Chapitre 2 :
ÉTAT DES LIEUX DE L'UNIVERS SOCIORELIGIEUX DES
OUATCHI DE VO-KOUTIMÉ AVANT 1914
Toutes les sociétés en Afrique sont
naturellement religieuses. Les Éwé, depuis leur origine
jusqu'à l'exode de Notsè, croyaient en des forces de la nature
dont ils en font des dieux, le socle de l'unité sociale, même si
le système religieux des Fon (Dahomey) emprunté en partie
à celui des Yoruba a gagné leur monde (C. Rivière, 1978,
p. 28). Ainsi, dans les habitats fondés dans le sud-est du pays
éwé, les Ouatchi mettaient en place le prototype de leur religion
d'origine avec quelques particularités par endroits.
Ainsi, les Ouacthi de Vo-Koutimé, dès leur mise
en place, accordaient une grande dévotion à une multitude de
dieux « vodou » caractérisant la richesse de leur
panthéon. Comment se présente cet univers de dieux ? Quel est le
degré d'enracinement du culte vodou dans la
société ?
2. 1. Le panthéon des Ouatchi de
Vo-Koutimé
Le panthéon des Ouatchi de Vo-Koutimé regorge
une diversité de vodou qui assurent le rôle des
porte-paroles entre leurs adeptes et Mawu, l'équivalent de
Dieu.
2.1.1. Mawu (Dieu suprême)
Les communautés éwé, tout comme les
Ouacthi, placent au summum de la hiérarchie des dieux, Mawu.
« Puissance initiale et créatrice, quintessence
énergétique de l'univers, Mawu est désigné par les
Éwé comme le Dieu suprême et insurpassable en ce qu'il
commande toutes les divinités, aux ancêtres et aux hommes »
(C. Rivière, 1978, p. 18).
Tout prêtre vodou, à Vo-Koutimé,
commence sa prière ou sacrifice en s'adressant en premier lieu à
Mawu la tête levée vers le ciel, la résidence
inatteignable des êtres vivants, souvent en ces mots «
Mawugan, Mawu Sogbolissa mi yo » (Dieu le tout puissant
nous t'implorons). Il termine selon les termes de C. Rivière (1978, p.
20) « Tout réussira pourvu que Mawu jette la main dedans
».
26
Les noms théophores faisant référence
à Mawu sont monnaies courantes à Vo-Koutimé,
comme ailleurs. On peut citer notamment Mawuli, Mawuko, Mawuena, etc.
du genre masculin et pour le genre féminin on trouve Mawussi,
Mawulawoe, etc. ou d'autres désignant à la fois l'homme et
la femme comme Mawuto, Mawugno, etc. En dépit de ces
allégeances, à Vo-Koutimé, l'on ne peut atteindre Mawu
qu'à travers les vodou qui sont leurs
intermédiaires. Ils font recours à plusieurs que nous classons en
mettant en tête les Togbui vodou. Toutefois, il n'existe pas une
classification figée, tout dépend du point de vue de
l'observateur.
2.1.2. Les Togbui vodou et leurs demeures à
Vo-Koutimé
Les vodou, classés dans la catégorie
des Togbui vodou, ont à Vo-Koutimé des
caractéristiques qui leur sont spécifiques. En effet, ces
vodou à la différence des autres, n'ont pas d'adeptes
propres. Initialement, le fondateur du village est le chef de tous les clans
dont il a autorisé l'occupation des terres à proximité.
Ainsi, ces nouveaux venus sont contraints de se placer sous la protection du
dieu propriétaire de terre (C. Rivière, 1978, p. 34).
Étant donné qu'ils constitueront un
héritage des ancêtres fondateurs, tous leurs descendants en sont
héréditairement adeptes. Ceci voudra dire que tous les Ouatchi de
Vo-Koutimé obéissent à la fois aux interdits relatifs
à Togbui Ziowu, à Togbui Yoho et à
Togbui Gbe qui sont les trois et uniques dieux au rang des Togbui
vodou.
