b.3.4 Les relations entre les CLCRM en Europe:
coordinations et bilans d'activités 1977-1983.
Depuis la première coordination proposée par le
Comité de Paris le 17 octobre 1977, les comités, bien
qu'autonomes les uns par rapport aux autres, doivent proposer une
méthode de synchronisation de leurs travaux une fois par
an244. Lors de cette première coordination, le Comité
de Paris a proposé le déroulement de la réunion
extraordinaire, entre le samedi 15 et le dimanche 16 octobre, en vue
d'échanger les informations sur les activités des comités,
les informations sur le Maroc avec un compte rendu des relations avec les
organisations marocaines (entendons les associations des Droits de l'Homme au
Maroc, mais surtout les mouvements associatifs marocains en Europe plus
impliqués dans la lutte contre la répression au Maroc). Les
coordinations étaient au début, et suivant la
disponibilité des membres des CLCRM, tantôt annuelles,
tantôt semestrielles voire même trimestrielles. Lors des
coordinations, les CLCRM formaient pour l'occasion l'Association des
Comités de Lutte contre la Répression au Maroc. Suite à
cette première réunion de coordination, les comités ont
décidé que chaque projet devait être suivi d'une commission
de travail. Selon la disponibilité des membres des différents
comités, une confirmation devait être faite par lettre. De la
deuxième coordination du 5 février 1978 à la coordination
du 17-18 mars 1979, cinq CLCRM venus de France et de Belgique ont
dénoncé auprès de l'opinion publique l'intervention du
Gouvernement Giscard aux côtés du régime marocain, dans sa
politique de répression, d'impérialisme au Maroc et dans toute
l'Afrique245.
Nous avions vu aussi que les CCRM ont marqué leur
solidarité par la participation d'une mission juridique d'envergure pour
les grévistes de la faim arrêtés depuis octobre 1977. En ce
sens, les CCRM soutenaient l'initiative des grévistes qui maintenaient
leur action vis-à-vis du régime en réclamant un statut
écrit pour les détenus politiques. C'était mettre Hassan
II* au pied du mur, car s'il acceptait d'octroyer le statut de détenus
politiques, ce serait tacitement reconnaître le délit d'opinion.
Or, selon le monarque, il n'existait pas de détenu d'opinion mais
seulement des hors-la-loi: « Pour ce qui est des prisonniers
politiques, il n'y en a pas chez nous. Il y a des prisonniers d'éthique.
(...) Un homme qui sort de la loi n'est plus un prisonnier politique. (...)
Mais ceux-là ne sont pas des prisonniers, ils sont des
hors-la-loi246.»
244 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan de la
coordination du 15 au 17 octobre 1977.
245 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilans de la
coordination des CLCRM daté du 14 octobre 1979.
246 Interview d'Hassan II sur Europe 1 du 21 novembre
1976.
79
Organigramme des CLCRM en
Europe247
Amsterdam
Dusseldörf
Toulouse
Bruxelles
Besançon
Lausanne
Limoges
Amiens
Angers
Marseille
Aix-En-Provence
Liège
Lillle
Dijon
Lyon
Nice
Les CLCRM d'Europe se contactaient par lettre, mais
prévenaient directement Paris dès lors qu'ils voulaient publier
des informations. Durant l e s bilans des coordinations, chaque comité
était tenu d'envoyer un rapport à Paris. Les informations sur les
activités varient selon chaque comité. Ainsi, nous pouvons
retracer la trajectoire de plusieurs comités en Europe suivant leurs
activités. Bien que le Comité de Paris représente le
comité central, la Belgique, les Pays-Bas, la RFA structuraient leur
CCRM autour d'un Comité intermédiaire avec Paris. L'abondante
correspondance entre les comités permet de dégager cinq
comités intermédiaires entre Paris et les sections locales :
Charleroi, Nîmes, Rouen, Grenoble et Avignon.
247CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936,
Liasse n°406, Les CLCRM : Listes et organigrammes : Les sections des
CLCRM en Europe. Organigramme daté de 1980.
80
A partir de 1982, chaque comité en Europe se dotera
d'un numéro de téléphone d'urgence qui devait strictement
rester confidentiel.
