2.2. Qualité des institutions et
efficacité de l'aide
Comme précédemment dans le cadre de l'indicateur
de politique économique, on va évaluer l'impact de l'effet
croisé d'un indicateur de « l'environnement institutionnel »
et de l'aide sur la croissance économique. Nous supposons que les
règles de l'état de droit sont les règles qui autorisent
les agents privés à anticiper l'appropriation future des
bénéfices de leur investissement. Ces règles qui
garantissent la confiance dans l'avenir sont alors les déterminants
ultimes de la croissance économique (North 1990, 1991).
A l'instar de Hall et Jones (1999) et Rodrik et al. (2002),
nous supposons qu'il existe un lien de causalité significatif entre le
niveau institutionnel et la performance économique en Afrique
sub-saharienne ; et par-là, l'efficacité de l'aide
internationale. Cette étude se heurte cependant à un
problème de données, qui réduit considérablement
notre période d'étude66. En effet, très peu de
données sur les institutions sont publiées avant les
années 1990. La plupart des études supposent pour cela une valeur
constante pour l'environnement institutionnel sur toute leur période
d'étude; en partant de l'hypothèse selon laquelle la
qualité institutionnelle change très peu à travers le
temps (Burnside et Dollar, 1997, 2000 ; Easterly, 2003).
Cependant, depuis les années 1990, la Banque mondiale
publie régulièrement un ensemble d'indicateurs reflétant
l'environnement institutionnel de ses pays membres. Nous utilisons ces
données dans la suite de notre travail.
Kaufmann, Kraay et Zoido-Lobaton (Banque mondiale et
Université de Stanford, 1999) définissent six indicateurs, comme
reflétant l'environnement institutionnel d'un pays donné:
1. Participation des citoyens et
responsabilisation : possibilité pour les
citoyens de choisir leurs dirigeants, de jouir de droits politiques et civils
et d'avoir une presse indépendante.
2. Stabilité politique et absence de
violence: probabilité qu'un Etat ne soit pas
renversé par des moyens inconstitutionnels ou violents,
3. Efficacité des pouvoirs publics:
qualité de la prestation des services publics,
compétence et indépendance politique de la fonction publique,
4.
Poids de la réglementation :
absence relative de réglementation parl'Etat des marchés de
produits, du système bancaire et du commerce extérieur,
5. Etat de droit : protection des
personnes et des biens contre la violence et le vol, indépendance et
efficacité de la magistrature et respect des contrats,
6. Absence de corruption : pas
d'abus de pouvoir au profit d'intérêts privés.
A titre d'illustration, nous présentons de façon
graphique les liens entre ces différents indicateurs et la performance
économique. A cet effet, on a récupéré les
résidus après estimation (sans la constante) de l'équation
de croissance, afin de purger le taux de croissance économique de
l'impact des autres variables exogènes. Ces résidus sont ensuite
croisés avec les six indicateurs de l'environnement institutionnel. Les
résultats sont les suivants:
Figure II--7 : Indicateurs institutionnels et croissance
économique
Source : calculs comparative de Freeman
et Lindauer, 1999
L'indicateur démocratique « participation des
citoyens et responsabilisation » est le moins bien corrélé
avec la croissance. L'histoire économique permet d'expliquer du moins
partiellement ce lien. A titre d'exemple, le décollage économique
de la Corée du Sud s'est effectué sous dictature militaire, de
même en Turquie. Ainsi, un régime autoritaire peut
présenter une sécurité élevée pour les
personnes et les biens encourageant ainsi les initiatives privées, comme
c'est le cas au Maroc et en Tunisie. Lorsque par contre le régime ne
garantit pas l'appropriation des gains de l'initiative privée (la RDC
à l'epoque du Zaïre de Mobutu par exemple), les résultats
sur la croissance sont catastrophiques (Freeman et
Lindauer, 1999).
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