Cependant, leur appartenance à la même
catégorie ne les confère guère les mêmes pouvoirs.
2.1.2.1. Togbui Ziowu et le Ziowuvé
Togbui Ziowu est le Togbui vodou le plus
réputé. Il joue un rôle important dans la bonne marche de
la communauté. Il est le garant de la sécurité, il amortit
les mauvais sorts, les malheurs de tous genres. Toute personne à la
recherche de travail, d'un enfant, d'une promotion, bref des biens, lui fait
des promesses par le biais du Tron nu, son prêtre-officiant, et
a l'obligation de les respecter après satisfaction. Faute de quoi, les
malheurs frapperont à sa porte. Appartenant à une
communauté essentiellement agricole, il est le faiseur de
pluie18.
Ainsi, lorsqu'il ne pleut pas au cours d'une saison des
champs, le Tron nu, se fait accompagner par des sages et quelques
vaillants cultivateurs, pour sarcler la terre sèche et puis semer. Trois
jours plus tard, il peut « Maglo mada ».
Le Tron nu, méconnu du grand public, est
exonéré de plusieurs activités. En effet, il lui est
interdit d'aller au champ, il ne sort qu'en des circonstances
particulières souvent lors de la
18 Zikpui Ayondo, 76 ans, président de
l'association des prêtres vodou à Vo-Koutimé.
Entretien du 15/03/2020 à Vo-Koutimé.
grande cérémonie des vodou en pagne
blanc « Aklala ». Il est le représentant direct des
ancêtres quand il s'agit des questions du culte vodou. Libre de
se marier, sa femme ne doit en aucun cas transporter quoi que ce soit sur la
tête ni aller au champ ni au puits.
Comme dans toute société religieuse, le Tron
nu a un droit de regard dans la gestion de la chefferie. En effet,
l'intronisation de tout chef doit d'abord passer par son aval où il
s'occupe de la consultation des oracles.
Au vu du rôle que joue le Ziowu et des
interdits du Tron nu et sa femme, la communauté a l'obligation
de donner à manger au prêtre et à sa famille en leur
offrant, après les prémices à Ziowu, une partie
des récoltes.
Togbui Ziowu a un sanctuaire où réside
le prêtre et une forêt19 qui lui est propre (Photo
N° ci-dessous). Cette forêt est sacrée. Agbegnigan
Fovi20 en parle : « La forêt de Ziowu est à
l'image des autres dans l'aire Ouatchi. Cette forêt est
réservée à l'enterrement des adeptes qui sont morts dans
les couvents « Avomeku » au cours de leur initiation.
Par ailleurs, on enterre également ses prêtres
(les Tron nu décédés). Donc, son accès est
formellement interdit à toute personne sauf les prêtres et
quelques vieux au cours des cérémonies.
Les ancêtres de Vo-Koutimé n'ont pas coupé
le lien avec les Ouatchi d'Akoumapé surtout sur le plan cultuel. En
effet, le Ziowu de Vo-Koutimé constitue le cordon reliant les
deux villages. Le Ziowu étant la divinité mâle a
sa femme, Ziowussi, avec une prêtresse du même nom
(Ziowussi), qui se trouve chez les Akouma.
Les deux prêtres ont un droit de regard mutuel quand il
s'agit d'introniser l'un ou l'autre. Ils assistent à toutes les
cérémonies qui concourent à l'intronisation du
prêtre ou de la prêtresse.
27
19 Qui fait environ trois (3) hectares de surface.
20 Actuel prêtre Ziowu, 65 ans.
Entretien du 25/07/2020 au sanctuaire de Ziowu.
28
Photo n°2.1 : Sanctuaire de Togbui Ziowu
Photo n°2.2 : Vue partielle de la forêt
et son prêtre sacrée de
Ziowu
Source : cliché E. E. Bodjro (25/07/2020).
La réputation de cette forêt ne fait pas perdre
de vue le rôle de Togbui Yoho et de Togbui Gbe. 2.1.2.2.