Entre décembre 1978 et février 1979, le
Comité de Dijon248 a tenu régulièrement
à organiser le dépôt de la presse du comité dans
deux librairies dijonnaises. Ce comité a participé au Collectif
SOS-REFOULEMENT local et est rentré en contact avec l'Association des
Marocains de France (AMF) pour décider des axes de travail entre les
deux associations. Étroitement lié aussi à l'UNEM, le
Comité de Dijon a organisé le 12 décembre 1978 une
soirée de projection-débat sur l'oppression de la femme au
Maghreb. Une centaine de personnes y ont participé, dont quelques femmes
immigrées qui prirent la parole. En janvier 1979, le Comité de
Dijon a marqué sa solidarité avec l'UNEM, dans laquelle un
meeting fut organisé pour exiger la légalité effective de
l'UNEM et de ses responsables militants.
Cette solidarité s'est concrétisée par le
lancement d'une campagne pour la libération des détenus
politiques via l'envoi de 150 lettres à des sympathisants et
personnalités de la région. Le mois suivant, le CCRM de Dijon
s'est joint au Comité contre la Répression en Amérique
Latine et à l'Association Médicale Franco-Palestinienne dans le
cadre d'un colloque intitulé « 10 jours contre
l'impérialisme ». Durant tout le colloque, se sont tenues une table
de presse et l'exposition d'une série de panneaux sur le travail des
petites filles dans les fabriques de tapis, sur l'exploitation touristique et
les implantations d'entreprises françaises au Maroc. S'en sont suivies
une projection d'un film sur la lutte du peuple sahraoui et la tenue d'un
débat sur le rôle du gouvernement français dans la
région, puis l'organisation d'une soirée ayant pour thème
« la Coopération au Maroc ». Ces derniers
événements ont constitué les deux interventions
spécifiques du Comité dijonnais. Des enseignants et des
étudiants marocains ont débattu sur les implications aux niveaux
culturels et techniques et sur la finalité réelle de la
coopération.
A Besançon249, le Comité a
participé à la création d'un comité de
défense des étudiants étrangers : dix étudiants
étrangers - dont six marocains - étaient menacés
d'expulsion après le refus de leur inscription en faculté. Le
CCRM de Besançon a informé Paris et a soutenu l'inscription de
ces 6 étudiants marocains au Centre Linguistique Appliqué. Le
CCRM de Besançon s'investissait dans l'organisation d'un travail en
rapport avec l'enfance immigrée, dont les enfants des ouvriers
marocains. Le Comité de Besançon a participé à un
débat sur la répression que subissent les travailleurs marocains
sur une Radio libre locale.
Le Comité d'Angers a tenu, pour sa part, une
réunion toutes les trois semaines. Durant ces réunions
tenues avec la section locale de l'UNEM, il eut quelques
nouveaux participants et chaque membre versa une cotisation de 10
FF250. Durant le mois de novembre 1978, les membres du CCRM d'
Angers ont exposé des panneaux sur la « situation actuelle au Maroc
» dans les restaurants universitaires. En décembre, le
Comité a organisé le premier anniversaire de la mort de
Saïda Menebehi*et a proposé une table ronde sur
248 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Dijon entre fin 1978 et début 1979.
249 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Besançon entre novembre 1978 et
février 1979.
250 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM d'Angers entre novembre 1978 et janvier 1979.
81
la situation des femmes au Maroc. Entre temps, un
étudiant marocain nouvellement arrivé mais inscrit tardivement en
droit s'est vu refuser sa carte de séjour. Le Comité et l'UNEM
ont été à l'initiative d'un collectif local contre
l'expulsion regroupant les organisations étudiantes, humanitaires,
syndicales et politiques. Une délégation au rectorat conduite par
le vice-président du bureau des Etudiants de l'Université
d'Angers a obtenu une dérogation permettant à l'étudiant
marocain d'avoir sa carte de séjour. Le 24 janvier 1979, le
Comité a distribué publiquement des tracts et une pétition
pour la libération des détenus politiques en particulier celle
des responsables et militants de l'UNEM. Parallèlement, le CCRM d'Angers
déplore des pratiques « peu démocratiques » au sein de
l'UNEM. Le Comité signale aussi la lenteur des informations
diffusées par les bulletins du Comité de Paris.
