CONCLUSION PARTIELLE
Les pratiques des principaux donateurs en matière
d'aide au développement peuvent constituer un facteur déterminant
de l'inefficacité de l'aide en Afrique subsaharienne. Mode de
financement, planification et politique d'octroi de l'aide, ... Tous ces
facteurs devraient être conçus de manière à
créer des incitations favorables à l'efficacité de l'aide
internationale. Ce qui n'est malheureusement pas le cas en Afrique.
Si à long terme l'équivalence entre les
prêts et les dons semble être admise, les différentes
logiques d'attribution de l'aide peuvent quant à elles conduire à
des résultats différents. Dans l'évaluation empirique des
raisons de l'allocation internationale de l'aide en Afrique sub-saharienne,
nous aboutissons à la conclusion selon laquelle le critère
d'efficacité n'est pas pris en compte. Seuls les liens de
proximité avec les donateurs et le niveau des besoins des pays
récipiendaires paraissent déterminants dans l'explication de
l'allocation internationale de l'aide. Sans tenir compte de la qualité
de la gouvernance dans les pays receveurs, l'aide va plus vers les pays mal
gouvernés, et qui ont des liens privilégiés avec les
principaux donateurs. Une telle allocation de l'aide internationale conduit au
problème de sélection adverse et d'aléa de moralité
chez le récipiendaire en matière de réduction de la
pauvreté. L'aide extérieure désincite notamment le
receveur à faire l'effort.
Pour une meilleure efficacité de l'aide, il serait
mieux qu'on conditionne l'aide à l'adoption de politiques
appropriées, comme celles favorables à la réduction de la
pauvreté. Une telle pratique nécessite une harmonisation des
politiques d'aide au niveau des donateurs. Malheureusement, elle bute sur une
mauvaise coordination au niveau des donateurs, qui accordent bien trop souvent,
plus d'importance à leurs propres intérêts. Cette mauvaise
coordination crée des coûts supplémentaires liés
à la gestion de l'aide, l'alourdissement de la bureaucratie et pose le
problème de responsabilité en cas d'échec. Aucun donateur
ne se sent finalement en obligation de résultat, ou concerné en
cas d'échec. On se trouve ainsi en face du problème commun
à l'ensemble des biens publics : le problème du passager
clandestin. Un réajustement des politiques actuelles d'aide est alors
nécessaire face à l'augmentation inquiétante de la
pauvreté dans la région.
CONCLUSION POUR LA DEUXIEME PARTIE
L'aide au développement ne semble pas aider le
développement en Afrique sub-saharienne. Dans cette deuxième
partie, on a examiné les raisons susceptibles d'expliquer
l'inefficacité de l'aide dans la région. Même si
l'idée selon laquelle les économies africaines sont prises au
piège de la pauvreté n'est pas à écarter
totalement, l'inefficacité de l'aide au développement en Afrique
ne semble pas liée au volume de l'aide. En effet, même sur la
période où l'aide à l'Afrique subsaharienne a
été suffisamment forte, elle n'a pas favorisé le
développement. De plus, même pour les pays qui vraisemblablement
ne sont pas pris au piège de la pauvreté, l'aide est
inefficace.
Les explications les plus plausibles de l'échec de
l'aide dans la région sont la qualité de la gouvernance dans les
pays receveurs et les politiques d'aide des principaux donateurs. Une gestion
économique malsaine serait associée à l'aide au
développement dans les pays receveurs. Nos résultats
révèlent que la qualité de la gouvernance dans les pays de
la région fait que, l'aide entraîne une augmentation de la
consommation et donc une baisse de l'épargne domestique.
L'investissement dans le pays récipiendaire que devrait financer l'aide
n'augmenterait pas véritablement. Plus étonnant, l'aide qui est
censée lutter contre la pauvreté n'augmente pas la consommation
des populations pauvres. Mais celle d'une classe de «
privilégiés ». On peut alors comprendre pourquoi
malgré l'augmentation de la consommation que crée l'aide
internationale, la pauvreté augmente en Afrique subsaharienne.
Si la productivité de l'aide dépend de son
utilisation dans le pays receveur, l'efficacité de l'aide serait
différente selon la qualité de la gouvernance dans le pays
considéré. C'est ainsi qu'on a intégré la
qualité de la gouvernance dans notre analyse. Le résultat
suggère alors curieusement que l'aide exerce un impact négatif
sur l'activité économique dans le pays receveur. Nos analyses
révèlent que cette perversité de l'aide serait due aux
effets d'incitation que l'aide crée au niveau du gouvernement
aidé. Non seulement l'aide exerce un effet néfaste significatif
sur l'épargne et l'investissement domestiques, mais aussi elle
désincite à l'effort. L'aide internationale encourage l'adoption
de politiques inappropriées dans les pays receveurs. De façon
générale donc, l'aide extérieure engendre une
désincitation à l'effort nécessaire pour que les pays
pauvres sortent du sous-développement.
Le paradoxe de la perversité de l'aide, serait
lié aux pratiques des donateurs. Leurs politiques d'aide seraient
à la base des effets néfastes que l'aide crée. En effet,
s'il semble admis qu'à long terme, il y a équivalence entre les
différents modes de financement (prêts, dons ou même une
combinaison des deux), les principaux critères d'attribution de l'aide
ne seraient pas quant à eux neutres en terme d'incitation. La logique du
besoin et/ou de proximité avec le donateur n'encourageraient pas le pays
aidé à faire d'effort, à entreprendre les réformes
politico-institutionnelles nécessaires pour une meilleure performance
économique et donc, une meilleure efficacité de l'aide. L'aide
pose dans ce cas un problème d'antisélection. Le meilleur
critère d'attribution de l'aide serait le critère
d'efficacité. Malheureusement, il est le moins pertinent dans
l'explication de l'allocation internationale de l'aide au développement
en Afrique sub-saharienne. Les résultats de nos analyses rejoignent ceux
de Svensson (2000) et Alesina et Weder (2002) selon lesquels l'aide va plus
vers les pays dont la qualité de la gouvernance est moins bonne.
En effet, en accordant trop souvent, plus d'importance
à leurs propres intérêts, les grands donateurs
supporteraient plus des régimes institutionnellement défaillants.
La pratique de l'aide conditionnelle serait presque inexistante (ou faible) en
Afrique sub-saharienne. Aussi note-t-on une mauvaise coordination de l'aide qui
est liée à l'égoïsme des pays donateurs. Cette
défaillance organisationnelle au niveau des donateurs alourdit la
bureaucratie de l'aide, ainsi que les coûts liés à la
gestion de l'aide au développement. La mauvaise harmonisation des
politiques au niveau des donateurs est un autre véritable
problème. Elle profite aux régimes « prédateurs
» qui peuvent surfer sur l'insuffisance de la coordination au niveau des
donateurs pour faire échouer la conditionnalité de l'aide
internationale. Dans ce cas, l'aide sera octroyée malgré le fait
que les réformes nécessaires en matière de gouvernance au
niveau du pays receveur ne soient pas entreprises. L'aide ne peut alors
être efficace.
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