Togbui Yoho et le Yohové
À la différence de Ziowu, Yoho n'a pas
de sanctuaire. Il n'existe qu'à travers une forêt de son nom
Yohové21. Si dans la forêt de Ziowu
sont enterrés les adeptes et les prêtres, celle de Yoho
est réservée à ceux qui sont morts de façon
tragique, Djogbéku, soit par accident, incendie, noyade, etc.
Par ailleurs, les foudroyés de Hébiesso ou tous fauteurs
tués par un dieu du panthéon, quoi qu'il en soit, sont
inhumés dans cette forêt qui leur est réservée.
Malgré la sacralité de Yohové, elle ne constitue
plus aux yeux des populations la même valeur comme dans le passé.
Ce changement de regard serait dû à l'absence de
cérémonies appropriées, aggravée plus tard par
l'extension du village où les nouveaux quartiers ou villages lointains
acquéraient une large indépendance en inhumant leurs morts chez
eux, rompant avec l'ordre préexistant qui les obligeait à faire
venir dans le village matriciel, leurs défunts. Ainsi, Yohové
perdit sa place de « Djogbe » au profit des nouveaux
cimetières des fermes.
Néanmoins, conscientes de sa place dans le patrimoine
religieux, les autorités, gardiennes des coutumes, confient sa
protection au prêtre Ziowu.
21 D'une surface de un (1) hectare.
Photo n°2.3 : Yohové
Source : cliché E. E. Bodjro (25/07/2020).
En dehors de ce Togbui vodou, Togbui Gbé est le
troisième dieu des ancêtres.
2.1.2.3. Togbui Gbe et le Gbevé
Tout comme le Yoho, Togbui Gbé est un
des vodou des ancêtres qui n'atteint pas le même
degré de réputation que le Ziowu. Sa
particularité est qu'il n'a pas de couvent, à l'image de
Ziowu. Ainsi, sa forêt « Gbevé22
» est son couvent où se trouvent des vodou dont les
principaux, sont : Aguin, Azizan et Dan.
Par conséquent, cette forêt est
réservée à des cérémonies et non à
l'inhumation. L'accès à ce sanctuaire est formellement interdit
à toute personne autre que le prêtre du Ziowu et quelques
rares prêtres d'autres divinités. Au cours des
cérémonies dans cette forêt, lors de la grande
cérémonie de vodou « Vodoukonugan »
sauf en cas de calamité, les boissons utilisées ne doivent pas
être alcooliques23.
29
22 Située à l'ouest de
Ziowuvé, elle fait environ un (1) hectare de surface.
23 Agbénigan Fovi, 65 ans. Entretien du
25/07/2020 au sanctuaire de Ziowu.
30
Photo n°2.4 : Togbui
Gbevé
Source : cliché E. E. Bodjro (25/07/2020)
Par ailleurs, Togbui Ziowu, Togbui Yoho et Togbui
Gbé ne sont pas les seuls vodou du panthéon ouatchi
de Vo-Koutimé. D'autres, que nous appelons secondaires à la
différence de ces Togbui vodou, caractérisent eux aussi
l'univers religieux.
2.1.3. Les dieux secondaires
Les vodou classés dans cette catégorie
sont pluriels. De Hébiésso à la divination, en
passant par Sagbata, « vodou anyigbanto » qui
signifie « dieu de la terre », Légba, vodou Dan, vodou
Tron ou Goro vodou, Gbana, et des vodou liés aux
naissances comme Aloumon, Vénani « les jumeaux »,
Ago, Tohossou, la liste est loin d'être exhaustive.
Cependant, de tous les vodou du panthéon, nous
ne parlerons que de Hébiésso, Légba, en fonction
de leurs popularités.