A Lausanne, le Comité Suisse contre la
Répression au Maroc s'est constitué dès le 15 avril
1978251. Ce Comité constitue une caisse de résonnance
supplémentaire pour les CLCRM de France, de Belgique et des Pays-Bas.
Malgré une faible présence marocaine en Suisse, le Comité
lausannois est surtout composé de professeurs d'université et de
citoyens suisses. Ces derniers proviennent de Lausanne même,
Genève, Neuchâtel et Zürich. Appuyé par des avocats,
le CCRM de Lausanne se consacrera à dénoncer la répression
politique au Maroc, à informer sur les revendications populaires au
Maroc et à saisir les organisations internationales siégeant
à Genève. Le Comité de Lausanne était en
étroite relation avec le Comité de Grenoble. Il participera
activement à la coordination des CLCRM de Strasbourg en 1985 comme nous
le verrons plus loin.
D'octobre 1978 à mars 1979, le Comité lillois a
mené une campagne en faveur du Comité de Défense des
Etudiants Etrangers252. Ce comité avait décidé
de bloquer les inscriptions à l'Université de Lille pour
protester contre les arrêtés d'expulsion. Le CCRM de Lille a aussi
dressé une commission qui étudie les conditions de vie et de
recrutement des mineurs marocains travaillant dans les charbonnages du Nord.
Des contacts réguliers se maintiennent avec la section lilloise de
l'UNEM et ce dernier prend 10 abonnements au bulletin du Comité.
Contrairement à Angers, les membres du CCRM de Lille ne parvenaient pas
à se réunir régulièrement. Le Comité
rapportait, accessoirement, une anecdote selon laquelle la chienne d'Hassan II*
malade avait été transportée par avion à Nice pour
y être opérée. L'animal était escorté d'un
colonel...
Durant la troisième coordination des CLCRM qui s'est
tenue les 25 et 26 octobre 1980 à Charleroi253, le
Comité carolorégien a participé avec Paris, Lille et Dijon
à une collecte avec le soutien supplémentaire d'une organisation
néerlandaise « la Campagne épiscopale de Carême
». La recette était déposée sur un compte ouvert
depuis 1976, et destinée uniquement à la solidarité
financière à l'égard des prisonniers et de leurs familles.
A cette occasion, les sommes reçues sont destinées : aux
bibliothèques des
251 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Lausanne daté du 19 avril 1978.
252 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Lilles d'octobre 1978 à mars 1979.
253 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Rapport de la
coordination de l'ASCLCRM des 25 et 26 octobre 1980.
82
prisonniers politiques, pour un montant de 11.500 florins,
soit 24.381 FF. La coordination des Comités a demandé à
l'AMDH (censurée au Maroc) de fixer l'inventaire des besoins en revues,
ouvrages, matériel
pédagogique, appareils audio-visuels et cours par
correspondance, destinés aux prisonniers politiques et à leurs
familles, pour un montant de 33.000 florins, soit 69.381 FF. La coordination
des CLCRM a décidé d'envoyer 100 FF par mois, pendant douze mois
à 50 prisonniers que les CLCRM estimaient être les plus
démunis.
Entre septembre 1981 et janvier 1982, le Comité lillois
a organisé, en association avec l'UNEM, la Ligue des Droits de l'Homme
et le Collectif Français-Immigrés de Villeneuve-d'Ascq, une
conférence sur la situation économique, sociale et politique au
Maroc. Cette conférence à laquelle ont assisté près
de 110 personnes a été suivie de l'envoi de cartes postales au
Consulat du Maroc pour réclamer la libération des détenus
politiques254. Par ailleurs, une manifestation organisée par
l'UNEM le 16 décembre 1981 a abouti à l'occupation des locaux du
Consulat pendant trois heures. Cette manifestation faisait suite à
l'occupation de l'ambassade du Maroc par une septantaine d'étudiants de
l'UNEM, laquelle eut lieu à Bruxelles le 6 mars 1980255.
