I. 5. Carence éducative et émergence des
discriminations sociales
La scolarisation permet d'acquérir une
connaissance plus large et plus riche que les connaissances traditionnelles.
Elle favorise la réalisation des AGR et accroît l'autonomie
financière des femmes. Cependant, seules 10 femmes sur les 52
analphabètes participent toutefois au besoin du ménage. La raison
ne réside pas dans un manque de volonté ni dans un choix
quelconque mais dans une restriction des possibilités financières
dûe à une dépendance de celles-ci sur le plan
économique. Les femmes analphabètes font de temps en temps
recours à leurs maris pour résoudre les problèmes
financiers du foyer. En retour ceux-ci profitent de cette dépendance
pour accroître leur marge de manoeuvre en réduisant le pouvoir
d'action des femmes dans la définition et la mise en oeuvre des actions
et programmes du ménage. Cette dépendance de la femme sur le plan
financier renforce les préjugés sociaux qui considèrent
les femmes comme des personnes passives ne pouvant jouer qu'un rôle
subalterne. L'ampleur de la situation est tel que 33% de nos
enquêtées ne sont jamais associées à la prise de
décision.
Les stéréotypes sociaux qui font de la
femme analphabète, un être inférieur à qui il faut
toujours venir en aide et qui se détermine toujours par rapport à
l'homme constitue un obstacle de taille à l'émancipation de
celle-ci.
Lorsque dans un groupe d'instruit, une femme non
instruite participe à des activités de développement ou
à toute autre activité ; elle montre des signes
d'insécurité, de manque de confiance en soi ou d'ambition.
Autrement dit elle se sent inférieure aux
autres. Ce complexe d'infériorité qu'elle développe n'est
pas inhérent à sa nature de femme, il est la conséquence
d'un manque d'instruction déclarée ou subtile, d'une
discrimination passive. Puisque, quand on les observe toutes dans leur domaine
de prédilection, c'est-à-dire les travaux domestiques, les
différences s'estompent et on constate qu'elles ont toutes le sens de
l'organisation, qu'elles font preuve d'initiative et
d'ingéniosité et qu'elles sont extrêmement habiles. Ce qui
signifie qu'elles sont toutes dotées des mêmes
prédispositions sociales. Dans ce contexte l'instruction est la
caractéristique fondamentale qui différencie une femme
émancipée des autres et qui la fait prendre de l'avance sur
l'avenir.
En raison des déficits scolaires les femmes
sous-scolarisées vivent souvent coupées des autres, sans
information et sans emploi, dans l'isolement et dans la pauvreté. Le
constat est que suite au système de dérégulation sociale
imposée par l'analphabétisme de la majorité des femmes,
les réseaux d'institutions qui, jusqu'à récemment,
planifiaient le développement sur le long terme tout en assurant vaille
que vaille la réalisation de celui-ci se sont effondrés faute
d'une participation efficiente des femmes à la réalisation des
objectifs communs. Cependant les réseaux de solidarité sociale
que les femmes bénéficiaient de la part des autres membres de la
société ne permettent plus à eux seuls, de maintenir le
filet de protection nécessaire à l'émancipation de tous.
Ainsi, l'érosion incessante des conditions de vie, continue d'entretenir
les éléments constitutifs du cercle vicieux. Aucune action de
développement ne peut réussir tant que les besoins du groupe
social ne sont pas satisfaits. Il s'agit de l'éducation et de
l'alphabétisation. La majorité des femmes interrogées
regrettent de n'avoir pas eu la chance d'aller à l'école ou de
l'avoir quitté à mi-chemin. L'exemple de celles qui ont fait de
grandes études constitue un model de réussite et un idéal
de femmes émancipées dont rêvent toutes les femmes (cf
cliché 4)
En effet 52% des femmes interrogées
désignent l'instruction comme la condition primordiale pour qu'une femme
soit émancipée. Pour elles l'éducation constitue la forme
essentielle d'épanouissement des ressources humaines et un stimulant par
excellence pour la dépendance socio-économique soit 23% de nos
enquêtées.
L'instruction développe alors l'intelligence de
l'individu, c'est elle qui forme sa personnalité et le prépare
à occuper des postes de décisions (cf tableau 13). La
majorité des femmes qui affirme ne pas être en mesure d'assurer
des responsabilités dans les organisations mixtes sont des
sous-scolarisées soit 43% des enquêtées.
Le niveau d'étude et la capacité
à assumer des responsabilités sont évidemment liés
c'est le niveau d'étude qui détermine largement l'accès
aux instances de prise de décision (confère tableau 32). Aux
études longues correspondes des femmes émancipées capables
de prendre des décisions et de planifier leur avenir. Il est plus facile
à une femme instruite de diriger un groupe par ce qu'elle est
prédisposée à le faire ; c'est pourquoi 74% des
femmes interrogées pensent que la carence d'instruction est un obstacle
à l'épanouissement de la femme.
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