Section 2 : Aide, croissance économique et lutte
contre la pauvreté
Dans la section précédente, on a vu que la
croissance économique dans les pays pauvres qui augmente la richesse
globale, génère des améliorations au sens de Pareto. S'il
y a donc une politique à mener dans ce sens, elle pourrait faire objet
de consensus. Dans un premier temps, on présente l'importance pour le
revenu des pauvres d'une croissance économique soutenue à long
terme. On montre ensuite que l'aide peut permettre d'atteindre un tel objectif,
et conduire à l'élimination de la pauvreté dans le
monde.
Figure I--17 : Aide, croissance
économique et amélioration au sens de Pareto
La croissance économique dans les pays pauvres peut
permettre à l'humanité de faire face à certains
défis majeurs comme la pauvreté, la migration,
l'insécurité et le terrorisme. L'exil économique et la
criminalité sur le plan mondial sont intrinsèquement liés
à la pauvreté dans les pays en développement. La lutte
contre la pauvreté peut être envisagée comme un « bien
public » que la communauté internationale doit financer. Cette
lutte ne peut passer que par l'augmentation du revenu dans les pays pauvres.
Promouvoir la croissance économique dans les pays du Tiers-monde devient
alors une nécessité ; et le moyen proposé pour y arriver
est le financement de l'investissement dans les pays pauvres à partir de
l'aide au développement. Se pose la question de savoir comment l'aide
favorise-t-elle la croissance économique et si la croissance
économique réduit réellement la pauvreté?
1. Effets bénéfiques de la croissance
économique pour le revenu par tête moyen à long terme
Barro et Sala-i-Martin (1996) soulignent dans la
célèbre introduction de leur livre, les conséquences
à long terme d'une petite différence de taux de croissance
économique. Pour évaluer la répercussion sur de longues
périodes des différences des taux de croissance, on peut se
référer à l'exemple suivant relatif à trois pays
africains. En 1960, le Botswana, la Zambie et le Zimbabwe avaient des niveaux
de revenu par tête similaires : 650$ pour la Zambie, 467$ pour le
Zimbabwe, 313$ pour le Botswana. Remarquons toutefois que le revenu par
tête zambien représentait plus du double de celui botswanais. Ces
trois pays se situent dans une même zone géographique. Entre 1960
et 2005, le Botswana a connu un taux de croissance moyen de 6,44% ; celui du
Zimbabwe est 0,42% et la Zambie -0,91%. La figure ci-dessous présente
l'évolution de leur indice de PIB par habitant de 1965 à 2005.
Figure I-18 : Le Botswana: début d'un miracle en
Afrique?
La croissance économique a permis au Botswana de
multiplier son PIB par habitant moyen par 16,58 sur la période
1960-2005. Celui du Zimbabwe avec un taux de croissance de 0,42% n'a
été multiplié que par 1,2 et celui de la Zambie a
régressé. Il a été multiplié par 0,66. Le
revenu par tête au Botswana vaut en 2005 plus de 12 fois celui zambien
dont il valait moins de la moitié il y a moins de 50 ans. Et ceci
à cause de leur différence de croissance. Supposons que les trois
pays maintiennent ces taux de croissance économique pendant cent ans;
c'est-à-dire jusqu'en 2060. Le tableau ci-dessous présente les
estimations du revenu par tête pour les trois pays.
Tableau I-7 : Effets de différents taux de
croissance économique
Dans 50 ans environ, le revenu par tête au Botswana sera
voisin de 160000$. Il vaudra alors plus de 4 fois le revenu moyen par
tête des Etats-Unis aujourd'hui (37000$). Le Botswanais moyen sera alors
4 fois plus riche que l'Américain moyen l'est aujourd'hui. Alors que le
revenu par tête zimbabwéen qui croît au taux de 0,42% ne
sera que 710. Mais, si au lieu de ce taux (6,44%), le revenu par tête au
Botswana croissait de 5,44% ; c'est-à-dire 1% de moins que le taux de
croissance actuel, en 2060 le PIB par tête au Botswana vaudrait environ
62500$ ; c'est-à-dire pratiquement le tiers du montant de la
prévision précédente. Ainsi, même une petite
différence de taux de croissance, lorsqu'elle est cumulée sur une
période relativement longue, peut créer des écarts
considérables de bien-être. C'est pourquoi la croissance
économique est l'élément clé dans les pays pauvres
pour leur développement.
Malheureusement, plusieurs pays connaissent des taux de
croissance économique semblables à ceux du Zimbabwe et de la
Zambie. Sur la même période (1960-2005), le Timor-Leste a connu un
taux de croissance moyen de 0,57% ; l'Uruguay 0,8% ; le Burundi 0,45% ;
l'Argentine 0,72% ; l'Ethiopie (0,64%), ... Et il y a des situations pire :
République Centrafricaine -0,69% ; République Démocratique
du Congo -2,98% ; Haïti -1,14% ; Djibouti -4,34% ... Notre exemple
ci-dessus montre que si rien n'est fait pour aider la Zambie ou le Zimbabwe, 50
ans plus tard, ils
resteront toujours pauvres et l'écart de niveau de vie
entre le Botswanais moyen et le Zimbabwéen moyen sera
considérable. Pour citer Barro et Sala-i-Martin (1996) : « si nous
voulons comprendre pourquoi les niveaux de vie diffèrent tant entre
pays, nous devons déterminer les raisons d'écarts aussi
prononcés entre leurs taux de croissance économique à long
terme. Car même de petites différences entre ces taux de
croissance, lorsqu'elles sont cumulées sur une génération
ou plus, engendrent de remarquables écarts entre les niveaux de vie
». Une question fondamentale se pose alors. Pour paraphraser Lucas, «
la communauté humaine peut-elle agir pour que l'économie
zambienne puisse croître au même rythme que le Botswana ? Si oui,
que faut-il faire au juste ? Sinon, que peut-il y avoir dans la nature de la
Zambie pour qu'il en soit ainsi ? » Pour initier le processus de
croissance dans les pays pauvres, la solution avancée par la Banque
mondiale est que la communauté internationale finance leur
investissement grâce à l'aide internationale. En augmentant leur
stock de capital grâce à l'aide, les pays pauvres pourront
durablement connaître la croissance économique et ainsi vaincre la
pauvreté.
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