A Grenoble256, le CCRM a présenté aux
représentants du comité de Paris ses actions pour l'année
1978 jusqu'au mois de juin 1979. Parmi les activités accomplies, le CCRM
grenoblois a participé à un meeting de soutien aux
insurgés de Gafsa (ville située au Sud de la Tunisie). Le
Comité a participé à une table de presse sur le campus
universitaire, aux distributions d'un tract dénonçant le
caractère « gaussé » d'une exposition sur le Haut Atlas
au Musée de la ville. Le Comité de Grenoble s'est associé
au Comité de Dijon à propos d'un colloque sur
l'impérialisme, au cours duquel le CCRM grenoblois a
présenté un exposé sur l'impérialisme exercé
par la France sur les pays du Tiers-Monde. Néanmoins, le Comité a
cherché à créer le débat lors d'une
conférence à propos du poète militant Abdellatif
Laâbi*. Ce débat devait permettre une confrontation entre les
Marocains toutes tendances politiques confondues, mais ne fut pas un
succès. Alors que le Comité cherchait à réunir les
différents points de vue des Marocains, il signalait un ralentissement
voire une cassure du travail à cause de la majorité des partisans
communistes du PPS, de l'UNEM et de l'USFP à propos de l'affaire du
Sahara, d'une part, et, d'autre part, à cause des sympathisants
d'Ilal Amam et du 23 Mars qui n'auraient pas encouragé la bonne
marche du débat. Ailleurs qu'à Bruxelles aussi, les tensions
entre les différentes tendances politiques marocaines étaient
perceptibles ; en outre, le CCRM de Grenoble redoutait fortement les membres
« passagers » en son sein et doublait sa vigilance à
l'égard des auditeurs marocains.
254 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Lille entre septembre 1981 et janvier
1982.
255 Le Drapeau rouge du 7 mars 1980.
256 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Grenoble des 17 et 18 mars 1979.
83
En mars 1981, le CCRM de Rouen participe à la
réalisation de la BD de « Rahal » en organisant une collecte
de fonds257. Cette collecte devait aussi permettre, quatre mois plus
tard, l'impression d'une brochure intitulée « Casablanca juin 1981
» en collaboration avec Paris. Déjà, deux ans plus
tôt, le Comité de Rouen a émis le constat suivant : «
le travail doit se développer avec la participation du plus grand
nombre de Marocains258». En outre, le Comité de
Rouen a participé activement au moussem qu'organisent les
associations des travailleurs marocains en Europe en mai 1981.
Un appel à une coordination des CLCRM pour le
28 et 29 mars 1981. Appel proposé par le Comité de
Rouen259
257 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Compte-rendu de
la coordination des CLCRM passée à Rouen les 28 et 29 mars
1981.
258 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Rouen en mars 1979.
259 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Appel d'une
coordination proposé par le CLCRM de Rouen daté du 11
février 1981.
84
Retour sur le Comité de Dijon. En effet, alors que le
colloque sur l'impérialisme avait été un succès, le
CCRM dijonnais a pris connaissance du fait qu'une Foire Gastronomique allait se
tenir dans la ville260. Au même moment éclatait les
émeutes à Casablanca et le Comité n'a pas manqué
d'envoyer un télégramme au ministre des Affaires
Extérieures Claude Cheysson261. Cette foire était
organisée par les instances officielles marocaines, et, par deux fois, a
été annulée. La première avait eu lieu à
Caen et la seconde à Rouen. Ces deux villes disposaient d'une section
locale du CCRM, mais l'ambassadeur marocain cherchait à avoir le soutien
de la mairie et des commerçants locaux pour l'organisation de la foire.
Qui plus est, l'ambassadeur cherchait à jumeler la ville avec
Meknès. Alerté, le CCRM dijonnais a lancé un appel qui fut
rejoint entre autres par : l'AMF, Artisans du Monde, Libre Pensée, le
Parti Communiste Français (PCF), le Parti Socialiste Français, le
Parti Socialiste Unifié (PSU), l'UNEM et le Club Solidarité
Carnot. Ce collectif a organisé derechef un meeting auquel
participèrent un membre d'une délégation de
l'Internationale Socialiste au Maroc et Christine Jouvin Daure-Serfaty*. Le
bilan de ce meeting sensibilisa le public et la Foire Gastronomique ne put se
tenir.
