au matin pour essayer d'acquérir un terrain pour leur future mission (K. Müller, 1968, p. 41). Cette fois-ci, ils eurent gain de cause en se voyant offrir un vaste espace à bon compte qui, selon les populations, appartenait à l'Empereur d'Allemagne. L'accueil particulier de la part des populations serait dû au fait que, quelques jours auparavant, les prêtres avaient sauvé une femme, en danger de mort aux environs de Lomé qui avait été mordue par un serpent. Après avoir recouvert la vie, elle retourna à Togoville pour annoncer la nouvelle aux siens (A. de Surgy, 1994, p. 91).

Sur le terrain acheté, les missionnaires posèrent solennellement la première pierre de la station le 24 mai 1893 et le 28 août 1893 elle fut consacrée. Un an plus tard, les missionnaires SVD célébrèrent leur première messe sur le territoire du futur Togo à Togoville et la mission se fit désigner paroisse Saint Esprit. C'est ainsi que commença le catholicisme à Togoville.

De Togoville, les missionnaires atteignirent les localités immédiates. En effet, dans une lettre du 21 mai 1902, les Pères donnaient des nouvelles assez réjouissantes de leurs postes en précisant que les stations secondaires se développèrent d'une façon intéressante à l'instar de Anjorokopé (Anyronkopé), Wobga (Wogba), Vogan, etc. (K. Müller, 1968, p. 60).

L'histoire du catholicisme à Togoville a été marquée par un grand évènement en 1985. En effet, du 8 au 10 août de cette année, le Pape Jean Paul II visita le Togo, un moment important pour l'Église qui a vu une mobilisation des consciences. Pendant toute cette visite, un moment solennel fut vécue par la communauté chrétienne de Togoville qui, au soir du 9 août, reçoit le Pape, via le Lac, au sanctuaire de Notre Dame du Lac Togo (Mère de la Miséricorde) à qui l'Évêque de Rome a eu la joie de confier le Togo tout entier28.

28 Source : Témoins de l'évangile. La présence des Missionnaires Comboniens au Togo-Ghana-Bénin (19642014).

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Photo n°3.3 : Le Pape Jean Paul II sur le lac Togo en août 1985

Source : Archives de la Maison des Missionnaires Comboniens à Cacavéli (Lomé).

3.1.1.2. Panorama sur le catholicisme à Vogan

La genèse du catholicisme à Vogan remonte à la période coloniale allemande. En effet, les missionnaires des SVD qui oeuvrèrent depuis 1893 à Togoville, se lancèrent à l'exploration des villages situés au nord de Togoville. Ils parvinrent à atteindre premièrement Wogba, localité située à environ cinq kilomètres de Togoville et de là ils arrivèrent à Vogan.

Tout d'abord, ils faisaient de la promotion de l'éducation leur pilier pour gagner l'affection des populations. Ainsi, en 1903, le Préfet apostolique en la personne du Père Bücking inaugura une école primaire sur un terrain que le chef Assigble leur a offert29.

D'une salle de classe, elle servait en même temps de chapelle pour la mission. Le plus frappant des faits dans la création de cette école est le fait que le sous-chef Kalipé fréquentait régulièrement l'école en tant qu'élève au milieu des enfants en dépit de son âge avancé.

Le 30 mai 1905, soit deux ans plus tard, les missionnaires ont pu gagner 45 catéchumènes qu'ils baptisèrent. Le 30 mai 1908, le Père Ferdinand Lauer, curé de la paroisse de Porto-Seguro, consacra la petite église, construite par les donations de Mgr Bücking (1 000 marks), le Père Porten (55 marks), le Père Glanemann (400 marks), le Père Möhlis (220 marks), le Père Verstraelen (1200 marks) et le Père Ferdinand Lauer ( ?), sous le Saint Ferdinand (J-B, Améganvi-Attissou, 1981, p. 72).

Toujours assoiffés de gagner les âmes à Christ, les missionnaires, depuis la paroisse de Vogan, sillonnèrent les villages environnants et atteignent Vo-Koutimé en 1914.

29 Centenaire de la Paroisse Saint Ferdinand de Vogan.

Cependant, après le départ des SVD, les missionnaires de la Société des Missions Africaines et les missionnaires Comboniens ont tous fait leur passage sur la paroisse de Vogan. Surtout, les missionnaires Comboniens, en la personne du Père Augusto Zancarano, ont laissé de grands souvenirs sur la paroisse de Vogan et sur la future paroisse Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé. Ce prêtre combonien fut nommé supérieur et curé de Vogan en juillet 1966 dans une grande ambiance et enthousiasme des autorités religieuses avec la présence du nouveau Archevêque Mgr Dosseh Casmir Anyron et le chef Kalipé de l'époque au côté de Augusto Zancarano.

Vu son attachement à la population de Vogan pendant dix ans (1966 à 1976), à sa mort le 29 mai 1991 à l'hôpital d'Afagnan où il avait été admis le 14 avril, il fut enterré sur la paroisse de Vogan au cimetière des prêtres selon ses voeux (Photo n°3.5).

