I.2. Problématique
L'éducation est l'un des facteurs clefs du
développement. C'est un puissant vecteur de changement aussi bien au
niveau de la société qu'au niveau des individus. En tant que
droit des citoyens, l'éducation est un moyen incontournable pour
atteindre les objectifs du millénaire pour le développement,
d'où son importance pour tous les pays.
Le capital humain qui constitue le moteur de la
modernisation met en évidence l'importance de l'éducation pour
tous en vue de développer les qualifications requises. Aussi, hommes et
femmes ont-ils tous à gagner d'une scolarisation non discriminatoire qui
permet de maximiser leur participation au développement local.
Aujourd'hui dans la plupart des pays du monde, des
progrès ont été réalisés pour permettre aux
filles et aux garçons d'avoir un accès équitable à
la scolarisation.
Cependant, force est de constater que malgré
les nombreuses conventions et conférences initiées pour
intégrer les femmes au processus de développement dans certaines
régions du monde, (Afrique subsaharienne et Asie) ; bon nombre
d'entre elles sont en dehors du circuit de développement.
Or, la lutte contre le sous-développement
nécessite l'implication de tous les acteurs sociaux. Pour cela hommes et
femmes doivent participer de manière équitable à l'effort
de développement et à la distribution équitable des
bénéfices. L'exclusion de tout groupe parce que, n'ayant pas les
compétences requises ; représenterait une perte
énorme du potentiel humain.
Mais dans le vécu quotidien, les femmes
continuent d'être vouées à la pauvreté, à
l'exclusion, au chômage, à la marginalisation et à
l'analphabétisme. C'est dans ce contexte qu'en 1979, la première
femme déléguée auprès de la banque mondiale, la
jamaïcaine GLORIA SCOTT, parlait de l'invisibilité des femmes dans
la coopération et plaidait sur la base d'une étude pour la
reconnaissance du rôle des femmes dans le processus de
développement.
Quelques années plus tard la communauté
internationale et les ONG ont compris le message et continuent de financer et
de mettre en oeuvre des stratégies et des initiatives nécessaires
pour concrétiser la vision de la déclaration du
millénaire ; Malgré tous les efforts consentis, la situation
demeure préoccupante dans la plupart des sociétés tant du
secteur éducatif que des autres domaines de la vie sociale.
Ainsi, il n'existe à ce jour aucune
société où les femmes bénéficient des
mêmes chances que les hommes. Elles sont pour la plupart
sous-scolarisées, avec des horaires de travail plus long et moins
payé et leur chance et leur choix dans la vie sont plus limités
que ceux qui s'offrent aux hommes. La marginalisation des femmes dans la mise
en place du développement constitue un frein pour l'évolution des
pays sous-développés. Cependant Il a été reconnu
que quand les générations présentes sont privées
d'éducation ou sont sous- scolarisées, cela inhibe les chances
des générations futures d'être éduquées. Ce
qui favorise l'émergence de l'analphabétisme et en même
temps constitue un blocage pour la mise en pratique de l'EPT (Eduction Pour
Tous).
Défavorisées par une
société qui se soucie peu de leur droit, les femmes continuent
d'être ; drastiquement privées de leur droit
élémentaire à l'éducation. Elles n'ont pas
accès pour la plupart du temps aux emplois les mieux
rétribués et de ce fait gagnent moins que les hommes. Selon
une étude effectuée en 2002 par une revue américaine le
taux de participation des femmes aux postes de direction est
évalué à 33% dans les pays développés, de
15% en Afrique et de 13% en Asie et dans le pacifique (M-M. Donald, 2000:12).
En Afrique et en Asie le pourcentage si bas soit-il représente le double
de celui des vingt années précédentes. Le taux de
participation aux postes élevés de prise de décision dans
le domaine économique reste médiocre même en Occident. Et
cela s'explique par le fait que les femmes n'ayant pas accès à
l'éducation, n'ont pas accès à des crédits
bancaires (soit 5% des prêts bancaires dans le monde) et disposent de peu
de compétences académiques dans le domaine de la haute
finance ; donc investissent peu dans les grands projets économiques
et gèrent souvent mal les prêts qu'elles arrivent à obtenir
des microfinances.
N'ayant dans la majorité des cas, aucune
formation en matière de gestion des PMI/PME, elles ignorent les
règles élémentaires de comptabilité, Choisissent
mal leur secteur d'investissement et se retrouvent pour la plupart du temps en
faillite.
Cette marginalisation que subissent la plupart des
femmes est de plus perpétuée par l'analphabétisme et les
inégalités scolaires. Selon le rapport mondial de suivi sur
l'éducation pour tous (EPT) 2003/2004, 57% des 104 millions d'enfants
non scolarisés sont des filles et les 2/3 des 860 millions d'adultes
analphabètes sont des femmes. Ce phénomène est plus
récurrent dans les pays au sud du Sahara à l'instar du Togo
où cultures et traditions ne font qu'un avec pauvreté et
analphabétisme.
Dans les pays au sud du Sahara à l'instar du Togo
la plupart des femmes vivent en dessous du seuil de pauvreté et sont en
majorité peu scolarisées. Selon une étude effectuée
en 2001 par l'UNICEF, 63% des femmes Togolaises sont analphabètes ;
or elles représentent près de 80% de la population active
(rapport annuel du PNUD, 2005). La sous-scolarisation et
l'inégalité d'accès dans l'éducation du genre
féminin est une atteinte majeure aux droits des femmes et des filles et
un obstacle important au développement social et économique.
