DEUXIEME PARTIE
LES RAISONS DE L»INEFFICACITE DE L'AIDE EN AFRIQUE NOIRE
« Grande est notre faute, si la misère de nos
pauvres découle non pas de lois naturelles mais de nos institutions
».
Charles Darwin, Le voyage du
Beagle.
Nous venons de voir dans la première partie de ce
travail que l'aide est inefficace en Afrique sub-saharienne. Le
décollage économique tant attendu, que devait amener l'aide
internationale ne s'est pas produit après plus d'un demi-siècle
d'aide aux économies africaines. Et pourtant, l'histoire nous enseigne
que, l'aide a connu des succès éclatants ailleurs dans le monde.
En effet, de par le passé, l'aide extérieure a aidé
l'Europe (plan Marshall). Nous avons vu dans l'introduction de ce travail,
l'exemple de la Corée du Sud. Tout comme la Corée, les autres
dragons d'Asie comme Singapour, Taiwan, ... doivent aussi une grande partie de
leur réussite économique à l'aide internationale. Et on
cite aujourd'hui l'exemple des bébé-dragons d'Asie
(Indonésie, Malaisie, ...)53 comme réussite de l'aide
internationale.
Comment peut-on comprendre qu'en Afrique sub-saharienne,
l'aide soit stérile, inefficace ? Comment peut-on comprendre que
malgré la place qu'occupe la région dans l'enveloppe totale
d'aide, la pauvreté y progresse ? En quoi réside
la faiblesse de l'aide internationale à
promouvoir le développement Afrique sub-saharienne ?
Pourquoi les pays d'Afrique sub-
saharienne échouent-ils là où les pays
asiatiques comme la Corée du Sud, le Taiwan et l'Indonésie ont
réussi?
En partant de la littérature économique, les
raisons qu'on peut évoquer pour expliquer les difficultés de
croissance et l'échec de l'aide en Afrique sont les suivantes : i) les
facteurs géographiques comme les conditions climatiques ; ii) les
dotations en ressources naturelles (comme par exemple l'eau, les terres
arables, ...) et l'enclavement; iii) les dotations en capital physique et
humain; iv) la faiblesse du revenu qui entraîne une demande globale
faible ; v) les facteurs démographiques ; vi) un système
financier sous-développé qui ne favorise pas le
développement du secteur réel ; vii) les variables de politique
économique notamment la politique budgétaire et monétaire;
viii) le niveau de l'épargne et l'investissement; ix) la faiblesse du
système technologique ; x) la compétitivité des taux de
change et les régimes commerciaux; xi) les facteurs institutionnels
comme par exemple l'engagement et la crédibilité politiques, la
qualité de la fonction et des services publiques, le respect de la loi,
la corruption et le maintien de l'ordre publique; xii) l'insuffisance du budget
de l'aide au développement; xiii) l'affectation ou encore l'utilisation
qui est faite de l'aide internationale au développement reçue;
xiv) les conflits d'intérêts et la politique des donateurs en
matière d'aide extérieure ; xv) l'impact de l'aide sur les
comportements dans les pays receveurs.
En toute logique, les facteurs ci-dessus
énumérés peuvent se résumer en trois grands
points:
-- Les handicaps structurels qui emprisonnent les
économies africaines dans un équilibre de trappe à
pauvreté qui est un équilibre de bas niveau, dont l'aide
internationale, parce que faible ne leur a pas permis de s'extirper.
-- Les effets d'incitation que crée l'aide
internationale notamment vis-àvis de la gouvernance dans les pays
aidés.
-- Les pratiques des donateurs qui conduisent souvent à
des inefficiences en matière de politique de développement.
53 Voir par exemple Cohen Daniel et al. (2006), page 109.
54 Les deux termes (trappe à
pauvreté (ou à sous-développement) et piège
à pauvreté) désignent un même
phénomène. On les utilisera indifféremment dans ce
travail.
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