CHAPITRE II :
LES MUSIQUES DU MONDE FACE A LA
MONDIALISATION
DE LA CULTURE
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La recomposition du marché mondial du disque et sa
prise de contrôle par l'industrie du divertissement a donné
naissance à une super-structure en quatre ou cinq pôles
capelés major companies qui concentrent aujourd'hui l'essentiel
de la production musicale mondiale. Pour remplir leurs objectifs de
rentabilité à court terme, les compagnies ont adopté un
principe fondamental dans le choix des artistes « à signer )) :
seuls ceux ayant des potentialités pour se développer à
l'international sont retenus. Autrement dit, il s'agit d'artistes susceptibles
d'être consommés à Bombay, à New-York comme à
Yaoundé, bref à l'échelle planétaire. C'est cette
circulation des produits culturels à l'échelle du globe qu'on
désigne par l'expression de « Mondialisation de la culture ».
Elle suscite aujourd'hui des réactions controversées.
Les uns croient y déceler les promesses d'une
planète démocratique unifiée par une culture universelle,
une planète réduite par les médias aux dimensions d'un
« village global », comme le disait Marshall Mc Luhan. D'autres y
déchiffrent les germes d'une inéluctables et déplorable
perte d'identité pour les cultures du monde. Certains « militants
» enfin n'hésitent pas à faire usage de la violence pour
défendre leurs particularismes. Ce débat tourne autour de deux
questions fondamentales ; comment les multiples « cultures
singulières )) (*) réagissent-elles devant un tel
déferlement ? Notre souhait dans le prochain chapitre est de pouvoir
forger les clés d'interprétation du phénomène de
mondialisation, plus précisément du fonctionnement du
marché mondial des biens culturels, du contexte dans
lequel il opère et de son impact éventuel ?
(*)selon une formule de Jean-Pierre WARNIER in La
Mondialisation de la Culture pour désigner les cultures qui se
nourrissent des traditions, P.78
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I-A PROPOS DE LA MONDIALISATION DE LA CULTURE
Les faits qui relèvent de la mondialisation de la
culture ne sont pas tous de même nature. En effet, peut-on analyser de la
même manière la diffusion hors du Japon de l'art zen du tir
à l'arc, et la commercialisation mondiale d'un film comme TITANIC ?
L'art zen est le produit d'une tradition. Pour se
l'approprier, il faut en passer par une installation auprès d'un
maître. En revanche, les films et les séries
télévisées sont les produits d'une industrie de haute
technologie. Leur consommation est éphémère et la demande
est sans cesse renouvelée.
Les problèmes posés par la mondialisation de la
culture sont de la même ampleur que l'espace ouvert par la
différence entre cette tradition séculaire et cette production
d'origine récente et vouée à la consommation à
court terme. De nos jours, l'industrie permet une reproduction en
soirée, à l'identique, dans un temps très court, de
produits destinés à approvisionner tous les secteurs de la
culture.
Ainsi, la chanson Candle in the Night, chantée
par Elton John aux obsèques de la princesse de Galles, en septembre
1997, s'est vendue à 32 millions d'exemplaires dans le monde entier en
six semaines. Il s'est agi là d'un véritable record mondial
doublé d'un exploit industriel. Un tel exploit n'est possible qu'en
mobilisant nuit et jour des unités de production de cassettes et de CD
partout dans le monde afin de satisfaire une demande largement suscitée
par les images des obsèques retransmises par les câbles et
satellites.
C'est un exemple qui illustre parfaitement la mondialisation
des flux de biens culturels. Mais il est fort improbable qu'on n'aurait jamais
parlé de « mondialisation de la culture » si ces
dernières décennies n'avaient pas donné lieu à une
intensification des flux mondiaux de capitaux, de technologie, de marchandises
et de médias. Notre propos portera à présent sur ce
phénomène :
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