D-2- La part des Musiques du Monde dans les radios.
Le bilan radio 1997 réalisé par Ipos Music avait
confirmé l'impression déjà dominante suivant laquelle, la
place accordée aux Musiques du Monde à la radio est globalement
faible. Précisons que le bilan Ipsos s'effectue à l'aide du
système Aire check de reconnaissance automatique et d'analyse de la
programmation musicale, sur un panel de 30 stations qui représentent 95%
de l'audience.
En 1997, la World Music a compté pour à peine 1%
de la programmation musicale de l'ensemble des radios, avec environ 25 000
diffusions sur un nombre total de 2 800 000. La place de la World varie selon
les formats de radios. Elle est presque inexistante sur les réseaux FM
nationaux, réalise 4% sur les radios généralistes,
représente 1% de la programmation des radios locales (celles de radio
France exceptées), et 2% sur les locales de radio France.
Parmi les radios du service public, FIP revendique 30% de
Musiques du Monde dans sa programmation, avec des campagnes spéciales
pour les disques « coup de coeur » (par exemple le dernier album de
Toups BEBEY)
A bordeaux, Radio Black Box, créée en 1991 avec
100% de World Music, a changé de format après son rachat par un
grand groupe de communication. Aujourd'hui, elle diffuse 60% de rap et 40% de
Musiques du Monde, tripant ainsi son audience.
A Montpellier, Divergence FM annonce 30% de Musiques du Monde
alors qu'à la Radio galère à Marseille, c'est 50% avec des
émissions sur Cuba, les Antilles, la musique berbère, comorienne
ou arménienne.
A Paris, Radio Nova (qui émet également sur
Angers et Montpellier) reste l'une des radios FM les plus ouvertes à la
diversité des musiques de la planète. Sur sa playlist où
se côtoient - fait unique dans le paysage - la techno de Daft Punk et le
Maskanda de la chanteuse sud-africaine Busi Mhlongo, 15 à 18% des titres
sont World Music.
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SLYROCK constitue une sorte d'exception au sein de la
catégorie des « poids lourds » du réseau.
Sa programmation majoritairement rap s'est
complétée d'une touche sensible de rai avec l'entrée en
playlist des Faudel, Mami, Khaled. A la direction de la chaîne, on
prédit un avenir encore meilleur. Mais on peut valablement se demander
de quel type de rai il s'agit ? En terme d'évolution, le tableau (*) -
déjà peu reluisant ne semble pas aller en s'améliorant.
Car dans ses dernières statistiques, l'institut de sondage Ipsos ne
distingue même plus le genre World Music qui se retrouve simplement
englobé dans la rubrique « Autres »
Selon Stéphane Rogeon le directeur de marketing de
l'Institut cité par Gildas LEFEBVRE, le poids de ces musiques dans les
programmations des différentes radios est devenu insignifiant.
Une conséquence directe du formatage de plus en plus
pointu des radios qui désormais diffusent majoritairement, et
presqu'uniquement les rythmes à la mode fabriqués suivant des
recettes plus marketing qu'artistiques. Au-delà du diktat des
programmations de radio et des responsables marketing des labels qui mettent en
équation mathématique les goûts du public, le cadre
réglementaire française en matière radiophonique constitue
un véritable abcès à la gorge des chanteurs et
compositeurs des Musiques du Monde. (*)
En effet, le décret sur les quotas de diffusion que les
radios se doivent de consacrer à la musique francophone se
réduisant à ce qui est d'expression française ou de la
langue régionale française comme le breton ou le corse.
(*)
Voir en annexe le palmarès des titres (rares)
classés dans les Tops 40 des diffusions en 1997.
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C'est ainsi que des artistes clairement identifiés
à l'étranger comme les ambassadeurs de la « fameuse »
France plurielle, bleu-blanc-rouge-brandie non sans fierté après
la dernière coupe du monde de football se trouvent hors des quotas, dans
les radios françaises. Bien qu'ayant été nominé aux
Victoires de la Musique, le chanteur d'origine congolaise Lokua Kanza n'a pas
pu obtenir sa classification dans le quota réservé à la
musique française.
Cela donne des situations ambiguës, où ces
artistes des quotas en Hexagone bénéficient dans leur diffusion
à l'internationale des nombreux mécanismes de soutien et de
promotion relayés par des organismes français tels que le bureau
de cent-vingt radios dans le monde. Radio France Internationale, RFI qui
émet désormais à Paris, n'accorde pas une grande place aux
Musiques du Monde depuis le lancement de son format « tout actu ». A
l'exception des magazines musicaux spécialisés comme «
Couleurs Tropicales » de Claudy Siar, ou « Musiques du Monde »
avec Laurence Alloir, RFI a plutôt fait le choix du rayonnement à
l'international, en déployant un travail considérable dans les
coulisses.
Notamment à travers la production de CD envoyés
à un réseau de mille radios partenaires, ou encore avec le Prix
RFI Musiques du Monde, qui assure à ses jeunes lauréats des
campagnes de promotion auprès des radios et des actions d'appui à
des tournées, nous présentons cette opération au dernier
chapitre de notre travail.
Pour être donc diffusés, les artistes des
Musiques du Monde ont le choix entre jouer la « bonne note » ou se
contenter d'une diffusion locale. Chaque jour, le fossé se creuse un peu
plus entre un réseau FM commercial qui assure la promotion des
esthétiques musicales dominantes et les antennes de radios associatives
dont l'activisme permet de compenser, davantage d'atténuer la faible
exposition de Musique du Monde sur les radios nationales. La mondialisation est
bel et bien passée par là.
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