CHAPITRE III : LES FACTEURS DE LA DYNAMIQUE DES
ECHANGES
Différents facteurs expliquent le dynamisme des
échanges par voie d'eau entre la basse vallée de
l'Ouémé et Cotonou. Il s'agit notamment du contexte historique,
de l'état dégradé des pistes de desserte, de la production
continue de la basse vallée et de l'augmentation des besoins
alimentaires de Cotonou.
3.1. Le contexte historique
Le commerce des produits est une pratique très ancienne
que ce soit dans la basse vallée de l'Ouémé ou à
Cotonou.
Dans la basse vallée, les produits issus des
activités agricoles et de pêche notamment étaient
considérables. Le manque de moyens de conservation et la
nécessité de satisfaire les besoins quotidiens ont amené
les producteurs à vendre une partie de leurs productions. En 1963, la
population de la vallée satisfaisait pleinement à ses besoins et
exportait vers le Nigeria, une quantité considérable de poisson
(Pélissier P., 1963). Cependant, les produits de pêche vendus aux
populations urbaines de Cotonou en particulier étaient à
l'état fumé en raison des difficultés de conservation.
Cotonou s'approvisionnait en produits de pêche continentale à
l'état frais au niveau des pêcheurs du lac Nokoué et des
plans d'eau environnants. Parmi ces fournisseurs, on retrouve les producteurs
de la commune de Sô-Ava. Ainsi, les échanges entre la basse
vallée de l'Ouémé et Cotonou ont démarré
depuis la création de cette ville au début du XIXe siècle.
En effet, Cotonou a été créée pour servir de point
d'embarquement clandestin des esclaves après l'abolition de ce trafic
à Ouidah (N'bessa B., 1997). Mais très tôt, la ville va
connaître un essor économique remarquable avec la construction du
wharf et le développement du palmier à huile qui vient substituer
l'esclavage. Elle devient un pôle économique et les
autorités d'alors cherchaient à étendre ses aires
d'influence.
32
Pour faciliter les échanges et la communication avec
Porto-Novo, (grand pôle de développement de
l'Ouémé), il fut ouvert en 1885, un canal reliant le lac
Nokoué à la mer. Cette ouverture permet d'une part de
protéger les populations riveraines du lac contre les effets
néfastes des inondations et d'assurer les transports entre Cotonou et
Porto-Novo d'autre part. En outre, la création de ce chenal a
entraîné la modification du milieu biologique lacustre et
lagunaire et un important développement des crevettes dans les eaux ;
ainsi se sont constituées de véritables sociétés
d'achat de crevettes auprès des pêcheurs traditionnels. Ces
crevettes conditionnées dans de petites usines à Cotonou, sont
exportées par avion vers l'étranger (Mondjannagni A., 1977).
Jusqu'en 1930, date d'inauguration de la route Cotonou-
Porto-Novo, les échanges directs entre la basse vallée de
l'Ouémé et Cotonou se faisaient par voie d'eau avec des pirogues
traditionnelles. L'ouverture de cette liaison terrestre n'a pas mis fin aux
échanges par voie d'eau mais les a diversifiés et
accélérés.
Même si les moyens de transport ont connu une
évolution considérable, la position des marchés
(d'Azowlissè, de Dangbo dans la basse vallée de
l'Ouémé et de Dantokpa à Cotonou) aux abords des cours
d'eau constitue un facteur de développement des échanges
fluvio-lacustres entre ces localités.
3.2. L'état dégradé des pistes de
desserte et le développement des
échanges fluvio-lacustres
Les voies de circulation assurent le transport des biens et
des personnes d'un secteur à un autre. Elles constituent donc un moyen
d'activation des échanges. Malgré ces atouts, le secteur routier
est à l'état embryonnaire dans la basse vallée de
l'Ouémé. Il est caractérisé par l'existence d'une
voie principale non bitumée et des pistes de desserte difficilement
praticables surtout en saison pluvieuse. Ainsi, la saison pluvieuse se
présente comme une période désagréable. La
morphologie de la région, caractérisée par un plateau et
une
33
plaine inondable fait que les pistes sont
généralement bâties sur des systèmes de pentes. Ces
pistes qui relient les zones de production aux habitations sont glissantes et
donc difficiles d'accès. En saison sèche, c'est l'apparition de
trous sur les voies qui handicape le transport. La conséquence est que
les moyens de transport s'amortissent très vite et les véhicules
chargés sont contraints de rouler à moins de 40 km par heure ; ce
qui augmente la durée du trajet et par ricochet le coût du
transport. Le tableau ci-dessous présente l'état de quelques
pistes de la basse vallée.
