2.2 FONCTIONS PROPRES
Alors que maintes fonctions ont été
évoquées, celles-ci reposaient sur la fréquentation des
individus, elles étaient donc issues du rapport Homme-Nature. Les
espaces verts urbains ont la capacité de recouvrir d'autres fonctions,
portées uniquement par leur partie végétale.
Au XVIIème siècle, dans la création de
jardins à la française, l'alignement d'arbres taillés
d'une manière spécifique avait comme fonction de
«délimiter les chambres et cabinets de verdure»
(Stefulesco, 1993 : 46). La structuration de l'espace était née.
Une allée d'honneur de peupliers a, par exemple, une influence
considérable sur le champ visuel. La hauteur d'une telle forme d'espace
vert implique un effet loin à la ronde, dès lors il est
convainquant de soulever qu'alors que les alignements dans le vide
séparent l'espace, ceux de forte taille peuvent diviser le bâti.
En effet, «les lisières végétales fixent
les limites d'espaces» (Stefulesco, 1993 : 73), voici le premier des
effets structurant du végétal sur le bâti :
délimiter les lieux. Le bâti peut être scindé par
quartiers grâce à
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une trame végétale faite d'alignements massifs
et élevés, dans le but de voiler le vis-à-vis. Nombre de
projets urbains actuels comportent fréquemment des tentatives de
liaisons végétales dans la ville, soit des trames vertes. Les
cheminements divisent l'espace ; leur végétalisation renforce cet
effet. Les maillages verts ont à terme la capacité de dessiner
les contours de quartiers entiers. Jean-Gilles Décosterd (2009b : 1)
avance aussi ces fonctions structurantes des espaces verts urbains, mais
à l'aide d'un vocable différent : «La nature urbaine est
docile pour souligner la ville, pour réciter poliment la grammaire
urbaine attendue ; elle est là pour amplifier les espaces majeurs de la
cité». Nous retenons de cette fonction que le maillage vert
est important, ce dernier est visible sur les cartographies attendues.
Les espaces verts sont également utilisés pour
relier des volumes espacés et éviter ainsi une rupture de
l'harmonique du bâti existant, meilleure lorsque les densités et
les hauteurs évoluent progressivement. Ils ont également une
fonction de transition entre différentes utilisation du sol. La limite
ville-campagne exprime complètement cette possibilité. Certaines
politiques durables privilégient un rapport abrupt aux portes de
l'urbanisation, définissant ainsi des limites marquées et
contenant au mieux l'urbanisation dans un périmètre le plus
restreint possible. D'autres politiques tout aussi préoccupés par
la préservation de l'environnement, prônent des transitions en
douceur entre le minéral et le végétal.
Décroissances des densités et des hauteurs, serres
maraîchères, parcs urbains et tours agricoles sont les solutions
avancées pour éviter une rupture indésirable. Dans tous
les cas, le végétal concourt à l'adoucissement des courbes
de densité et de hauteurs, pour autant qu'il soit dévolu à
cet objet. Caroline Stefulesco nous relatait il y a bientôt deux
décennies que «les végétaux mêmes
défoliés, constituent des volumes comparables aux structures
architecturales» (Stefulesco, 1993 : 70). La localisation des espaces
verts urbains aux marges urbaines est une information facile à obtenir,
par observation sur les cartographies des métropoles.