A Brest262, le Comité a participé
entre avril et septembre 1982 à la présentation d'un montage
d'une interview d'Hassan II*. Le CCRM a organisé une soirée avec
projection du film « l'Attentat » et essayait de tenir une table de
presse hebdomadaire régulière.
Le Comité strasbourgeois a tenu un programme
d'activités intense entre janvier et juin 1982263. Du 14 au
25 janvier, le Comité a distribué un dépliant
intitulé « le Maroc touristique » à l'occasion de la
projection du film « L'envoûtement du Sud marocain ». Le
1er février, le Comité organise une rencontre avec
l'Association Catholique pour l'Abolition de la Torture (ACAT) et envoie un
communiqué à trois journaux alsaciens264
dénonçant la visite d'Hassan II* en France. Le 12 février,
le Comité organise une soirée culturelle où sont
invités des chanteurs marocains et turcs. Le 23 février, le
Comité fut convié à exposer la situation du Maroc dans le
cadre de la semaine panafricaine qui traitait du thème des Droits de
l'Homme en Afrique. Le 2 mars, le Comité a participé à un
meeting avec des représentants de l'USFP à propos de
l'arrestation du secrétaire général du parti Abderrahim
Bouabid*. Une table de vente a été aménagée et le
CCRM a fait une intervention sur les derniers évènements en
rapport avec la répression. Du 4 avril au 22 juin, le Comité a
organisé un concert pour le groupe marocain Nass El
Ghiwane265 et a distribué des tracts avec la section locale
de l'UNEM. Le CCRM a exposé plusieurs panneaux et a procuré des
informations dans le cadre d'une interview donnée à une
étudiante en journalisme à l'Institut
260 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes :
Communiqué : Foire gastronomique de Dijon - Une action unitaire
réussie du 21 novembre 1981.
261 Claude Cheysson (1920-2012) fut un haut fonctionnaire et
homme politique français. Il a été commissaire
européen chargé des relations avec les pays en voie de
développement (1973-1981) et ministre des Relations extérieures
(1981-1984).
262 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Brest daté de 1982-1983.
263 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Strasbourg daté du 22 juin 1982.
264 Ces journaux sont : Les Dernières Nouvelles
d'Alsace, Le Nouvel Alsacien, L'Alsace.
265 Nass El Ghiwane fut l'un des groupes musicaux les plus
importants au Maroc. Ce groupe musicale est né à la fin des
années 1960 et puisait dans les répertoires populaires avec un
intérêt de l'actualité sociale et politique marocaine.
85
Universitaire Technologique de la ville sur la situation
politique au Maroc. Enfin, une fois par semaine, un membre du Comité a
diffusé sur Radio Bienvenue (radio libre de Strasbourg) les
dernières informations en rapport avec la répression au Maroc.
A Amsterdam, le Comité local et le KMAN étaient
intimement liés. Entre le 21 juin 1980 et le 6 janvier
1982266, les deux associations ont fait des communiqués de
presse concernant les événements de Casablanca. Le 25 juin, le
Comité a organisé une manifestation de protestation devant
l'ambassade marocaine à La Haye et a remis à l'ambassadeur une
pétition appuyée par la Fédération des Syndicats
Hollandais (FNV) et les Syndicats Nationaux Chrétiens (CNV). Trois jours
plus tard, une nouvelle manifestation a été organisée et a
réuni 900 personnes. Fort de ce succès, le CCRM d'Amsterdam a
réuni plusieurs représentants des organisations syndicales,
politiques et ecclésiastiques de tout le pays. Au niveau local, le CCRM
d'Amsterdam collabore avec la section locale du KMAN d'Eindhoven et
l'association humanitaire Emmaüs. Ensemble, ils dénoncent les
activités des Amicales à Maastricht, notamment l'agression au
couteau commise par leur président et ses collaborateurs à
l'égard de certains militants du KMAN. Les organisations syndicales
néerlandaises proches du CCRM d'Amsterdam, ont organisé à
Rotterdam une soirée suivie d'une table ronde avec des
représentants d'Amnesty International.