Tableau IV : Quelques pistes d'accès
très difficile en période de pluie
Communes
|
Pistes
|
Longueur (km)
|
Accessibilité
|
Facteurs limitants
|
Bonou
|
Bonou-Damè-Wogon
|
03,6
|
Mauvaise
|
Boue, trous
|
Bonou-Tatonoukon
|
|
Mauvaise
|
idem
|
Adjohoun
|
Azowlissè-Gbékandji-Yoko
|
12,00
|
Passable
|
Boue, trous,
escaliers
|
Azowlissè-Dannou
|
08,00
|
Mauvaise
|
Boue, trous,
ravins
|
Adjohoun-Gbékandji- Zounguè
|
21,5
|
Passable
|
idem
|
Gbada-Houéda-Todé
|
06,00
|
Passable
|
Boue, trous
|
Dangbo
|
Dangbo-Hêtin-Sota-Dêkin
|
12,00
|
Mauvaise
|
Boue, trous,
ravins, escaliers
|
Tovè-Mitro
|
06,00
|
Mauvaise
|
idem
|
Tokpli-Gbéko-Dêkin
|
08,00
|
Mauvaise
|
idem
|
Dangbo-Yokon
|
04 ,00
|
Mauvaise
|
idem
|
Source : Direction Régionale des
Travaux Publics Ouémé/ Plateau et enquête de terrain,
2009
L'analyse du tableau IV montre que les pistes de la basse
vallée de l'Ouémé sont dans un mauvais état. Les
facteurs limitants sont entre autre la boue, les trous, les ravins et les
escaliers. Cette situation hypothèque les échanges par la route
et fait appel à de nouvelles stratégies. Celle des populations
est de développer les échanges par voie d'eau malgré les
risques qu'elle présente. Dans cette perspective, l'existence de
plusieurs cours d'eau et canaux constitue à côté des pistes
rurales les principales infrastructures de transport. Les canaux les plus
utilisés sont :
- Gbéko reliant la localité du même nom au
fleuve Ouémé sur la rive droite ;
34
- Tozoundo qui relie les localités de Yokon et environ au
fleuve ;
- Mitro qui sert de jonction entre le village de Mitro et le
fleuve ;
- Dêkin qui désenclave la demi- douzaine de
localités situées à Dêkin-Afio et
environ ;
- Dékanmè qui offre une ouverture vers la commune
de Sô-Ava ;
- Houédomè qui débouche sur le lac
Nokoué à l'Ouest ;
- Malomè qui relie l'arrondissement de Dangbo à
celui de Késsounou.
Ces réseaux de communication permettent donc
l'écoulement des produits
vers les zones à faible production et les grands centres
de consommation.
3.3. La production continue de la basse
vallée
Les échanges entre deux régions sont liés
aux atouts qu'offre chaque milieu. Ainsi, la principale caractéristique
de la basse vallée est sa forte production alimentaire dont la ville a
besoin pour nourrir sa population.
3.3.1. La production végétale
Elle comprend plusieurs cultures dont les principales sont :
les céréales, les tubercules, les légumineuses et les
maraîchères. Au cours de ces dernières années, les
différentes productions ont évolué en dents de scie. Cette
situation est mise en évidence par le tableau V.
35
Tableau V : Parts respectives des communes dans la
production vivrière.
