4. Allocation inefficiente des ressources en l'absence de
coordination
Un problème évident qu'un manque de coordination
au niveau des donateurs peut créer est le partage de l'information. Un
partage non optimal des informations entre différents donateurs,
résultat d'une mauvaise coordination peut conduire à une
allocation inefficiente des ressources d'aide entre les receveurs, et/ou
à travers les différents projets. Certains secteurs peuvent faire
face à un sur-financement alors que d'autres manquent de ressources
comme ce fut le cas après le Tsunami de 2004. Si on considère que
les projets sont complémentaires, le manque de coordination au niveau
des donateurs qui entraîne une mauvaise allocation des ressources
représente un facteur d'inefficacité de l'aide.
68 Voir par exemple `'the cartel of good
intention: the problem of Bureaucracy in foreign aid», William Easterly
(2003).
En somme, le manque de (ou une faible) coordination au niveau
des donateurs génère plusieurs problèmes : celui du «
passager clandestin », l'alourdissement de la bureaucratie de l'aide, la
multiplicité des coûts. Ces facteurs constituent une source
d'inefficacité de l'aide. Se pose alors la question de savoir pourquoi y
a-t-il un manque ou une insuffisance de coordination au niveau de l'aide
internationale ? Une raison évidente est le fait que les
différents donateurs aient souvent des intérêts dans les
pays pauvres qu'ils veulent sauvegarder. Il arrive même que plusieurs
donateurs soient en concurrence dans un pays donné (Bigsten, 2005). Le
fait que la logique d'intérêt ou de proximité soit
très pertinente dans l'explication de l'allocation internationale de
l'aide au développement milite en faveur de cette thèse. L'aide
internationale devient alors un élément de compétition
entre les différents donateurs comme nous l'avons montré dans le
chapitre précédent. Frey et Schneider (1986) aboutissent à
la même conclusion.
En conséquence, la plupart des grands donateurs (pays
développés) préfèrent procéder
par des accords bilatéraux qui constituent un moyen de
protection de leurs intérêts. Si les donateurs veulent vraiment
aider les pays pauvres, ils doivent revoir leurs pratiques actuelles. Il est
notamment nécessaire que le système d'aide au
développement soit bien coordonné. Une solution au
problème de coordination est d'accorder une place plus importante aux
bailleurs de fonds multilatéraux dans le système d'aide
internationale. Quand le Président des Etats-Unis Harry Truman (1949) a
proposé l'aide extérieure, il a exhorté les donateurs
à « mettre en commun leurs ... ressources » pour une «
entreprise coopérative dans laquelle toutes les Nations travaillent
ensemble à travers les Nations Unies ... quand cela est
réalisable ». Le rapport retentissant de la Commission Pearson
(1969, 228-9) a insisté sur la nécessité de standardiser
la planification, les programmes et l'évaluation des donneurs pour
chaque bénéficiaire, mais aussi afin d'accroître fortement
la part de l'aide passant par les multilatéraux. Plus récemment,
le rapport de la Commission Blair (2005) parle du besoin d'outils de
coordination tels que « des évaluations conjointes des besoins
», pour améliorer l'impact de l'aide en Afrique. Il est alors
temps, que des actions concrètes se réalisent pour une meilleure
coordination de l'aide. L'ONU pourrait par exemple être le principal
centre de décision. Cela affectera la gouvernance dans les pays
receveurs et par là, l'efficacité de l'aide au
développement.
Une des caractéristiques principales de l'aide Marshall
(souvent citée comme un succès) est que les pays receveurs
traitaient avec un seul donateur. Un autre exemple est le cas de la Chine, qui
a opéré des réformes substantielles pour entrer dans l'OMC
(Organisation Mondiale du Commerce). Plus récemment, les pays d'Europe
de l'Est qui traitent avec un donateur principal, l'Union Européenne
(UE), ont opéré des changements institutionnels importants dans
le souci d'entrer dans l'Union. Ces pays ont significativement et rapidement
amélioré la qualité de leurs institutions et la
gouvernance en général; ce qu'ils n'ont pas pu réaliser
avec la communauté internationale tout entière depuis
l'après-guerre. Le Succès de l'aide en Corée du Sud,
à Taiwan et au Botswana aussi est en parti dû au fait que ces
économies faisaient face à un seul donateur ou un donateur
dominant (Knack et Rahman, 2004). Au contraire, la plupart des pays
récipiendaires aujourd'hui qui traitent avec plusieurs donateurs
à la fois avec des projets et programmes disparates comme c'est le cas
en Afrique sub-saharienne ont du mal à adapter leur environnement
politico-institutionnel aux exigences de l'heure. L'aide se solde dans la
plupart de ces cas par un échec.
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