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Le defi de l'appropriation des textes de la decentralisation par les elus locaux : cas de la commune rurale de Kampti

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par Abdoul Karim DIABY
ENAM - Administrateur civil 2015
  

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Paragraphe I. Les suggestions à l'adresse de la collectivité

L'appropriation politique suppose une réelle connaissance des enjeux de la
décentralisation qui se matérialisera par une implication réelle des principaux acteurs

23PRD Sud-Ouest, avril 2009

24Enseignant de droit à l'Université de Ouagadougou, in «le grégarisme africain ou la mort«. Pour lui, le candidat à l'élection municipale doit « avoir une moralité attestée et le CEP ou niveau équivalent ». p. 33

que sont les élus et les populations concernées. Dès lors, il est important d'entreprendre un certain nombre d'actions pour faire en sorte que ces derniers fassent leur les préoccupations de développement et de bonne gouvernance de leur commune et s'investissent effectivement à cet effet. Pour ce faire, diverses propositions de solutions peuvent être formulées à l'endroit de ces acteurs.

A) A l'adresse des élus locaux

Une prise de conscience individuelle et collective s'avère nécessaire pour combler les insuffisances constatées à leur niveau. En effet, la question de la faiblesse des aptitudes des conseillers de la commune de Kampti est une réalité. Cependant le renforcement de leur capacité nécessite l'implication de plusieurs acteurs y compris les élus eux-mêmes. Ces derniers doivent tout d'abord prendre conscience des insuffisances qu'ils ont puis, adopter la résolution de changer cette situation en cherchant à se former conséquemment à l'exercice de cette responsabilité. Les conseillers pourront par exemple, initier seul ou en groupe des rencontres avec des personnes avisées (autorités locales déconcentrées ou fils de la localité assez imprégnés des questions de décentralisation et de développement local) en vue de recevoir des connaissances et des informations utiles pour leurs missions. De même, le succès de la mission des conseillers ne peut être garanti qu'à travers un contact permanent des élus avec la population locale pour renforcer son adhésion au processus de gestion des affaires locales.

B) A l'adresse de la population

Première bénéficiaire de ces efforts de développement, son rôle est indispensable dans ce processus. Dans la mesure où on ne saurait développer une personne contre son gré, il y a lieu que la population de Kampti restée jusque-là passive commence à s'engager, à aider ses élus à réussir les objectifs de développement fixés par la décentralisation. « On ne développe pas, on se développe » disait KI Zerbo25.

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25Joseph KI Zerbo, in «A quand l'Afrique«.

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Cette contribution de la population pourrait consister au paiement des taxes et impôts ; à l'interpellation des conseillers au sujet de leurs préoccupations, à la participation aux différentes sessions du conseil municipal. En outre, il serait bon que la population puisse s'appuyer sur les OSC oeuvrant dans le domaine de la décentralisation, du développement et de la démocratisation de façon générale pour constituer une force avant-gardiste en vue de défendre ses intérêts. Ainsi, les OSC veilleront d'une part à l'éveil des consciences des populations à travers l'organisation de causeries éducatives ; de théâtres forums, d'émissions radiophoniques interactives. Il constituera également un pouvoir de contrôle des actes des élus.

C) A l'adresse des autorités communales

A l'interne, il est souhaitable que les autorités communales mettent en place un vaste plan d'action de sensibilisation, d'information et de formation. Ces actions seront orientées aussi bien vers les conseillers municipaux, les membres des CVD mais aussi les populations. C'est dans ce sens que nous saluons l'initiative prise par les autorités locales en septembre 2014, d'informer les populations de la commune par voie de presse (Radio Gaoua) relativement à la gestion des affaires locales à travers l'organisation d'une émission interactive. En effet, ce canal permet d'informer, de former mais également de sensibiliser les populations sur les responsabilités de chacun de ces acteurs. En plus, les émissions radiophoniques du genre ont l'avantage de toucher un large public. Il est donc bon que cette initiative se poursuive. A ces tribunes de formation, doivent être impliqués les fils de la commune pour solliciter leur accompagnement. Cela peut se faire à travers l'organisation de journées portes-ouvertes, de conférences, de colloques et autres séminaires.

Les autorités locales doivent également travailler à élargir l'assiette des partenaires techniques et financiers qui interviennent dans la commune pour le renforcement des capacités des acteurs.

En ce qui concerne la question de la collecte des taxes, les autorités de la commune devront impliquer les conseillers et les membres des CVD à cette oeuvre. Ces acteurs pourront mettre à profit ces occasions pour sensibiliser la population à jouer sa partition pour le développement de la localité.

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En plus, les failles constatées dans l'organisation pratique des sessions du conseil municipal méritent d'être comblées. Relativement à ces sessions, le CGCT dispose que les lettres de convocation des sessions doivent être accompagnées d'avant-projets de budget, de délibérations et de tout autre document. Cela n'est pas fait dans la pratique pour des raisons financières, mais surtout en raison du faible niveau d'instruction des conseillers. Cet état des faits interpelle les commissions permanentes, en l'occurrence les présidents, à associer l'ensemble des conseillers dans l'élaboration des projets de délibérations en vue de permettre à ces derniers de toucher du doigt les réalités du terrain et de jouer pleinement leur rôle. Au cas échéant, il faudra se résoudre à prolonger la durée des sessions à quarante-huit (48) heures afin de s'attarder sur l'explication des projets dans le but d'éclairer les élus avant de leurs soumettre les différents projets pour délibération.

