2. Gouvernance et efficacité de l'aide en Afrique
sub--saharienne
Un facteur déterminant dans l'explication de
l'inefficacité de l'aide internationale en Afrique sub-saharienne est
son effet pervers sur la qualité de la gouvernance dans les pays
aidés, comme nous l'avons étudié plus haut. C'est ce que
nous montrons ici empiriquement, en étudiant l'efficacité de
l'aide internationale vis-à-vis de l'objectif de croissance
économique en tenant compte de la qualité de la «
gouvernance » dans les pays récipiendaires. La bonne gouvernance va
être abordée en deux temps:
-- Traditionnellement comme Burnside et Dollar (1997,
2000) et Easterly et all. (2003), on considère un
indicateur de l'environnement de « politique économique ».
-- A notre manière, en construisant un « indicateur
synthétique de gouvernance ».
2.1. Politiques économiques et efficacité
de l'aide
Depuis les travaux pionniers de Burnside et Dollar (1997)
repris par Banque mondiale (1998), l'effet des politiques économiques
dans les pays récipiendaires sur l'efficacité de l'aide ne cesse
de faire débat. Si l'aide est productive lorsqu'elle est
accompagnée de « bonnes politiques économiques »,
l'effet croisé de l'aide et d'un indicateur de politique
économique sera positif et significatif sur la croissance
économique. Nous construisons pour cela, un indicateur de politique
économique que nous croisons avec l'aide pour chaque pays.
La variable de qualité de la politique
économique est un indicateur qui prend en compte trois autres
variables64 : l'ouverture de l'économie au commerce, la
politique budgétaire évaluée à l'aune du surplus
budgétaire en pourcentage du PIB, et l'inflation. Cet indicateur,
à l'instar de Burnside et
63 Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté
(CSLP en français).
64 Burnside et Dollar (1997, 2000) ; Easterly (2003).
Dollar (1997, 2000) et Easterly (2003) est obtenu à
partir des coefficients de l'estimation de l'équation de
croissance65. La formule de calcul est la suivante:
Pol.écon = 0,48+ 1,3 x Ouverture - 0,085 x Inflation +
0,12 x Solde budgétaire.
La constante 0,48 est l'impact de toutes les autres variables
(hormis l'inflation, le degré d'ouverture et le solde budgétaire)
évaluées à leur valeur moyenne pour la région, sur
la croissance économique. Notons qu'un taux d'inflation
élevé et/ou un déficit budgétaire
élevé peuvent entraîner la négativité de cet
indicateur; alors l'ouverture au commerce l'influence positivement.
A partir donc de cet indicateur de politique
économique, on peut évaluer sur notre échantillon
décrit plus haut, l'impact de l'effet croisé de l'aide
internationale et de l'environnement de politique économique sur la
croissance.
L'équation à estimer est alors:
Le résultat de cette régression est
résumé dans le tableau suivant Tableau II-6 : Aide --
Politique économique -- Croissance
Nbre : d'observation: 328 R--Carré: 0,39
F--statistic : 4,2863***
NB : idem à d'autre tabeaux
Le coefficient de l'aide au développement sur la
croissance du revenu par tête n'est pas significatif. Celui de
l'indicateur de politique économique est positif et significatif
à 1% (0,0351***). Curieusement, le coefficient de la variable combinant
aide et politique économique est négatif et
65 Il s'agit de la première estimation de
l'équation de croissance, dans le chapitre 3 de la première
partie. Dans cette estimation, 1,3 est le coefficient de l'ouverture au
commerce, --0,085 celui de l'inflation et 0,12 celui du solde
budgétaire.
66 C'est la raison pour laquelle nous n'avons
pas introduit l'indicateur institutionnel dans nospremières estimations.
Cela réduirait alors notre champs d'étude.
significatif (-0.07***), contrairement aux résultats de
Burnside et Dollar. Alors que Easterly concluait à une parfaite
stérilité de l'aide internationale même en présence
de « bonnes politiques économiques », on obtient ici que
l'aide est perverse même en présence de bonnes politiques.
Ce résultat est un réel paradoxe. Comment
peut-on comprendre, que l'aide extérieure qu'on croyait promouvoir la
croissance économique, exerce un impact négatif sur cette
dernière lorsqu'on la croise avec l'indicateur de politique
économique ? Une explication à ce problème est que la
défaillance majeure du système dictatorial n'est pas liée
aux politiques macroéconomiques, mais à la qualité des
institutions (Olson, 1994). L'objectif du gouvernement « prédateur
» étant d'appauvrir la population au profit des «
privilégiés », il va « confisquer les profits » et
donc, pas d'Etat de droit. La qualité du service publique sera faible et
le niveau de corruption élevé. Il n'y aura donc pas d'incitation
à investir. L'environnement institutionnel est dans ce cas,
l'élément déterminant dans l'explication de la performance
économique.
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