En milieu ouacthi en général et à
Vo-Koutimé en particulier, le vodou Hébiésso est
le plus connu. On attend souvent dire que Hébiésso est
d'origine dahoméenne précisément à Hevie,
même si cette affirmation fut démentie dans la communauté
ouatchi où le culte de So existerait depuis longtemps au sud du
Togo (B. Gilli, 2016, p. 39) l'influence culturelle du Dahomey
n'épargnerait pas le pays ouatchi.
Dans chaque famille ou lignage, on en trouve (cf. Tableau
n°2.1). Gestionnaire du monde à la fois matériel et
immatériel, principe de connaissance et d'ordre, ou fauteur de trouble
et de chaos (B. Gilli, 1982, p. ix), son nom regroupe tous les vodou
de la foudre, qui sont au nombre de sept. Nous pouvons trouver :
Agbade, Aklobe, Adayro, Sogbo, Sakadja, Ayali et
31
Atisu dont chacun des initiés est
appelé : Agbadesi, Aklobesi, Adayrosi,
Sogbosi, Sakadjasi, Ayalisi et Atisusi (B.
Gilli, 2016, p. 44).
De toute cette famille, à Vo-Koutimé, le plus
populaire est Adayro. Par ailleurs, la liste se fait compléter
par vodou Agboe qui, selon nos informateurs, est la femelle des sept
Hébiésso. Elle est plus calme et chargée
d'apaiser les mâles quand ils sont en colère24.
En dehors de Hébiésso, vodou
Légba est très présent à Vo-Koutimé. On
en distingue deux types : Dulégba et Afanlégba.
Dulégba est celui qui se trouve sur la place publique dans
chaque quartier de Vo-Koutimé. Le village matriciel dispose d'un
Dulégba appartenant aux ancêtres fondateurs, qui est
à la tête de tous les autres. À celui-ci, à chaque
début ou fin des cérémonies de Vodou konougan, on
fait des sacrifices après consultation d'Afan. Le choix du lieu
où il se trouve n'est pas aléatoire. En effet, se trouvant
souvent à l'entrée ou sur la place publique des villages ou
quartiers, ils sont les gardiens de tous les habitants et veillent sur eux.
Photo n°2.5 : Dulégba du village
mère
Source : cliché E. E. Bodjro (27/07/2020).
Toutes les cérémonies du culte vodou
chez les Ouatchi de Vo-Koutimé débutent toujours par la
consultation des oracles « Afan ». Nul n'a le pouvoir de
connaître la cause d'une maladie, d'une calamité, d'une situation
métaphysique si ce n'est qu'après la consultation des oracles.
Au lever du soleil, le prêtre vodou ou le chef
de famille fait la consultation pour savoir ce que lui réserve la
journée en bien ou en mal et les conduites à tenir pour que les
malheurs enjambent le village ou la famille.
24 Entretien du 15/03/2020 à Vo-Koutimé,
76 ans.
En bref, quelle que soit la spécialisation des
vodou, ils assurent tous la sécurité, la
prospérité, la bonne marche de la vie quotidienne ; ils exaucent
les voeux des habitants et les protègent de tout malheur.
2.1.4. Les couvents
Les vodou précités ont leur propre
demeure qu'est le couvent « Kpanou ». En dehors des habitats
de la population, les couvents de vodou sont visibles partout. Le
village matriciel en concentre la majeure partie. À chacun des couvents,
est attribué le nom d'un ancêtre et un responsable. Ce dernier est
entouré d'autres prêtres qui ont leur vodou dans son
couvent. À sa mort, il est remplacé par le plus ancien des autres
prêtres vodou. En dehors de son vodou, les autres
peuvent être de différentes natures. Dans un couvent, on peut
alors trouver à côté du vodou
Hébiésso, le vodou Dan, Mami,
Agbana, etc. Cette convivialité entre les différents
vodou se matérialise entre leurs prêtres. Ainsi, dans
chaque quartier il est nommé un prêtre vodou à la
tête de tous les autres et leurs convents qui est à l'image du
chef de quartier vis-à-vis des autres prêtres (Zikpui Ayondo
25).
