§3 Ð Finalité de l'étude : le
Code civil, une oeuvre à réformer
16. Le Code civil a perdu de son éclat, il n'occupe
plus un rôle de premier plan dans les principales entreprises de
codification, il ne conserve pas même son aura immense acquise par le
passé. Si le Code civil, monument historique, demeure certes intact au
niveau de son contenant, le contenu du Code est quant à lui, en
déclin.
17. Elément de culture23, façon de
penser le droit24, élément du patrimoine25,
grammaire de notre droit26, le Code civil ne peut plus être
défendu comme un code symbole d'unité et de cohérence. Il
n'est plus, selon la célèbre formule de Portalis
précédemment employée, « un corps de lois
destinées à diriger et à fixer les relations de
sociabilité, de famille et d'intérêt qu'ont entre eux les
hommes qui appartiennent à la même cité ». Envisager
sa réforme n'est pas inopportun et semble même couler de source :
faire subir à quelque chose des modifications importantes
destinées à l'améliorer, telle est la destinée
qu'il convient de réserver, aujourd'hui, à notre Code civil.
21 Y. Gaudemet, art. préc., in 1804-2004,
Le Code civil un passé, un présent, un avenir, ouvr.
préc., p. 304.
22 Message de Monsieur Christian Poncelet,
Président du Sénat, reproduit in Livre du Bicentenaire,
ouvr. préc., p. 5.
23 G. Cornu « Un Code civil n'est pas un
instrument communautaire », D. 2002, chron. p. 351.
24 P. Legrand, « Sens et non-sens d'un Code civil
européen », RIDC 1996., p. 779.
25 G. Cornu « Un Code civil n'est pas un
instrument communautaire », art. préc. spéc. p. 352.
26 Y. Lequette, « Quelques remarques à
propos du projet de Code civil européen de M. von Bar »,
D. 2002, chron. p. 2202.
Réformer le Code civil 13
18. Réformer le Code civil pourrait, à
première vue, apparaître comme un combat d'arrière
garde27. En effet lors de la célébration de son
centenaire, en 1904, les débats étaient déjà
centrés autour d'une révision. Saleilles défendait les
mérites d'une révision générale du Code
civil28, Planiol quant à lui pensait inutile toute
révision du code. Un siècle plus tard, le contenu du débat
n'a pas changé, mais il s'est déplacé : la réforme
s'est envisagée au regard du droit européen, autour de la
question suivante : l'avenir du Code est-il dans l'Europe ? Ainsi
l'étude d'une réforme du Code n'est pas dépassée.
Elle a d'ailleurs été maintes fois tentée.
19. « La réforme du Code civil (É) est un
véritable serpent de mer juridique qui, tel le monstre du Loch Ness,
nourrit les chroniques depuis 2004, date à laquelle Jacques Chirac,
alors président de la république, décida de lancer ce
projet lors de la célébration du bicentenaire du Code de 1804
»29. Ces mots du professeur Tournafond ne pouvaient pas mieux
résumer la situation : la réforme du Code civil est un combat
entreprit depuis longtemps déjà et semé d'embûches.
La réforme s'est ainsi envisagée de deux façons : d'une
part certains projets penchent pour une refonte globale du Code, à
l'inverse d'autres projets se cantonnent à un domaine du Code.
Dès la fin de l'année 1944, le président
de l'Association Henri Capitant, le bâtonnier Jacques Charpentier a
porté l'attention sur la nécessité d'une refonte du Code
civil. Quelques mois plus tard le Général de Gaulle nomma une
commission de révision du Code, par décret du 7 juin 1945. La
"Commission de réforme du Code civil" travaillera presque quinze
années sans qu'aboutisse pour autant une refonte générale
du Code.
Fut également élaboré l'avant-projet
« Catala » du nom du civiliste Pierre Catala. Il s'agissait d'un
avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la
prescription, autrement dit un projet portant sur les contrats, les
quasi-contrats, la responsabilité civile et la prescription. Une
nouvelle fois, cet avant-projet n'a pas abouti à une réforme du
Code civil, cependant il est à l'origine de la réforme de la
prescription en matière civile30.
Le projet Catala a été principalement
concurrencé par d'autres projets, notamment par celui résultant
du groupe de travail rival réuni par François
Terré31. En effet, en juillet 2008 ce
27 Voir sur ce point B. Fauvarque-Cosson ; S.
Patris-Godechot, Le Code civil face à son destin, La
documentation française, Ministère de la justice, 2006, p. 92.
28 Le Code civil 1804-1904, Livre du
centenaire, Paris, E. Duchemin, 1969, réed. Préfacée
par Jean-Louis Halpérin, Dalloz, 2004.
29 O. Tournafond, Le projet de la chancellerie de
réforme du droit des contrats commentaire raisonné et critique,
Droit et patrimoine, 2014, 241.
30 LOI n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant
réforme de la prescription en matière civile.
31 O. Tournafond, art. préc.
32 Issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23
mars 2006 relative aux sûretés et publiée au journal
officiel le 24 mars 2006.
Réformer le Code civil 14
groupe de travail a présenté un projet de
réforme du droit des contrats, projet qui n'a pas abouti. L'on peut
également citer l'Association Henri Capitant qui, à l'initiative
de Michel Grimaldi, a entrepris de participer à ce mouvement de
réforme. Cette association est à l'origine de la réforme
du droit des sûretés32. Enfin, en 2009, un groupe
dirigé par Monsieur Hugues Périnet-Marquet a émis des
propositions pour une réforme du droit des biens.
20. Ces projets n'ont pas abouti à une réelle
réforme du Code civil. Aujourd'hui, celle ci n'est pas formellement en
marche, cependant la réforme pourrait s'envisager à travers
l'avant-projet de réforme des obligations menée par la
Chancellerie. Il se veut une synthèse des propositions du groupe «
Catala », du groupe « Terré » et des différents
travaux menés par la Chancellerie elle même. Modifiant
profondément notre droit des contrats, ce projet a été
votée et l'article 8 de la loi n°2015-177 du 16 février 2015
relative à la modernisation et à la simplification du droit et
des procédures dans les domaines de la justice et des affaires
intérieures a habilité le gouvernement à
légiférer par voie d'ordonnance. La réforme du droit des
obligations est alors en marche. Celle du Code civil dans son ensemble se fait
attendre.
21. L'étude proposée ici s'inscrit alors dans
cette entreprise monumentale que constitue la réforme du Code civil. Il
s'agira alors d'envisager cette réforme dans son
intégralité et non cantonnée à certaines
matières du Code civil.
22. Problématique. La
problématique est largement pressentie, elle ne peut être que la
suivante : en quoi la France doit-elle aujourd'hui réunifier
l'ensemble du droit civil en un instrument accessible à tous ?
23. Annonce du plan. La réforme du
Code civil apparaît à nos yeux nécessaire, vitale. A la
question « Pourquoi réformer le Code civil ? »
(Première partie) s'en adjoint une seconde : «
Comment réformer le Code civil ? » (Deuxième
partie). Les réponses à ces questions constituent la
démonstration de la nécessité, pire, de l'urgence de la
réforme.
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