2.4 LE BESOIN CHIFFRÉ EN ESPACES VERTS URBAINS
D'après Boutefeu (2007a : 1), «les
Français manifestent clairement leur quête de verdure d'autant
plus qu'ils vivent dans une grande ville». Nous rattachons ce fait au
besoin sociologique de sortir du stress engendré par la densité
et le dynamisme présent dans la ville construite, que nous
évoquions justement comme fonction des espaces verts urbains, issue de
leur fréquentation. D'une manière plus précise, il est
concevable que le besoin en espaces verts dépend de la densité
des villes, ou plus précisément des quartiers, voire des
parcelles résidentielles elles-mêmes.
Se basant sur une étude téléphonique
effectuée auprès de 305 habitants à Lyon en 2002 pour le
compte de la CERTU, Boutefeu (2005 : 1-3) avance que :
-Le temps de déplacement qu'un Lyonnais est prêt
à consacrer pour se rendre dans un square est de dix minutes ;
-L'équilibre piéton-voiture s'effectue aux
alentours de 2000 mètres ;
-Plus de 60% des sondés déclarent aller
régulièrement à la campagne, dont 18% tous les week-ends
et en toutes saisons ;
-Le square est sans conteste le type d'espace vert urbain le plus
apprécié et le plus fréquenté.
La ville de Lyon dispose de ces derniers, pourtant sa
population convoite le franchissement de la limite ville-campagne. Force est de
constater que l'aménagement d'espaces verts intraurbains peut
difficilement contrer ces pratiques spatiales. Dès lors, les formes de
villes polycentriques, ou multi-radiales sont plus à même de
répondre au besoin en espaces verts, puisque l'éloignement moyen
qu'elles supposent par rapport à la périphérie est moindre
que dans une cité radioconcentrique. Toutefois, la présence des
squares est louée. La ville idéale doit donc composer avec une
accessibilité facile à la campagne mais également disposer
d'espaces verts intraurbains plus travaillés que la
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simple forêt ou le bois. C'est à ce prix que les
attraits résidentiels et de loisirs de la périphérie
peuvent être minimisés.
Boutefeu s'avance sur un autre axe hypothétique : les
jardinets. Selon lui, «on peut se demander si la petite taille des
logements n'a pas une responsabilité directe dans cette demande
d'espace, cette quête d'ouverture, de respiration, de vues lointaines et
dégagées» (2011 : 7). Ces différents besoins
sont réunis par la plupart des types d'espaces verts urbains, mais
également par le jardin individuel. Selon le chercheur
précité, «la présence d'un jardin demeure le
premier équipement public spontanément cité par les
personnes interrogées pour améliorer la qualité de vie en
ville» (Boutefeu, 2005 : 2). Les centres-villes denses n'offrent que
peu ce type de logement. Ainsi, le constat de Bochet (2005 : 59) est le suivant
: «Au nom de valeurs portées par l'écologie : besoin
d'enracinement, la relation à la nature, le souci du champ de vie, le
rejet de la ville encombrée et polluée, beaucoup de citadins ont
choisi de migrer à l'extérieur des villes».
La présence cumulée de jardinets, de squares
ainsi que de limites villes-campagne aisément accessibles
répondent difficilement de la ville durable. D'autres solutions
novatrices sont avancées pour amener la campagne dans l'urbain, à
l'instar de l'agriculture urbaine.
Cette dernière est convoitée pour sa
capacité à minimiser l'empreinte écologique des individus,
dont une bonne partie est due à l'importation de produits alimentaires.
La disponibilité de fruits et légumes locaux peut pour certaines
métropoles européennes avoir des effets importants sur la
réduction du CO2 par rapport aux traditionnelles vergers de l'Europe que
sont l'Afrique du Nord, l'Espagne et l'Italie. Les villes de moyenne latitude
sont les plus concernées, car climatiquement propices à produire
de l'alimentation, ce qui est plus compliqué à Stockholm ni
à Athènes par exemple. Il est indéniable que cette
ressource est inexploitée et que les systèmes novateurs de
contrats entre usagers et producteurs peuvent permettre la mise en place de
marchés de proximités efficaces, économiquement rentables,
écologiquement idéaux et socialement intéressants, en bref
durables. Toutefois ces pratiques ont des limites en termes de taille puisque
les millions d'habitants des métropoles d'Europe doivent ponctionner des
territoires plus éloignés pour satisfaire leur demande totale en
produits frais. La présence de champs dans l'urbanisation permet
d'aérer la ville du point de vue paysager, mieux que ne puisse le faire
un espace vert dense en végétation. Ainsi l'agriurbanisme peut
recouvrir d'autres fonctions que la simple production de vivres. Ce mode
d'utilisation du sol est également un traitement de limite
ville-campagne qui permet d'éviter la rupture parfois non souhaitable du
bâti à la forêt.
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