A- LES CONSÉQUENCES IMMÉDIATES SUR LA
RÉGION.
Les répercussions de la dissolution de la SODENKAM,
sont à la fois générales à la région de
Nkondjock et spécifiques à celle de l'Opération
Yabassi-Bafang.
A-l. Arrêt des activités dans les villages et
fin de l'encadrement paysan.
La SODENKAM a placé, dans chaque village pionnier, un
moniteur agricole, chargé de prodiguer les conseils aux planteurs sur la
conduite à tenir dans les champs. D'autres agents venants du
siège de la société à Nkondjock sillonnent les
villages, soit pour vendre ou distribuer le matériel agricole et acheter
les produits des paysans, ou encore pour diffuser les informations diverses.
Avec la dissolution de la société-mère,
les voitures gui servaient de moyen de déplacement sont vendues et pour
la plupart aux étrangers, les employés étant mis en
chômage auparavant. Pour les villages tels Didipé, Madip
situés à 4 et 15 km de la route principale et qui ne
reçoivent surtout gué les voitures de la SQDENKAM, le
problème de communication se pose déjà avec acuité,
l'isolement va crescendo.
Dès lors, les paysans n'ont aucune assistance
étatique. Elles doivent subitement assumer leur propre destin sans
préparation psychologique.
A-2. Stagnation et recul du front pionnier.
Nous entendons par "front pionnier", la ligne de
démarcation dans une zone de colonisation des terres neuves, entre la
partie déjà mise en valeur et celle qui ne l'est pas encore.
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Dans la zone de l'Opération Yabassi-Bafang, ce front
pionnier est menacé et ce depuis 1e déclin de la SODENKAM. La
création du dernier village date de 1981 (Didipé) et dès
lors de nouvelles terres ne sont plus mises en valeur; la société
ayant limité les recrutements, faute de moyens financiers. En
dépit de cela, elle supporte difficilement les recrutements
spontanés et se contente, non plus d'implanter les immigrants dans de
nouveaux espaces, mais installer ceux-ci dans les lots abandonnés. Ceci
pour alléger également les dépenses d'encadrement.
Dans ces conditions, le recul de la forêt ne peut pas
progresser, ainsi que le projet de mise en valeur de la 2e phase de
l'Opération, dont l'entière réalisation reste
hypothéquée. Il serait illusoire de croire que la mise en valeur
peut s'accentuer avec la dissolution de la SODENKAM. C'est bien le contraire
qui est vécu en ce sens que les paysans ne bénéficient
plus d'un .quelconque encadrement: (approvisionnement, conseil et achat). Ils
ont dû abandonner les surfaces déjà mises en valeur et
régulière-lent exploitées.
Il faut ajouter à ceci la nonchalance de certains
paysans au travail, due à l'indécision de ceux-ci face à
la nouvelle situation gui prévaut dans la zone; en effet, les paysans
hésitent entre partir et rester. Ceci explique sans doute cela.
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Cliché auteur 03/04/91 14h
Photo 3 : Un quartier presque
abandonné.
La dissolution de la SODENKAM a entrainé la
désertion des pionniers, parfois en masse. Sur cette photo, la brousse
prend peu à peu sa place jusqu'aux abords immédiats des
plantations abandonnées.
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Figure 4 : Proportion des surfaces mise en
valeur
Source : Enquête
directe
Cette évolution à rebours du front pionnier
trouve également une explication dans le rythme de la désertion
qui est de plus en plus croissant. Il nous a été difficile de
quantifier les déserteurs, car par moment, ces derniers reviennent faire
acte de présence et dans certains villages comme Matoubé,
certains déserteurs sont remplacés. Avec cette instabilité
des paysans, les plantations ne sont plus bien entretenues, l'herbe puis la
forêt recolonisent progressivement 1'espace.
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La situation est inquiétante à plus d'un titre,
et une action de force devra être menée le plus tôt pour
maintenir, ou faire avancer le front pionnier. Dès lors ces immigrants
ne sont plus des pionniers mais des paysans.
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