Campagnes agricoles
|
Communes
|
Céréales
|
Racines Tubercules
|
Légumineuses
|
2001-2002
|
Sô-Ava
|
1972
|
6117
|
439,9
|
Bonou
|
6004
|
24097
|
718
|
Adjohoun
|
4940
|
24924
|
3036
|
Dangbo
|
9448
|
54602
|
2458,3
|
Aguégués
|
4116
|
2413
|
-
|
Totaux
|
26480
|
112153
|
6652,2
|
2002-2003
|
Sô-Ava
|
605
|
1500
|
311
|
Bonou
|
8854
|
29166
|
942
|
Adjohoun
|
9830
|
50381
|
3998
|
Dangbo
|
8737
|
60891
|
2399
|
Aguégués
|
4276
|
2266
|
-
|
Totaux
|
32302
|
144204
|
7650
|
2003-2004
|
Sô-Ava
|
824
|
1830
|
225
|
Bonou
|
4042
|
3866
|
232
|
Adjohoun
|
4106
|
9597
|
1043
|
Dangbo
|
2247
|
25782
|
318
|
Aguégués
|
1081
|
1817
|
-
|
Totaux
|
12300
|
42892
|
1818
|
2004-2005
|
Sô-Ava
|
290
|
1351
|
163
|
Bonou
|
7150
|
6050
|
261
|
Adjohoun
|
12885
|
11815
|
4932
|
Dangbo
|
5255
|
42863
|
2459
|
Aguégués
|
1265
|
1817
|
-
|
Totaux
|
26845
|
63896
|
7815
|
2005-2006
|
Sô-Ava
|
332
|
2220
|
150
|
Bonou
|
6858
|
4071
|
858
|
Adjohoun
|
11947
|
48223
|
5676
|
Dangbo
|
5209
|
20071
|
1633
|
Aguégués
|
1098
|
1508
|
-
|
Totaux
|
25444
|
76096
|
8319
|
2006-2007
|
Sô-Ava
|
802
|
5040
|
-
|
Bonou
|
7719
|
12912
|
740
|
Adjohoun
|
12939
|
47009
|
5622
|
Dangbo
|
4101
|
37399
|
1675
|
Aguégués
|
1678
|
1776
|
-
|
Totaux
|
27239
|
104136
|
8037
|
Source: Rapports d'évaluation du MAEP, de l'ONASA
et calculs de l'auteur
L'analyse du tableau V montre une croissance de la production
pendant les années 2001 et 2002. A partir de 2003, on note une baisse
généralisée de la production. La reprise de la croissance
s'observera en 2005. Par ailleurs, le rythme de croissance varie d'une culture
à une autre.
Au niveau des céréales, le maïs occupe une
place importante que ce soit pour la consommation locale que pour la
commercialisation. Cela s'explique par le fait que ce produit est fortement
consommé par la population béninoise. La production de
céréale a connu une hausse de 22 % au terme de la campagne
36
agricole 2002-2003. A la campagne suivante, on a
enregistré une baisse de 53,55 % avant l'amorce d'une nouvelle hausse en
2004.
Les racines et tubercules regroupent le manioc et la patate
douce. A l'issu de la campagne 2002-2003, on a enregistré une
augmentation de 28,58 % de la production ; mais à la campagne suivante,
c'est l'événement contraire qui s'est produit avec une baisse
d'environ 70,26 %. La même tendance s'observe au niveau des
légumineuses avec notamment une baisse de la production de 72,67 %
à la campagne 2003-2004.
Les variations observées sont dues aux fluctuations des
superficies emblavées soit à celles des rendements.
Par ailleurs, les cultures industrielles occupent une place
non négligeable dans la basse vallée de l'Ouémé.
Elles concernent l'arachide, le palmier à huile, l'ananas, et
l'anacardier qui sont cultivés dans les communes de Bonou, d'Adjohoun,
et de Dangbo. Le coton est cultivé uniquement à Bonou.
3.3.2. La production halieutique
La pêche constitue la deuxième activité
après l'agriculture. Cette activité qui est facilitée par
la présence de cours et plans d'eau reste liée au rythme
pluviométrique. En effet, c'est le rythme pluviométrique qui
règle le rythme de production primaire des plans d'eau et
corrélativement, la productivité de la pêche continentale
et fluviale (Boko M., 2005). Ainsi, les quantités de poissons
pêchés dans la basse vallée de l'Ouémé
varient d'une année à une autre et suivant les périodes de
l'année. L'évolution des prises est résumée par la
figure suivante :
25000 20000 15000 10000
5000
0
|
Production en tonnes
|
|
|
Delta de l'Ouémé Lac Nokoué
|
1990 1992 1994 1996 1998
Années
37
Figure 5 : Evolution de la production
halieutique (en tonnes) au complexe Delta de l'Ouémé- Lac
Nokoué
Source : Données de la Direction des
Pêches
La production a évolué en dents de scie à
cause notamment de la disparition de certaines espèces. Les plus fortes
quantités ont été enregistrées en 1991 dans le
delta de l'Ouémé et en 1995 au niveau du lac Nokoué. La
moyenne de production durant cette période est de 2290,29 tonnes dans le
delta de l'Ouémé alors qu'elle est de 18665,38 au niveau du lac
Nokoué. Ce qui montre que la production est plus forte dans le lac
Nokoué qu'au niveau du delta de l'Ouémé. Par ailleurs,
depuis 2001, la collette des données ne se fait plus sur le terrain. La
Direction des pêches justifie cela par un manque de moyens dans la mesure
où le projet qui finançait ces activités est arrivé
à terme. Les données fournies sur la pêche continentale
sont issues des estimations. Elles sont donc peu fiables en raison de la
fréquente variation des quantités produites. Malgré ces
réserves, ces données permettent d'avoir une idée de la
production et de faire des propositions pour le développement du
secteur.