Les CLCRM en Europe cherchent le plus possible à
investir l'espace public, s'agissant de la répression politique au
Maroc. Cet investissement se caractérise par des distributions publiques
de tracts, ainsi que par une implication dans l'enceinte universitaire
où, d'une part, les CLCRM défendent les droits des
étudiants étrangers et, d'autre part, ils sensibilisent les
étudiants du campus sur la vie politique au Maroc sous une perspective
d'une solidarité internationale. Par ailleurs, les CLCRM distribuent
leur bulletin d'information dans des librairies et travaillent à gagner
l'opinion publique en leur faveur par des interventions radiophoniques sur la
répression politique au Maroc. L'examen de ces premières
coordinations permet d'affirmer que les CLCRM ont parfois maille à
partir avec les problèmes internes des mouvements associatifs
marocains.
La coordination des CLCRM organisée à Rouen
établissait une meilleure disposition des travaux des sections locales,
dressait les premières recettes et harmonisait le plus possible le
fonctionnement entre les CLCRM. A l'issue des activités portées
par les CLCRM en Europe, une nouvelle association née des CLCRM voyait
le jour en France durant les deux premières coordinations
européennes267: l'Association des Parents et Amis des
Disparus au Maroc (APADM). Cette association va compléter le travail des
CLCRM en dressant des listes des victimes collatérales de la
répression au Maroc, tout en centralisant davantage les listes des
détenus dressées par les CLCRM. Ainsi, l'APADM publiait un
premier communiqué daté d'août 1983. Ce communiqué
fut signé par 97 détenus politiques de la prison centrale de
Kénitra. Ces détenus du groupe « 83 » étaient
pour la plupart des juges, des avocats, des journalistes dont certains
appartenaient à l'USFP et l'AMDH. Ce communiqué : «
appelle l'ensemble des
266 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du KMAN et du CLCRM d'Amsterdam du 7 janvier 1982.
267 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°378, APADM - Communiqués : Communiqué de l'APADM du 15
mai 1983.
86
organisations démocratiques et l'opinion publique
humanitaire à exprimer sa solidarité et son soutien à ces
familles pour obtenir des éclaircissements sur le sort
réservé à leurs enfants disparus depuis plus de six mois
et obtenir leur délivrance des lieux de détention secrète,
à savoir les griffes de la répression et des contraintes
inhumaines268. »
Pendant la coordination des 24 et 25 octobre 1982 qui s'est
déroulée à Paris269, le comité central
a
demandé à chaque comité actif de lui
fournir une liste de personnes susceptibles de s'abonner. Le Comité de
Paris signale la condamnation de 21 détenus en janvier 1982. Une
libération est signalée, celle d'Hakima Nagi (détenue
alors enceinte) contrairement au détenu Seghir qui aurait dû
sortir avec un groupe de détenus de la prison de Meknès mais qui
a finalement été transféré à la prison de
Kénitra. Par contre, au pénitencier de Settat, les lycéens
déclenchent une grève de la faim. Le CLCRM de Paris prend
connaissance, entre temps, d'un voyage du Président François
Mitterrand* au Maroc270. Les informations sur les détenus
filtrent au compte- goutte271. La date du voyage est encore
imprécise et laisse espérer une campagne de libération des
détenus politiques. Paris propose plusieurs actions parmi lesquelles :
une demande d'entrevue d'une délégation des avocats qui sont
allés au Maroc dans le cadre des deux missions juridiques
organisées en 1979 et 1981, le lancement d'une pétition, que
chaque comité enverrait le plus rapidement possible à
l'Elysée et à l'Ambassadeur du Maroc en France. La
priorité, pour cette pétition, sera de rechercher des signatures
de personnes connues.
Le 22 mai 1982272, le Comité de Paris prend
conscience des problèmes de communication existant entre les
différentes sections des CLCRM dans le reste de l'Europe. Paris
envisage, dès lors, d'adresser une « Lettre du Comité de
Paris aux autres comités » chaque mois avec l'envoi du bulletin
d'information. La circulation des informations se fait alors par trois moyens :
par l'utilisation exceptionnelle d'un numéro de téléphone
en utilisant l'organigramme « d'urgence » que le Comité
lillois a envoyé à chaque comité et qui permet ainsi une
liaison rapide ; ensuite, par l'utilisation plus habituelle du
répondeur-enregistreur. Ce système permet de recevoir les
dernières nouvelles sur la répression au Maroc, de
connaître les activités des comités et d'enregistrer les
messages relevés deux fois par jour. Le troisième moyen
réside dans les informations échangées entre les
différents comités qui complètent le service
répondeur-enregistreur.