32
25 Entretien du 20/07/2020 à son domicile,
76ans.
33
Tableau n°2.1 : Récapitulatif des
couvents
Quartier
|
Nom du couvent
|
Nombre de
prêtres
|
Responsable des
couvents
|
ATCHANDOME
|
Magnawui kpanou ; Melewome
Kpanou; Agbodi Kpanou ; Soviadè Kpanou ; Kotchi
Kpanou,; Adayrope
|
53
|
Hung Amakoe Sessou
|
GLOPE
|
Kpoka Kpanou ; Dedjani Kpanou ;
Nouwodou Kpanou ; Ketoglo Kpanou ; Awaka Kpanou
|
10
|
Hung Sika Kokouvi
|
SOKO
|
Amouzouhlan Kpanou ; Kouléhomé
Kpanou
Bébé Kpanou ; Agoudavi Kpanou ;
Vekini Kpanou
|
26
|
Hung Agboglan
|
KPOTA
|
Daklou Klové Kpanou ; Dansou Hanta Kpanou ; Somabé
Kpanou ; Azianké Kpanou ; Bessanvi Kpanou
|
19
|
Hung Apeti Daklo
|
MAMISSI
|
Wonékou Agbadessi Kpanou ;
Kouléhomé Kpanou ; Messanvi
Kpanou ; Agbémadokponou Kpanou
|
11
|
Hung Wonékou Agbadessi
|
AGADI
|
Yovodévi Kpanou
|
5
|
Hung Yovodévi
|
Source : Archives du secrétariat du chef
Zouméké Akakpo II.
La population ouatchi de Vo-Koutimé, face à cette
pluralité de couvents, s'imprègne du culte vodou.
2.2. L'ancrage de la religion vodou à
Vo-Koutimé
Dans la communauté ouatchi de Vo-Koutimé, de la
naissance jusqu'à la mort, tout le quotidien des populations est
régie par les vodou.
34
2.2.1. La vie sociale imprégnée du
culte vodou
La communauté ouatchi de Vo-Koutimé a un
degré d'enracinement particulier du culte vodou. Nul ne se
réveille le matin de son plein gré, mais cela dépend
plutôt de la volonté des vodou. Pour se coucher la nuit,
le chef de concession ou de famille dira aux siens « Togbuiwo ne fomi
», « que les ancêtres, qui sont encore des dieux nous
réveillent ». On souhaite un bon voyage en disant «
Togbuiwo ne kplomi dediede ».
Le simple fait d'éternuer regorge de significations. En
éternuant du côté gauche, cela signifie le mal et le
côté opposé est signe du bonheur26.
En outre, la vie quotidienne est rythmée de totems du
culte vodou. Nul n'a le droit de porter une chaussure ni de balayer la
nuit, car cela attirerait la variole qui est, selon la tradition, une punition
émanant du vodou Sakpata, souvent représenté chez
les Ouatchi avec de petits boutons sur son corps, une balaie à la main,
et une chaussure au pied.
La naissance d'un enfant n'est pas fortuite, surtout quand il
s'agit des naissances hors normes, en l'occurrence la naissance des jumeaux
« Vénavi », une malformation morphologique «
Tohossou », etc. Ces derniers portent dès leur naissance,
le nom vodou qui ne s'agit pas des noms appartenant au vodou
comme dans le cas des initiés (B. Gilli, 1982, p. x). En effet, les
Vénavi portent des noms, après des
cérémonies, comme Adjé-Adjété,
Koété-Koélé,
Wévi-Wétcha, Etsin-Atsou qu'on trouve couramment dans la
communauté.
Par ailleurs, les animaux sont présagés. En
effet, un coq de la base cour ne chante pas la nuit. Cela signifie que soit la
mort ou un malheur arrivera dans la famille. Et souvent le chef de la famille
reste éveillé sur ces signes. Très tôt le matin, il
ira consulter les ancêtres pour comprendre exactement de quoi il sera
question.