38
3.3.3. La production animale
L'ensemble du cheptel regroupe les bovins, les ovins, les
caprins, les porcins et la volaille. Le tableau suivant présente
l'évolution de la production de 2000 à 2005.
Tableau VI : Evolution de l'effectif du
cheptel de 2000 à 2005
|
Années
|
Type d'élevage
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
Bovins
|
13325
|
13735
|
14049
|
14526
|
14400
|
15100
|
Ovins
|
14759
|
14996
|
15083
|
15534
|
15800
|
16200
|
Caprins
|
39897
|
40704
|
42123
|
43481
|
45000
|
46300
|
Porcins
|
N-S
|
14000
|
14480
|
15381
|
16800
|
17200
|
Lapins
|
N-S
|
100
|
100
|
6700
|
7400
|
7400
|
Volailles
|
N-S
|
150000
|
150000
|
710600
|
624600
|
622000
|
Source : CeRPA+ Direction de l'élevage, 2007
Le tableau VI montre une nette progression globale de la
production sur toute la période avec quelques
spécificités. Ainsi, le nombre de bovins est passé de
13735 en 2001 à 15100 en 2005 soit un accroissement de 10 % en une
période de cinq ans.
De même, l'effectif des ovins est passé de 14996
en 2001 à 16200 en 2005 soit un accroissement de 8, 03 %.
En ce qui concerne les caprins, leur effectif passe de 40704
à 46300 entre 2001 et 2005 soit une augmentation de 13,75 %. Les porcins
ont connu un accroissement de 22 % durant cette période.
Cependant, les lapins et les volailles ont connu une
évolution toute particulière. En effet, l'effectif des lapins
passe de 100 têtes en 2001 à 7400 têtes en 2005 soit une
augmentation de 7300 têtes. Par contre, l'effectif des volailles a connu
une stagnation au cours des deux premières années (150000). En
2003,
39
cet effectif passe à 710600 puis à 622000 en
2005 soit respectivement une augmentation de 560000 et une chute de 12,40 %.
Dans l'ensemble, l'effectif des volailles a connu un accroissement global de
472000 têtes durant cette période.
Cette disponibilité permet d'animer le marché
à bétail au niveau local et entre les régions.
3.4. L'augmentation des besoins alimentaires de
Cotonou
La ville de Cotonou comme la plupart des grandes villes
africaines a connu une dynamique démographique très remarquable.
Cette dynamique se traduit par la figure suivante :
1979 1992 2002 2007
Années

Nombre d'habitants
Population
800000
700000
600000
500000
400000
300000
200000
100000
0
Figure 6 : Evolution de la population de Cotonou
(1979 à 2007)
Source : Réalisé à partir des
données de l'INSAE (RGPH 1, 2, 3)
La figure 6 montre une augmentation de la population de
Cotonou de 1979 à 2007. Ainsi, la population de la ville passe de 320
348 habitants en 1979 à 613 763 habitants en 1992. Soit un taux
d'accroissement de 4,1 %. A partir de 1992, on note une baisse du taux
d'accroissement qui passe à 2,01 %. Dans l'ensemble, l'augmentation
enregistrée est de 430 000 habitants entre 1979 et 2007. Cette
croissance de la population a pour corollaire l'augmentation des
40
besoins des habitants notamment en produits alimentaires comme
le montre la figure ci-dessous.
80000
70000
60000
50000
40000
30000
20000
10000
0

Tonnes
1979 1992 2002 2007
Années
Maïs Manioc Niébé Riz
Figure 7 : Evolution de la consommation
moyenne de quelques produits à Cotonou (1979 à 2007)
Source : Réalisé à partir des
données de l'ONASA et de l'INSAE
Le maïs est le produit le plus consommé.
Après le maïs, nous avons respectivement le manioc, le riz et le
niébé. La consommation évolue avec la population.
L'augmentation de la consommation a été de 91,60 %, 8,36 %, et
12,82 % respectivement pour les périodes 1979-1992, 1992-2002 et
2002-2007. La forte croissance de la population entre 1979 et 1992 s'est
accompagnée du plus fort taux de consommation des produits alimentaires.
Le ralentissement du rythme de croissance n'affecte pas la quantité de
produits consommés par chaque individu ; d'où la
nécessité d'assurer la disponibilité des produits puisque
les besoins augmentent toujours.
41
|