Depuis 1979, les comités de Lille, Paris, Dijon, Rouen,
Caen et Angers ont suivi les grandes lignes de la politique marocaine en
observant : les accords de Paix intervenus le 5 août 1979, entre la
Mauritanie et le POLISARIO, la visite d'une commission sénatoriale
américaine dans les territoires occupés par le Maroc au Sahara
occidental et le bilan politique de la gauche marocaine où le PPS est de
plus en plus isolé devant l'USFP qui se présente comme la seule
alternative gouvernementale au Maroc. Quant à
268 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°378, APADM - Communiqués : Communiqué des 97
détenus politiques de la prison centrale de Kénitra daté
d'août 1983.
269 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Pétition
proposé par le CLCRM de Paris lors de la coordination de Paris des 24 et
25 octobre 1982.
270 Idem
271 Cette situation empêcha le CCRM de Bruxelles de pouvoir
publier son bulletin d'information.
272 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Proposition de
Paris aux sections locales des CLCRM d'amélioration de la communication
des informations datée du 22 mai 1982.
87
l'UNEM, elle tenait son XVIe Congrès entre le 31
août et le 5 septembre 1979 et peinait à se relever des troubles
internes. Ainsi, les CLCRM et quelques partis de la gauche marocaine (USFP,
Ilal Amam, 23 Mars et l'UNEM) ont convenu de maintenir la
collaboration mutuelle là où les comités
représentent un lieu de rencontre entre toutes les organisations
marocaines. Les CLCRM ne font pas d'exclusivité dans leur soutien aux
organisations politiques marocaines d'opposition. Les comités
maintiennent la nécessité d'élargir le soutien à la
lutte du peuple marocain, à toutes les forces progressistes dans le
monde, et le besoin d'une alliance de toutes les forces marocaines d'opposition
contre la répression.
Les différents bilans des CLCRM envoyés à
Paris ont permis une synthèse des travaux des comités reprise
dans une commission interne aux CLCRM. Cette commission établit les
conditions pour être agréé CLCRM. Les conditions sont les
suivantes273:
- Avoir accepté la plateforme des CLCRM ;
- Avoir engagé des activités localement
;
- Avoir reçu la visite ou la caution morale
d'un CLCRM déjà existant ;
- Verser une cotisation annuelle d'un minimum de
100 Frs ;
- Chaque membre doit verser une cotisation au
comité local d'un montant à définir par chaque
comité.
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Les conditions d'adhésion aux CLCRM exigent, en plus,
un maintien des activités locales, un versement de la cotisation et une
présence au moins à une coordination dans l'année. Les
conditions de participation à une coordination établissent qu'un
membre doit faire partie d'un comité reconnu et que, s'il vient pour la
première fois à une coordination, le membre doit être
mandaté par écrit par son comité. La participation
à une première coordination se fait à titre d'observateur
; par la suite, la participation est plénière.
La commission du travail était suivie d'une commission
matérielle. Cette commission faisait état de la vente de la BD de
« Rahal », des bulletins d'information et des tirages des brochures.
Au début de l'année 1983, les comités de Bruxelles, de
Charleroi, de Lille, de Rouen, d'Amsterdam et de Paris ont rendu compte de leur
recette274:
Bruxelles 24648
Charleroi 9148
273 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°402, ASCLCRM - Communiqués : Synthèse du travail des
CLCRM. La commission de fonctionnement datée de 1982-1983.
274 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°402, ASCLCRM - Communiqués : Synthèse du travail des
CLCRM. La commission matérielle datée de 1982-1983.
Lille
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3542
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Rouen
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1473
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Hollande
|
7457
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Paris
|
7000
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Total 53268 Fr
88
Cette recette va servir, en partie, à financer la mission
médicale Brutsaert partie de Belgique au Maroc durant le mois de
septembre 1984.
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