2.2. Les externalités interétatiques,
l'aide et l'efficience
Il y a eu ces dernières années de nombreuses
discussions sur les externalités interétatiques. Les pays
industrialisés utilisent de manière abusive, certains biens
publics mondiaux épuisables, et dégagent trop de déchets
nuisibles à l'humanité (gaz à effets de serre, pollution
des eaux, bruit, ...). Certains auteurs considèrent que les
externalités interétatiques s'avèrent des explications
importantes de la stagnation des pays en développement28
(Gunning, 2004). De ce fait, il est optimal de mettre en
place une taxation pour compenser ces externalités
négatives. Ainsi, l'aide internationale peut-elle être
considérée comme un système de taxes, où les pays
pauvres paient un impôt négatif (puisqu'ils ne polluent pas) ; et
les pays industrialisés, auteurs des nuisances paient des taxes sur
leurs revenus. De ce point de vue, l'objectif des 0,7% du PNB en aide
internationale fixé par l'ONU peut être appréhendé
comme une taxe proportionnelle au revenu. En somme, l'aide internationale n'est
pas seulement un geste de générosité. Au-delà de
l'altruisme des plus nantis, le besoin de justice, les biens publics mondiaux,
et les externalités interétatiques nécessitent
l'intervention d'une force publique internationale. On peut donc
considérer le monde actuel comme une entité dans laquelle l'ONU
joue le rôle de puissance publique, et où les Nations sont
considérées comme les individus. Telle une politique de
redistribution à l'intérieur d'une même Nation, la
puissance publique (l'ONU) taxe le revenu des plus riches (d'où
l'objectif des 0,7% du PNB des pays développés) pour
subventionner la consommation des plus pauvres (médicaments contre le
paludisme et le Sida, aide alimentaire, fourniture d'eau, ...) et pour financer
la production de biens publics (recherche, environnement, paix). Ceci
confère à l'aide internationale un fondement suffisamment solide.
La politique d'aide au développement est donc une politique efficiente.
Il s'agit alors d'améliorer le bien-être de tous
(amélioration au sens de Pareto). Une autre façon d'atteindre cet
objectif (amélioration du bien-être de tous) est de repousser la
frontière des possibilités de production sur le plan mondial par
la promotion de la croissance économique dans les pays pauvres. La
théorie économique nous enseigne que le capital a une
productivité marginale décroissante. Plus on est riche, moins le
capital est productif. Sur cette base, le capital sera plus productif dans les
pays en développement (on peut citer l'exemple de la Chine et de l'Inde
aujourd'hui). Rediriger une partie des ressources des pays du Nord vers le sud
crée donc des améliorations au sens de Pareto. L'aide
internationale investie en capital dans les pays pauvres est donc une politique
efficiente. Elle augmente la production globale. La frontière mondiale
des possibilités de production est donc repoussée vers le haut.
On élimine ainsi le problème statique de la répartition.
La figure ci-dessous montre que tout le monde y gagne
28 On peut citer à titre d'exemples, les pluies
acides et les longues sécheresses répétées alors
que les pays en développement vivent essentiellement de l'agriculture.
D'autre part, selon l'OMS, une récente épidémie de
méningite en Afrique sub--saharienne serait imputable aux changements
climatiques. Des hausses de température dues au réchauffement
planétaire accélèrent les cycles de
Figure I--16 : Aide, croissance économique et
amélioration au sens de Pareto
La croissance économique dans les pays pauvres peut
permettre à l'humanité de faire face à certains
défis majeurs comme la pauvreté, la migration,
l'insécurité et le terrorisme. L'exil économique et la
criminalité sur le plan mondial sont intrinsèquement liés
à la pauvreté dans les pays en développement. La lutte
contre la pauvreté peut être envisagée comme un « bien
public » que la communauté internationale doit financer. Cette
lutte ne peut passer que par l'augmentation du revenu dans les pays pauvres.
Promouvoir la croissance économique dans les pays du Tiers-monde devient
alors une nécessité ; et le moyen proposé pour y arriver
est le financement de l'investissement dans les pays pauvres à partir de
l'aide au développement. Se pose la question de savoir comment l'aide
favorise-t-elle la croissance économique et si la croissance
économique réduit réellement la pauvreté?
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