Autre fonction propre des espaces verts, la
biodiversité s'inscrit de plus en plus comme élément
définissant la conception des nouveaux espaces verts en ville. Selon
Kempeneers (2003 : 1) « préserver et développer la
biodiversité de la faune et de la flore, tel est le défi du
maillage vert ». Ce n'est pas la double rangée d'arbres
précédemment évoquée qui attire beaucoup
d'espèces animales. Certes, les jardinets sont
régulièrement appropriés par nombre de petits animaux et
d'insectes, mais leur cloisonnement ne permet pas non plus des les inclure dans
des maillages écologiques. Seuls les espaces verts et bleus soutiennent
ces réseaux, ainsi que les coulées vertes dont les largeurs ne
permettent pas toujours de les identifier comme espace vert urbain si l'on se
limite à la correspondance de ce terme pour les parcs et les squares. Se
rapprocher plutôt de l'état de forêt que
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de celui de jardin fleuri est certes légitime aux yeux
de l'ingénieur forestier dont les principes durables actuels tendent par
exemple à laisser des amoncellements de bois morts traîner au sol
pour favoriser la biodiversité, mais la multiplication des essences
végétales est également un excellent programme pour
attirer une faune diversifiée. Ainsi les villes, habitées par une
population avec un besoin de nature, incite nombre de citadins à planter
des végétaux dans les jardinets, sur leurs toits, balcons et
rebords de fenêtre. Faisant fi du label local, ils privilégient
souvent l'originalité, achetant des espèces
non-endémiques, voir tropicales sous des latitudes bien
différentes. La faune se délecte de ces nouvelles essences, au
point de trouver dans des territoires urbains un habitat propice. La
biodiversité en ville est aujourd'hui mesurée et impressionne.
Notre travail peut appréhender ce phénomène d'une
manière multiple. Premièrement, la surface totale en espace vert
est une information utile. Deuxièmement, la séparation entre
espaces verts non-agricoles et agriculture intraurbaine est un apport
intéressant. Finalement, des maillages ou du moins des coulées
vertes peuvent apparaître lors de l'analyse des cartes.
Nous relevions quelques lignes en amont, la fonction d'ombrage
portée par la verdure élevée. Elle se révèle
avoir des impacts non seulement psychologiques sur les utilisateurs et
participe ainsi à des fonctions issues du rapport Homme-Nature, mais a
également des utilités propres. En effet, les espaces verts
urbains sont des régulateurs thermiques de premier ordre, parcs et
squares sont des armes de plus en plus utilisées contre la chaleur.
Cette dernière présente des pics estivaux bien plus
élevés dans les grandes villes que dans la campagne avoisinante,
l'on constate ainsi des îlots de chaleur massifs. En effet, il suffit de
comparer les températures officielles et mesurées à
l'ombre qui émanent des instituts météorologiques et
celles affichées ou ressenties sous un soleil d'été.
L'ombre devient rapidement une chose recherchée sous les basses
latitudes. Il en découle des aménagements spécifiques dans
les métropoles du Sud de l'Europe, motivées par la
finalité de rendre la rue fréquentable en tout temps.
D'après Boutefeu (2011 : 4), «des travaux montrent
également que les écarts de température entre un parc
urbain et ses environs vont de 1°C à 5°C»,
de 5 à 8°C selon Lefèbvre (2008 : 84). D'après
le même auteur, des réalisations impressionnantes eurent lieu
à Séville pour l'exposition universelle de 1982 démontrant
que la température est fortement abaissable lorsqu'espaces verts, eau et
technologie s'allient pour y parer. En Allemagne, Herbert Dreisetl
réussit actuellement à créer des espaces publics tout en
eau et en végétal de manière à ventiler des
quartiers entiers (Lefèbvre, 2008 : 77), par exemple dans le
désormais célèbre Vauban à Fribourg-en-Brisgau. A
Chicago, une directive impose d'équiper 50% des nouveaux toits de
manière végétale, deux tiers à Stuttgart, ces
méthodes provoquent un refroidissement par ventilation dans les rues
urbaines et rallongent de moitié la durée de vie de
l'étanchéité d'un toit. Finalement, les fonctions
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dépolluantes des espaces verts urbains sont
évidentes. Différentes échelles de travail peuvent
être utilisées pour rendre compte de ces phénomènes.
Sans apport des conditions de température et des vents locaux, qui
serait trop fastidieux à obtenir, c'est
l'homogénéité de la répartition des espaces verts
urbains qui semble importante pour maximiser leurs fonctions climatiques. Cet
indicateur déjà souhaité doit donc être
développé.
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