- DEUXIÈME PARTIE -
CONSIDÉRER LA PLACE DES ESPACES
VERTS URBAINS DANS LES MÉTROPOLES
EUROPÉENNES : METHODOLOGIE
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1 DÉFINITION DU CADRE ANALYTIQUE
«Comme tout problème de localisation, celui des
services est d'abord largement dépendant de l'échelle d'analyse :
internationale, nationale, régionale ou locale. Il est ensuite fortement
corrélé à la distribution des villes et à leur
configuration spatiale interne, car les liens entre villes et services ont
toujours été étroits. L'étude de la localisation
des services doit, dès lors, être menée à deux
grands niveaux, dont l'interurbain, c'est-à-dire au sein même des
agglomérations urbaines». Ainsi est la vision de
Mérenne-Schoumaker (1999 : 37) quant à la manière de
traiter la problématique qui nous intéresse : un service urbain
qui a tendance à s'exporter à la périphérie de la
ville.
Dans ce cadre, toutes les questions soulevées à
la fin de la partie précédente, peuvent trouver un début
de réponse dans la phrase suivante :
« Quels sont les liens entre la forme des espaces verts
urbains et les types de métropoles sur lesquelles ils reposent ?
»
En découle, plusieurs questions de recherche qui
trouvent leur place dans un processus aboutissant à l'analyse
cartographique des espaces verts urbains des métropoles
européennes.
1. Quelle est la répartition spatiale des espaces
verts urbains de grande taille dans les métropoles européennes ?
En termes de localisation (approche systémique) et en termes
d'accessibilité ?
2. Sur la base de l'offre et de la demande, et dans un champ
durabiliste, quelles lacunes en surfaces d'espaces verts urbains de grande
taille peut-on identifier dans les métropoles européennes ?
3. Quelles délimitations spatiales permettent les
analyses les plus efficaces lorsque l'on s'intéresse aux
métropoles européennes ?
4. Quelle est l'importance des politiques nationales dans la
création d'espaces verts urbains, par rapport aux directives de la
politique communautaire ? Un universalisme des formes des métropoles
urbaines est-il en marche ?
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L'objectif principal de ce mémoire est d'apporter une
contribution utile à la réflexion sur la place des espaces verts
urbains dans les métropoles européennes.
Des approches quantitatives sont favorisées pour avoir
des bases de réflexions solides, tel que le ferait un diagnostic
territorial dans le champ d'un projet urbain. Aujourd'hui beaucoup de
tentatives de chiffrer l'emprise au sol du végétal en ville ont
été faites, les statistiques dans le domaine sont de mauvaise
qualité, elles souffrent de multiples problèmes, dont le plus
récurrent est l'absence de méthodes unifiées entre pays
européens en charge de la collecte de données, mais
également entre villes d'un même pays, à qui ce devoir est
fréquemment transmis par les instances européennes. Ainsi, un
objectif trouve sa place dans la présente étude, il s'agit
d'établir un système d'indicateurs pour les espaces verts
urbains des métropoles. Ces derniers peuvent par ailleurs
pleinement être incorporés dans une typologie des
métropoles européennes.
De par le recensement des espaces verts urbains qui est
nécessaire aux calculs de localisation, nous sommes parfaitement
à même de décrire l'offre en espaces verts urbains des
métropoles européennes qui seront
sélectionnés. Une analyse comparée doit en
être faite, assortie des indicateurs classiques pour la géographie
spatiale à ces échelles. Pragmatiquement, la comparaison entre
offre et demande de végétal en ville ciblé sur des
métropoles européennes aux formes diverses, nous permet
d'étayer des constatations sur des éventuelles lacunes en
surfaces vertes dans les métropoles.
Plus en amont dans le processus méthodologique
aboutissant aux cartographies des espaces verts urbains, un travail de
définition des contours des métropoles est inéluctable.
L'objectif est ici d'arriver à trouver une unité territoriale
pertinente dans pour l'analyse macroscopique des espaces verts urbains des
métropoles.
Comme le reprenait Lajoie (2007 :130) des mots de
Brunet13 «la pratique sociale façonne l'espace» et
l'on peut «partir de l'espace pour se poser de bonnes questions, et
même des questions sociales». Ainsi notre approche par les espaces
verts de formes de métropoles d'Europe peut de par son
originalité alimenter le débat entre ville dense et ville
étalée, plus précisément celui sur la qualification
de la densité.
13 Voir Brunet Roger (1986), La géographie dite
sociale : fonctions et valeurs de la distinction, L'espace
géographique, no. 2, pp.127-130.
