2.2. Allocation de l'aide selon le besoin et
l'anti-sélection
On considère deux pays pauvres A1 et A2 donnés,
bénéficiaires d'aide internationale. Le temps est discret, et
supposé infini : T =1, 2, 3, .... En début de la première
période (T =1), les deux pays ont un même nombre de pauvres N1 =
N2 = N supposé connu. Une institution « bienfaitrice » B
(qui peut être un pays développé ou une institution
internationale du type ONU, Banque mondiale, PNUD, ...) se propose d'aider les
deux pays pauvres. B leur octroie de l'aide au développement. L'objectif
poursuivi à travers cette aide est la réduction de la
pauvreté. A l'instar de Svensson (2000) et Azam et Laffont
(2003), nous supposons qu'à chaque période, B met à
la disposition des deux pays pauvres ( A1 et A2 ) une enveloppe totale d'aide
égal à Z , supposée fixée (exogène). Par
hypothèse, le montant total d'aide Z est distribué entre
les deux pays selon leur niveau de besoin, évalué à l'aune
du nombre de pauvres dans le pays considéré. Ainsi Z est
distribué proportionnellement à N1 et N2 .
Pour N1 et N2 supposés connus, on a :
Où Zi désigne le montant d'aide
reçu par le pays Ai et NT = N1+N2 (le nombre total de pauvres
dans les deux pays).
Le souhait du donateur B est de tirer de la
pauvreté au cours de chaque période, le maximum de personnes avec
le montant d'aide Z . La qualité de la gouvernance est
supposée connue dans les deux pays.
Elle est de faible qualité dans le pays A1 (niveau de
corruption élevé, mauvaises politiques économiques,
absence d'Etat de droit, ...) si bien que ì1= 1(e)=
ìL. A l'inverse, la qualité de la gouvernance dans le
pays A2 est supposée bonne si bien que ì2= (e ) ìH
.
Sous ces hypothèses, la réduction de la
pauvreté dans chaque pays au cours de la première période
est donnée par:
Pour le pays A1 :
Pour le pays B2 :
Puisqu'en début de la première période le
nombre de pauvres est le même dans les deux pays, le montant d'aide que
recevra chacun des deux est:
On a alors:
Pour le pays A1 :
Pour le pays A2 :
La représentation graphic donne
FugureII--9 : Gouvernance et réduction de la
pauvreté
La qualité de la gouvernance étant faible dans le
pays A1 , l'aide est moins productive dans ce pays. Avec le même montant
d'aide, on tire plus de personnes de la pauvreté dans le pays A2 que
dans le pays A1 .
En début de la deuxième période, le nombre
de pauvres dans chacun des deux pays est donné par: Pour le pays
A1 : N'1 = N- ?N1 = N-?LNQ(z)
Pour le pays A2 : N2 = N-?N'' =
N-?NQ(z)
Puisque par hypothèse et donc
Pour tout
le nombre de pauvres dans le pays 1 A est supérieur au
nombre de pauvres dans le pays 2 A . L'aide étant distribuée
proportionnellement au nombre de pauvres (selon la logique du besoin), elle ira
plus vers le pays A1 ; c'est-à-dire vers l'opportunité où
elle sera moins efficace.
En d'autres termes, l'aide que B octroie va plus vers le
mauvais partenaire de développement. On peut de manière abusive,
qualifier cette situation de sélection adverse, étant
donné que par hypothèse, le souci du donateur est de tirer de la
pauvreté, le maximum de personnes.
Outre la situation ci-dessus étudiée, le
modèle suggère un autre problème. Comme l'aide
internationale représente une part importante des ressources de la
plupart des pays pauvres, une telle allocation peut inciter le pays A2 aussi
à mener des politiques volontaires d'appauvrissement,
Dans une certaine mesure, la réduction de la
pauvreté dans le monde peut être considérée comme un
bien public mondial (Azam et Laffont 2003 ; Bigsten 2005). De ce fait,
lorsqu'il y a une multitude
pour bénéficier de plus d'aide. On a là
un problème d'aléa de moralité. Il peut notamment
atténuer ses efforts en matière de réduction de la
pauvreté pour éviter le tarissement de ses ressources d'aide les
périodes suivantes. Et donc, la qualité de la gouvernance
ì (e) va baisser dans ce pays.
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