Au Togo, plusieurs études ont
démontré que l'éducation et la formation des filles et des
femmes ont des effets bénéfiques sur la fécondité
et la croissance économique ; car les femmes instruites recourent
plus souvent à la contraception et se marient généralement
plus tard. Selon l'EDST II de 1998, les femmes ayant un niveau secondaire ou
plus ont une prévalence contraceptive plus élevée que les
femmes qui ont une instruction primaire. Soit 34% toutes méthodes
confondues et 15% pour les méthodes modernes contre respectivement 9% et
4%.
Sur le plan économique il est reconnu que
l'instruction et la formation des femmes est un investissement très
rentable. Au plan socio- économique l'intérêt que la femme
et la société en général tirent est immense. Une
étude effectuée par population référence bureau
(PRB) cité par « équilibre et
population » N°77 de Mai 2002 a montré qu'une
augmentation de 1% du nombre de jeunes filles suivant l'école secondaire
produit une augmentation de 3% de la croissance économique.
Investir dans l'éducation des filles
aujourd'hui est l'un des meilleurs moyens de garantir que les
générations futures seront éduquées ;
véritable base d'une éducation humaine durable (EHD).
Malgré les innombrables avantages que procure
la scolarisation de la jeune fille, la région des Savanes zone de notre
étude continue d'être la détentrice des faibles taux de
scolarisation et de rétention des jeunes filles soit : un taux brut
de scolarisation de 66% au primaire, 22% au collège et 4% au
lycée contre respectivement 92% au primaire, 48% au collège
et 15% au lycée pour les garçons (DPPE, 2008 : 3). Et
par conséquent la région la plus pauvre du Togo avec plus de
68,7% de pauvres et 47,7% de personnes vivants dans l'extrême
pauvreté (Banque Mondiale, 1996, Togo : sortir de la
crise, sortir de la pauvreté, 29). Ainsi les localités
où on observe de faible taux de scolarisation tendent à
être les plus pauvres. (J-B Gimeno, 1983 : 27)
Selon les études effectué en 2007 par
la Direction de la prospective, de la planification de l'éducation et de
l'évaluation (DPPE), la ville de Dapaong à l'image de la
région des Savanes, regorge une grande proportion, de filles
sous-scolarisées qui constituent une perte du capital humain pour la
localité. Ces filles pour la plupart du temps sont victimes des
pesanteurs socio culturelles et de la pauvreté qui les empêchent
d'aller à l'école ou d'abandonner prématurément les
études pour rentrer dans la vie active sans aucune qualification ni
formation. Ainsi éprouvent-elles d'énormes difficultés
à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires ?
Cette situation aggrave leur condition d'existence et celle de leur
ménage.
Dans le vécu quotidien la majorité
des femmes de la ville de Dapaong restent sans qualification, sans emploi
rémunéré convenablement et n'à pas suffisamment
accès aux crédits bancaires, aux soins de santé et
à l'éducation en matière de santé de reproduction
soit un ISF de 6,5. (PNUD, Togo, 2000: bilan commun des pays base de
données). Et continue de subir de la part du reste de la
société des discriminations dues à leur situation
d'analphabètes et à leur manque d'autonomie financière.
Dans le souci de briser la chaîne de la
pauvreté, ces femmes majoritairement sous- scolarisées se
tournent vers l'apprentissage des petits métiers et l'installation du
petit commerce. A ce niveau aussi la tâche n'est pas facile pour elle,
car l'installation des petits commerces exige un minimum de connaissance
académique pour la mise en place d'une gestion rationnelle. Cependant le
fait que la majorité des femmes de la localité ne dispose pas de
notion sur les règles élémentaires de calcul et de
comptabilité, elles n'arrivent pas pour la plupart du temps à
rendre plus productive la préparation de la boisson locale qui constitue
la principale AGR (activité génératrice de revenus) des
femmes de la localité.
En général, la situation des femmes
dans la ville de Dapaong demeure préoccupante. Par conséquence
les femmes ont du mal à se regrouper en association, et sont presque
absentes aux instances de prise de décision. Elles participent moins
activement aux projets initiés à leurs intentions et acceptent
symboliquement leur situation sociale. L'analyse est telle que parmi les
24 quartiers que compte la ville moins de 1/4 des postes de
responsabilité dans les CDQ (comité de développement du
quartier) sont attribués aux femmes. Sur le plan administratif on
remarque que la majorité de l'autorité politique et
administrative sont des hommes. En plus de cela, la quasi totalité des
organisations de développement de la place ont des hommes comme
coordinateur (responsable). Le faible statut dont jouit la femme dans la
société Moba-Gourma en est aussi pour quelque chose puisqu'elle
est transmise de génération en génération par le
biais de la socialisation. Comme l'exige la culture locale c'est la femme qui
assure la plus grande partie de l'éducation sociale de l'enfant,
à ce titre, elle transmet à son enfant l'éducation qu'elle
même a reçue à savoir celle qui véhicule des
clichés sexistes et qui est moins tolérable à la
scolarisation.
Cette situation qui n'est pas de nature à
favoriser la participation communautaire des femmes perpétue le cycle de
l'analphabétisme et retarde le développement socio
économique de la région des savanes. Dans ce contexte le
problème n'est pas simplement d'étudier ce qui empêche aux
filles d'aller à l'école, mais plutôt d'analyser ou
d'élucider l'impact de la sous-scolarisation sur la participation des
femmes au développement à la base.
Ainsi, une question fondamentale reste
posée : la sous-scolarisation ne serait-t-elle pas un frein
à la participation de la femme au développement communautaire
dans la ville de Dapaong ?
Pour mieux expliciter cette question primordiale, les
questions subsidiaires suivantes seront analysées :
-Quelles sont les causes de la sous-scolarisation des femmes
dans la ville de Dapaong ?
-Y a t-il un lien entre la sous-scolarisation et la
participation communautaire des femmes ?
- Quelles sont les stratégies à mettre en oeuvre
pour accroître la contribution des femmes au développement
à la base ?
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