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Les conditions de création d'espaces verts urbains font
partie du processus d'urbanisation des villes, à l'instar d'autres
espaces ou équipements. Les rythmes d'urbanisations ont de tout temps
jugulé l'existence de nouveaux terrains verts en ville, en fonction des
besoins alimentaires pour la subsistance de ses habitants,
récréatifs pour d'autres ou, plus récemment,
environnementaux pour ponctionner la pollution urbaine ou encore favoriser la
biodiversité. La mise en réseau des connaissances pose la
question du niveau de globalisation des systèmes d'espaces verts
urbains, et la concurrence grandissante entre cités d'Europe
soulève celle de l'existence d'une différenciation volontaire des
manières d'aménager la nature en ville. Ces effets sont
mesurables par des analyses dynamiques et à des échelles allant
de l'aire métropolitaine à celle du quartier, notre
méthodologie peut quant à elle présenter un
état récent de la diversité des systèmes d'espaces
verts urbains, et les mettre en relations avec des indicateurs
géographiques classiques.
Les espaces verts urbains sont un cas particulier de service
se situant en partie dans l'espace périphérique des villes.
Dès lors que la limite de l'urbanisation est franchie, nous
pénétrons dans l'espace extra-urbain. Celui peut se prolonger
ad eternam et il est raisonnable de penser que ses parties les plus
proches de la ville-centre sont celles qui sont en moyenne les plus
fréquentées. Ceci suppose également que
différencier les portions de l'espace extra-urbain n'apporte que peu
à l'analyse de l'offre en espaces verts d'une métropole,
puisqu'au-delà du champ bâti émerge un « tout »,
qui a la propriété d'être contigu. Ce n'est plus le cas des
poches d'espaces verts englobées dans l'urbanisation. Identifier la
limite du bâti à partir des centres des métropoles est
capital pour l'analyse des formes de ville sur la base des espaces verts.
Différents limites existent et différentes techniques de
délimitation aussi. Pour ce mémoire, nous apprécions la
définition de l'agglomération selon une continuité du
bâti. Les concepts mixtes existants, sur la base de la pendularité
ou de la dépendance économique par exemple sont trop complexes
à mettre en oeuvre pour une analyse internationale. Le découpage
NUTS n'est pas idéal puisqu'il souffre de sa dépendance par
rapport aux unités administratives, l'aire urbaine de l'INSEE est trop
vaste, de même que
l'étendue de la LUZ ou de celle du Kernel. Figure 3.
Kernel et continuité du bâti, cas du
quartier de Biggin Hill, au Sud de Londres. Échelle 1 :
140'000. Fond de carte : Google Earth.
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En effet, la vue satellitale ci-contre, à
l'échelle 1 : 100'000 au sud de Londres, présente le
découpage Kernel, l'urbanisation est grisée, les espaces verts
sont recolorés. Nous pouvons constater que le niveau Kernel ne
correspond pas à une délimitation d'après la
continuité du bâti. Il comprend sur presque la totalité de
sa bordure interne, entre 1.5 et 8 kilomètres d'espaces verts. Nous
apercevons que ces espaces, que nous définissons comme des espaces verts
externes, sont de type agricole pour la plupart, avec des petites aires
forestières. La figure comprend une poche de bâti situé
dans les espaces verts externes à la ville compacte (soit au-delà
de la continuité urbaine), ce quartier satellite ne fait donc pas partie
de notre délimitation. Rappelons que les problématiques
d'accessibilité des espaces verts ne concernant que peu les quartiers
satellites pris dans des espaces verts urbains externes et que nos analyses ne
souffrent que peu de leur non-prise en compte.
Quant au niveau core city, il se limite aux
délimitations administratives des villes-centres et n'inclut pas
d'autres villes adjacentes, quand bien même l'urbanisation est continue
entre les deux communes.
La délimitation des agglomérations selon
Moriconi-Ebrard effectué en 1994 est une source de grande
qualité, elle a été effectuée avec un principe de
continuité du bâti à 200m, ce qui est globalement
accepté comme étant relativement fonctionnel. Néanmoins,
dix-sept ans se sont écoulés depuis la définition de ces
aires. Notre problématique étant les espaces verts urbains, les
pressions qu'ils ont pu ressentir durant cette période sont trop fortes,
au vu des vitesses d'urbanisation actuelles, pour se baser sur ce
découpage. De plus, deux constats relevés plus en amont de ce
rapport nous indiquent que la limite de 200m est moins pertinente que d'autres.
En effet, et premièrement les besoins de nature éloignée
pour les loisirs supposent que la distance choisie pour délimiter les
zones urbaines soit plus grande, de sorte que la sortie volontaire et
nécessaire de la ville soit mieux représentée, ainsi un
principe de continuité à 400m est jugé opportun. A
l'inverse, et deuxièmement, le fort penchant des Parisiens pour le
square nous indique que la micro-échelle est plus apte à rendre
compte des problématiques liées aux espaces verts urbains.
Néanmoins à cette échelle, il est très difficile de
considérer autant ceux de petites tailles que les grands espaces
extra-urbains.
Ainsi, puisqu'aucun découpage recensé pour
l'Europe n'est idéal dans l'appréciation des espaces verts d'une
métropole, nous définissons nos propres délimitations
territoriales, qui doivent porter un nom. La définition du champ
urbain de Denise Pumain, nous convient particulièrement bien. Il
s'agit «d'une évaluation de la forme prise par l'influence de
la ville sur sa région environnante, une structuration de l'espace
géographique par les villes» (Pumain et al., 2006 : 48) soit
«une structure spatiale faite d'un ensemble de valeurs
décroissantes allant du centre de la ville vers la
périphérie»
(Pumain et al., 2006 : 48). Différentes
considérations sont évoquées comme étant possible
par pour créer un champ urbain, dont bien sûr le principe de
délimitation du bâti.