Photo n°3.4 : Ordination d'Augusto Photo n°3.5 : La tombe de A. Zancarano

Zancarano à Vogan

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Sources : Archives de la maison des Source : cliché E. E. Bodjro (27/07/2020).

Comboniens à Lomé.

3.1.2. Les missionnaires catholiques à Vo-Koutimé de 1914 à 1971

Les missionnaires catholiques foulèrent le terroir des Ouatchi de Vo-Koutimé le 11 janvier 1914 en la personne du Père Demont, quelques mois avant le début de la première Guerre Mondiale. En effet, ces missionnaires d'origine allemande se trouvaient bloquer dans leur mission à Vo-Koutimé par la Première Guerre mondiale. Après leur départ, la paroisse mère de Vogan était devenue orpheline, car malgré la présence des missionnaires, la christianisation était toujours à ses débuts. La paroisse Saint Ferdinand de Vogan, quant à elle, a bénéficié de temps à autre entre 1918 et 1919, de la sollicitude des prêtres de la Société des

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Missions africaines (SMA) installée au Dahomey. Seules quelques visites des catéchistes de la paroisse s'effectuèrent à Vo-Koutimé. Ainsi, la jeune mission de Vo-Koutimé connaîtra une pénurie de personnel pour la relève30.

Cette donne changea avec la nomination du Père François Bozin à la tête de la mission d'Aného et de son district d'où il effectua quelques visites de 1921 à 1924. Lors de ses visites, il se rendait à Vo-Koutimé souvent accompagné de Casimir Dosseh31, pour rassembler les quelques fidèles que comptait la mission.

Par ailleurs, le travail des missionnaires se compliquait par l'absence d'un espace approprié pour construire une chapelle. Les fidèles catholiques de la mission ne manifestaient aucune ambition pour offrir un site à l'église. Les rares messes que desservaient les Prêtres de la paroisse de Vogan à Vo-Koutimé se faisaient selon les circonstances du moment, soit dans la maison d'un fidèle volontaire, soit sur la place publique. Une situation qui serait due également par manque de moyens.

Par conséquent, l'église catholique restera à l'étape embryonnaire jusqu'à l'arrivée de la mission presbytérienne en 1967 à Vo-Koutimé.

En bref, de 1914 à 1971, la christianisation de la mission catholique à Vo-Koutimé reste toujours à l'étape embryonnaire.

3.2. L'arrivée de la mission presbytérienne dès 1967 à Vo-Koutimé

Présents depuis 1964 à Hahotoé, les missionnaires presbytériens ne parvinrent à atteindre Vo-Koutimé qu'en 1967. En effet, l'évangélisation du milieu ouatchi fut confiée à une équipe sous la direction d'un missionnaire allemand du nom de Knall. Pour ce dernier, la mission d'évangélisation s'est heurtée à une crise sanitaire dans le pays ouatchi, précisément dans les environs de Vogan. Ainsi, cet espace géographique restera hors de la mission presbytérienne jusqu'en 1967 avec leur arrivée à Vo-Koutimé au grand dam de Vogan32, dont la population atteignait environ 12 000 personnes.

La présence de la mission presbytérienne à Vo-Koutimé ne se résuma qu'à quelques fidèles. Prenant conscience de la réticence des populations, le missionnaire allemand adopta une

30 Archives de la paroisse Saint Ferdinand de Vogan.

31 Père du premier Archevêque du Togo, Robert Dosseh Anyron.

32 Archives du bloc synodal de l'église presbytérienne.

stratégie suivant laquelle il fait du tremplin à son oeuvre de christianisation, les conseils sur les pratiques agricoles, l'organisation des jeux en se basant sur les passages bibliques, etc.

Le missionnaire s'inspira en partie des difficultés de la mission catholique déjà sur le terrain avant leur arrivée. Il eut gain de cause avec une flambée de fidèles dans les cinq années suivantes. Car, de 1967 à 1972, l'église presbytérienne compta environ 140 fidèles baptisés dont la majorité est de Vo-Koutimé et le plus marquant est que le chef de Vo-Koutimé de l'époque, Akakpo Domafli et sa famille furent partie des baptisés. Dès lors, l'église presbytérienne s'installa officiellement en pays ouatchi de Vo-Koutimé33.

3.3. Les autres confessions religieuses

En dehors de la mission presbytérienne, d'autres confessions virent le jour à Vo-Koutimé, au rang desquelles nous pouvons citer les Témoins de Jéhovah, les Assemblées de Dieu (1990) qui fut fondé par un diacre du Temple de Vogan Ville 1 du nom de Gbedjego Amétépé, lui-même natif de Vo-Koutimé. Par ailleurs, l'Église pentecôtiste, Agbagbé, l'Église de famille du Christ, etc., ont également une place indéniable dans la christianisation à Vo-Koutimé.

L'histoire du christianisme à Vo-Koutimé ne sera guère limitée à l'implantation des missions chrétiennes. À travers ces missions, le christianisme connaîtra, une évolution particulière.

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33 Rapport du synode de 1973.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery