F- LES INDICATEURS DE VENTES DES MUSIQUES DU MONDE
Le poids de Musiques du Monde dans les différents Top
tels que nous l'avons analysé, nous indique clairement combien les
disques de musique du monde connaissent des scores de ventes modestes. La
proportion de références commercialisées qui
réalisent des chiffres importants est bien faible.
Seules quelques rares réalisations
bénéficiant des moyens financiers, capables d'assurer de
véritables campagnes de promotion et de marketing échappent
à la règle. En plus des artistes qui jouissent d'une conjoncture
favorable, inhérente aux courants du moment.
Dans leur acceptation la plus large, les « Musiques du
Monde » subissent alors la recomposition du paysage de l'industrie
musicale, marquée par des concentrations à tous les étapes
de la filière.
F-1- La Recomposition du marché mondial du disque
(1990-2000)
Après avoir exploré dans les années 80,
le marché mondial du disque va commencer à stagner au
début des années 90. En France, les parts de marché des
principaux majors se stabilisent. Cinq d'entre elles se partagent le
marché. Il s'agit de Polygram, Sony, BMG, Werner. Elles ont pour traits
communs d'être des filiales de groupes industriels, multinationaux dont
la logique est purement industrielle et financière.
Le marché mondial est dominé par Warner qui
relève de la multinationale américaine du divertissement TIME
WARNER. En Europe, c'est la hollandaise Polygram une filiale du groupe
électro-ménager PHILIS qui est leader du marché.
Deux mini-majors indépendants, Universal et Virgin
jouent les troubles fêtes. Quelques distributeurs indépendants
comme PIAS, HARMONI MUNDI se partagent à peine 1% du marché. Le
schéma de répartition est à peu près le suivant
:
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Situation du marché en 1990 :
MAJORS / labels
|
MAISONS MERES / pays
|
PARTS DE MARCHE
|
POLYGRAM
|
PHILIPS (hollande)
|
+/- 30%
|
SONY MUSIC
|
SONY corp (japon)
|
+/- 20%
|
EMI
|
THORN (GB)
|
+/- 12%
|
BMG
|
BERTELSMANN (Allemagne)
|
+/- 12%
|
WARNER
|
TIME WERNER (US)
|
+/- 10%
|
VIRGIN
|
VIRGIN group (GB)
|
+/- 10%
|
UNIVERSAL
|
Indépendant
|
+/- 6%
|
Dès 1993, le groupe militaro-industriel anglais THORN
se sépare d'EMI. Richard Branson le patron de VIRGIN décide de
vendre la filiale musicale de son groupe pour financer ses compagnies
aériennes (Air Virgin) et ferroviaires (Virgin Rail) en Angleterre.
EMI rachète VIRGIN et devient une sorte de « major
indépendant » avec une part de marché plus importante qui la
classe en 2ème position. En 1997, Seagram, un groupe
agro-alimentaire canadien rachète Universal. Sony et Polygram montent en
puissance et grignotent d'autres parts de marché.
C'est le début du déclin de BMG. Les
résultats de Virgin compensent la baisse de régime d'EMI.
L'année suivante, en 1998, Philips qui veut recentrer
ses activités vers des secteurs stratégiques à haute
technologie, vend Polygram à Seagram Philippe Constantin, l'une des
grands dénicheurs de nouveaux talents chez Mango Island, une filiale de
Polygram consacrée aux Musiques du monde, fait les frais de cette
opération et quitte le navire.
Avec ce départ, c'est plusieurs artistes du Sud,
notamment africains, qui assistent impuissant à la rupture de leur
contrat et l'annihilation de tout espoir
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de bénéficier de moyens financiers importants
pour le développement de leur carrière.
En 1999, Universal et Polygram fusionnent pour donner
naissance à Universal Music Croup qui contrôle dès lors 38%
du marché après rongé au passage deux points à BMG
dont la dégringolade se poursuit... Le géant Time Warner est
acheté par AOL.
Un investissement qui traduit l'intérêt
grandissant des fournisseurs d'accès pour les contenus, notamment la
musique.
L'année 2000 est marquée par la confirmation de
l'intérêt des fournisseurs d'accès pour la musique avec le
rachat et SEAGRAM et VIVENDI et le rapprochement AOL-TIME-WARNER et EMI.
Quatre principaux acteurs aujourd'hui contrôlent le
secteur dans les proportions suivantes :
Situation du marché en 2000 :
MAJORS / LABELS
|
MAISONS-MERES / pays
|
PARTS DE MARCHE
|
UNIVERSAL group
|
VIVENDI (France)
|
+/-38%
|
EMI /VIRGIN/WARNER
|
EMI (GB) / AOL (US)
|
+/-28%
|
SONY-Music Entertainment
|
SONY corp (Japon)
|
+/-25%
|
BMG
|
BERTELMANN (Allemagne)
|
+/-7%
|
Aujourd'hui, quatre majors de cinq nationalités
contrôlent entre 96 et 97 du marché du disque. Les 3 et 4% restant
reviennent à des labels indépendants aux moyens forts
limités « volontairement » maintenus dans le circuit par les
« quatre mousquetaires », afin qu'ils s'occupent du repérage
et la gestation des futures stars.
Les indépendants les plus importants sont NEXT Music,
M10, PIAS, NAIVE, et TRIPSICHORD.
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La prise de contrôle du marché mondiale du disque
par ces quatre grands groupes industries ne constitue pas un atout favorable
à la diffusion des Musiques du monde.
Et nous examinerons plus loin comment cette situation a
contribué à installer la morosité dans un secteur
où les performances n'étaient pas déjà très
brillantes.
Voici quelques clichés ponctuels donc susceptibles d'avoir
évolué après le relevé, représentant les
meilleures ventes d'albums de Musiques du monde au cours des années 1997
et 1998.
F-2- L'Evolution des ventes en 1997 et 1998 Meilleures
ventes de l'année 1997 :
ARTISTES
|
PAYS
|
SCORES
|
Cesaria EVORA
|
Cap-Vert
|
+100 000
|
Buena Vista Social Club
|
Cuba
|
+50 000
|
Orchestre National
Barbés
|
Algérie / Maroc
|
+40 000
|
Afro cuban all stars
|
Cuba
|
+20 000
|
Caetano Veloso
|
Brésil
|
+10 000
|
Compil « afro-cuban
groove »
|
Cuba
|
+22 000
|
Meilleures ventes de l'année
1998
ARTISTES
|
PAYS
|
SCORES
|
Cesaria EVORA
|
Cap-Vert
|
+90 000
|
Compay Secundo
|
Cuba
|
+40 000
|
Amadou et Mariam
|
Mali
|
+35 000
|
Rokia Traoré
|
Mali
|
+25 000
|
Gilberto Gil
|
Brésil
|
+15 000
|
Anouar Brahem
|
|
+11 000
|
Abed Azrie
|
|
+20 000
|
Caetano
|
Brésil
|
+7 000
|
Nahawa
|
Mali
|
+2 000
|
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Avec ces chiffres, on s'en doute bien, très peu de
producteurs « Musiques du monde » peuvent prétendre à
des certifications de la SNEP qui distinguent les meilleures ventes
d'albums.
Ces distinctions sont notamment le disque d'or (100 000
exemplaires) ; le disque d'argent (125 000), le disque de diamant (750 000) ou
de platine (300 000).
Les rares à y parvenir se recrutent dans le cercle
élargi de l'appellation Musiques du Monde, plus proches de la
variété et des produits marketing.
Par exemple en 1997, pour les disques de diamant, et de
platine, on retrouve les noms de RICKY Martin Khaled. WES ou encore des Gipsy,
Kings qui bénéficient de campagnes de promotion à
l'échelle planétaire.
Néanmoins, il arrive que des productions plus «
authentiques » atteignent les seuils de vente requis plusieurs
années après leur date de sortie commerciale. C'est le cas de
Cesoria Evora. Mais comme nous l'expliquera plus tard son producteur
José Da Silva, le travail d'exposition a lui aussi pris plusieurs
années. Et les médias ont dû suivre le mouvement - sans en
être véritablement le moteur - avant de l'amplifier. Sorti en 1992
; son album Miss Perfumado obtient un disque d'or pour des ventes
réalisées exclusivement grâce à la renommée
tirée de sa participation à des festivals.
En 1999, elle est récompensée d'une victoire de
la musique pour l'album Café Atlantico vendu à plus de 600 000
exemplaires, mais à cette date, les médias et la grande
distribution avaient déjà trouvé le titre de feuilleton en
collant à Ceraria une belle étiquette, « La diva aux pieds
nus ». Sa vie se racontera désormais comme un roman dont l'intrigue
est une dramatique qui alterne émotion, compassion, tristesse, et enfin
de voir l'héroïne prendre sa revanche sur une vie qui ne lui a pas
fait de cadeaux.
Déclinée en plusieurs langues, la légende
de Cesaria « la miraculée » dont la voix est restée
aussi pure en dépit de l'épreuve de l'alcool et du tabac à
laquelle sa miséricorde vie l'avait soumise pendant plusieurs
années, a fait le tour du monde.
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La presse de tous les continents fait le pèlerinage des
villes de Sao Vicente et Mindelo au Cap-Vert, dans les bars où jadis la
diva donnait de la voix contre un verre de whisky à titre de cachet.
A l'âge où d'autres raccrochent le micro, Cesaria
« la diva aux pieds nus » poursuit sa nouvelle carrière et
aujourd'hui encore, son nouvel album SAO VICENTE LONGE, réalise la
meilleure vente de Musiques de Monde et bénéficie d'une diffusion
extraordinaire dans l'histoire de cette catégorie de musiques.
Ici, la légende est venue favoriser l'éclosion
d'une dame « informatable » parce que sincère, naturelle et
véritablement douée.
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