Les données au 1 : 100'000 nous permettent d'identifier
à l'oeil nu et sans zoom, ce qui serait très fastidieux, des
limites du bâti à 400m près au maximum, ce qui est
fonctionnellement raisonnable sans être idéal. Bien que la
continuité à 200m soit une moyenne appréciable dans la
considération de tous les espaces verts urbains, nous relevions que plus
de la moitié des déplacements sont dus aux loisirs en direction
de la périphérie. Dès lors, il nous semble
également intéressant de travailler sur des délimitations
à 400m. Par ailleurs, ceci est inédit, et les formes urbaines qui
en découlent ont un potentiel analytique intéressant,
particulièrement dans un esprit comparatif. Pratiquement,
l'opérationnalisation de ce principe s'effectue en mesurant la distance
entre deux zones bâties lorsque le doute est présent, comme le
présente la série de captures d'écrans suivantes.
Sur la figure 9 en page suivante, avec une échelle de
1:10'000, au Nord de Rome, la distance reliant deux zones bâties à
vocation commerciale ou industrielle est supérieure à 400m, la
limite du champ urbain englobe par conséquent la partie au Sud
uniquement. Sur l'image de droite, prise aussi au Nord de Rome, deux quartiers
de maisons individuelles sont distants de 0,32 km, ainsi nous
considérons que tous deux font partie du champ urbain romain.
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Figure 4 Limite ville-campagne, séparation du bâti
> 400m, cas de Figure 5 Rattachement d'un quartier
Rome, Échelle 1:10'000. Fond de carte et outils : Google
Earth. périphérique au champ urbain, cas de
Rome, Échelle 1:10'000. Fond de carte et outils :
Google Earth.
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Dès lors, un nouvel objectif émerge. Notre
propre définition des limites de l'agglomération urbaine nous
permet de comparer l'emprise au sol des métropoles
européennes sur la base du principe de la continuité du
bâti. Les contrastes entre les superficies trouvées et celles
des unités territoriales présentés en amont ont un
intéressant potentiel.
Figure 6 Limite ville-campagne en zone agricole, cas de Rome,
Échelle 1:6'000.
Quelques problèmes
interviennent avec le principe de découpage à
400m près. En effet, les zones agricoles accolées aux marges
urbaines
comportent des
constructions. Dans
certaines régions,
particulièrement dans la périphérie de
Rome, la
taille moyenne des parcelles agricoles est
inférieure à 400m sur 400m, dès lors il est possible de
relier « ferme à ferme » le bâti et d'aboutir à
un vaste champ urbain non-fonctionnel, ce n'est pas notre objectif. Une
solution simple est adoptée pour palier à ce défaut
méthodologique. Premièrement, les problématiques urbaines
liées aux espaces verts urbains concernent peu les habitants de la zone
agricole, deuxièmement ces mêmes personnes participent peu des
problématiques urbaines globales, puisque leur trajet domicile-emploi
intervient bien moins dans la vie urbaine. Ainsi écarter leurs
territoires du champ urbain semble même renforcer la pertinence de nos
principes de découpage. Pratiquement, il est aisé de
différencier un tissu fait de parcelles agricoles à un tissu
résidentiel, comme le présente la figure suivante, au 1 : 6'000
prise au Sud de Rome. L'urbanisation dans la partie Sud de la photo
aérienne est prolongée par des parties agricoles au Nord, avec
des distances de moins de 400m entre les constructions, en raison de la faible
taille des parcelles agricoles. Dans cette situation, qui prévaut
presque uniquement pour la cité italienne, la limite du champ urbain est
définie à la bordure de la zone non agricole.
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Deux autres cas problématiques viennent s'ajouter. En
ce qui concerne Athènes, de telles structures agraires en parcelles
allongées existent également, à la différence que
la densité y est quatre ou cinq fois plus élevée
qu'à Rome, définissant ainsi des quartiers d'habitation, par
ailleurs peu périphériques. Dans ce cas, nous avons
incorporé ces zones dans le champ urbain de la capitale Hellène,
ils sont mis en évidence dans la cartographie plus en aval de ce
mémoire. A Madrid, la forte présence de serres agricoles
nécessite de trancher quant à leur caractère de
bâti. Après renseignement, ces dernières sont presque
toutes fixes, nous entendons par là que leur nombre ne varie pas selon
les saisons, ce qui leur confère une qualité de bâti.
Finalement, répondant des mêmes principes de
découpage et de recensement des espaces verts urbains, l'analyse
géographique proposée contient ainsi des données
harmonisées, pures et absolument comparables entre elles, ce qui est
novateur pour les terrains que nous avons sélectionnés. Les
quelques adaptations méthodologiques effectuées ne diminuent pas
sa qualité, au contraire, elles la renforcent.
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