Tous ces signes sont loin d'être exhaustifs, car rien
n'arrive au hasard ; toute chose a une signification divine pour des Ouatchi de
Vo-Koutimé.
2.2.2. L'économie sous la marque des
vodou
La bonne marche des activités économiques ne
dépend pas de la capacité de l'homme. De l'agriculture jusqu'au
commerce, le Ouatchi confie tout au vodou. Ainsi, le cultivateur avant
le début de ses activités, implore les vodou. Souvent,
c'est au grand prêtre du Ziowu à qui revient la charge
d'organiser les cérémonies préalables pour le début
des activités. La pluie devient une offre des vodou ; quand
elle devient rare on se tourne vers eux.
26 Zouméké Akouété Akakpo
II, 76 ans. Entretien du 15 mars 2020 au palais du Chef Canton à
Vo-Koutimé.
35
Le cultivateur n'hésite même pas à placer,
sous la protection des vodou, son champ (cf. Photo ci-dessous). Ils
deviennent des gardiens et tous ceux qui toucheront les produits de ce champ
à l'insu du propriétaire s'exposent à des effets divers
selon la nature du vodou protecteur. Mais, habituellement,
l'agriculteur fait recours au vodou Hébiésso en fonction
de son intolérance envers les voleurs.
Photo n°2.6 : Type de champs placés sous
protection de vodou
Source : cliché E. E. Bodjro (27/07/2020).
Après la réussite des champs, le paysan, en
guise de récompense, offre les prémices de ses récoltes au
vodou. Ceci donna en pays éwé, le nom des fêtes
traditionnelles comme Adinukuzan, Djawuwuzan,
Ayizan, dont les noms diffèrent selon les produits qui
prédominent. En ce qui concerne l'activité commerciale, la
mévente serait due à un sacrifice non fait, une promesse non
tenue, bref quelque chose qui a trait aux vodou. Ainsi, le
commerçant offre, aux vodou soit à l'autel des jumeaux,
au Légba de village, ou tant d'autres, sa marchandise et
demande leur grâce. Souvent, les jumeaux sont considérés
comme des porte-bonheurs. Le commerçant ouatchi souhaite, qu'avant son
arrivée au marché, qu'il en rencontre en cours de route.
En somme, de cette première partie, nous retenons que
les Ouatchi de Vo-Koutimé ont immigrée de Notsè et
après plusieurs périples marqués par des haltes, ils
élisent domicile, à la première moitié du
XVIIIe siècle, là où ils sont aujourd'hui. Mais
étant des croyants en des forces de la nature depuis leur origine, sur
leur nouveau site, ils développèrent un culte vodou de
même nature. Cependant, avec l'ouverture au monde extérieur, ils
connurent l'avènement de la religion chrétienne portée par
les missionnaires blancs.
36
Deuxième partie :
IMPLANTATION ET EXPANSION DU CHRISTIANISME A
VO-KOUTIMÉ DU XXE AU XXIE SIÈCLE
37
Dans le courant du XIXe siècle, la
côte des Esclaves, allant de l'embouchure de la Volta jusqu'au fleuve
Niger qui regroupe aujourd'hui l'actuel Nigéria, Bénin, Togo et
une partie du Ghana, a connu l'avènement des missionnaires
chrétiens. Au Togo, ils débarquèrent sur la côte et
de là atteignirent l'hinterland immédiat dont le pays ouatchi de
Vo-Koutimé. Au fil des temps, l'évangélisation s'enracina
dans ce monde religieux. Fort de ce constat, nous nous posons la question de
savoir : comment les missions chrétiennes, depuis la côte, ont pu
fouler le sol des Ouatchi à Vo-Koutimé ? En outre, qu'est-ce qui
témoigne de l'expansion du christianisme à Vo-Koutimé ?
Les réponses à ces interrogations constitueront la trame des deux
chapitres de cette partie. Alors, après avoir parlé de
l'implantation des missions chrétiennes à Vo-Koutimé, nous
aborderions leur expansion.
38
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