Pour ce qui concerne la lancinante question de l'analphabétisme des élus locaux, la formation semble être la panacée. Ainsi, faudrait-il à court terme inscrire les activités de formation dans les budgets communaux pour institutionnaliser l'activité afin qu'elle puisse être mieux suivie et atteindre les objectifs escomptés.

Une autre solution plus globale et dans le long terme pourrait venir de la scolarisation et de l'alphabétisation de l'ensemble de la population au sein de laquelle sortent les conseillers. La mairie pourrait par exemple, initier des projets et programmes en vue de promouvoir l'alphabétisation formelle ou non formelle, en français comme en langue locale, au profit de l'ensemble des conseillers et de la population non scolarisée ou déscolarisée. La scolarisation des enfants doit aussi être encouragée.

Enfin, les sessions se tiennent en français et traduites ensuite par un conseiller bénévole en lobiri. Ce conseiller n'a pas reçu de formation à cet effet. Ainsi rencontre-t-il de sérieuses difficultés dans la traduction de certains concepts. Il serait souhaitable que ce dernier soit formé pour lui faciliter le travail.

Paragraphe II. Les suggestions pour une implication des autres
acteurs dans le processus de décentralisation

A ce niveau, les suggestions concerneront l'Etat, les partenaires techniques et financiers, et les partis politiques.

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A) A l'adresse des autorités gouvernementales

La question de la lourdeur du conseil municipal de Kampti qui s'explique par le nombre pléthorique de conseillers ne peut être réglée qu'au niveau étatique. En effet la base de ce gros effectif de conseillers est à rechercher dans l'article 236 du code électoral qui dispose que «la circonscription électorale pour l'élection des conseillers municipaux des communes urbaines et rurales est le secteur et/ ou le village. Il est élus deux conseillers dans chaque village et/ ou secteur de la commune ». Si cette répartition est appréciable pour avoir mis l'accent sur la représentativité des minorités au sein du conseil, elle pêche par l'inefficacité, la lourdeur et l'iniquité dans la représentation des populations au sein du conseil municipal de Kampti. A titre indicatif, les données26 du recensement administratif indiquent qu'en 2004 la commune de Kampti comptait cent quinze (115) villages dont quatorze (14) avaient plus de cinq cents (500) habitants, vingt-sept (27) localités avaient entre cent (100) et deux cents (200) habitants et six localités comptaient moins de 100 habitants. Tous les villages ayant le même poids sans considération de la taille de la population, un village de mille cinq cents (1500) habitants sera représenté au conseil municipal par deux conseillers, au même titre qu'un village qui a moins de cent (100) habitants. Pour résorber ce problème d'effectif, deux solutions alternatives sont possibles :

La première, est la subdivision de Kampti en trois (03) départements donc trois (03) communes : Kampti, Passena et Galgouli comme cela avait été proposé pendant la deuxième République27. Le choix de ces localités se justifie par la taille de leur population et le dynamisme de l'activité économique. Cependant, si le problème persiste dans les nouvelles communes, des villages pourront être fusionnés ou supprimés conformément à l'article 11 du décret n°2011 -727/PRES/PM/MATDS du 07octobre 2011 portant conditions et modalités d'érection et de suppression de villages au Burkina Faso afin de parvenir à la réduction du nombre de conseillers.

26Extrait de la monographie de la commune de Kampti.

27Sous le régime du général Aboubacar Sangoulé LAMIZANA, Passena et Galgouli avaient été érigés en arrondissement conformément à la volonté exprimée des populations. Cependant ce régime n'a pas eu le temps de le mettre en oeuvre.

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La deuxième solution est d'ordre général, il s'agira pour le gouvernement d'initier un projet de relecture du code électoral notamment en son article 236 afin que désormais le territoire communal serve de circonscription électorale plutôt que le village. Dès lors, le nombre de conseillers sera déterminé par la taille de la population communale. Le problème d'effectif des conseillers municipaux s'en trouverait ipso facto définitivement résolu dans toutes les communes du pays.

Avec un nombre raisonnable de conseillers, la question de la gestion, c'est-à-dire, la responsabilisation et la formation de ces derniers sera plus aisé et donc leur maîtrise des objectifs et des enjeux de la décentralisation sera effective.

B) A l'adresse des partenaires techniques

C'est le lieu ici de reconnaître l'effort des partenaires techniques et financiers dans l'accompagnement des collectivités territoriales tant en ce qui concerne le financement des projets et programmes de développement qu'en ce qui concerne la formation des acteurs. Cependant, leur contribution peut être améliorée.

En effet, les formations dispensées et financées par les partenaires techniques jusque-là sont magistrales et données par des formateurs «théoriciens«. Ainsi, les élus ne parviennent pas toujours à retenir les définitions abstraites des thèmes abordés, encore moins qu'à assimiler véritablement ces informations. C'est pourquoi, il est souhaitable que désormais la formation des élus soit assurée par une équipe mixte composée de spécialistes en décentralisation, mais aussi d'élus expérimentés de communes plus anciennes pour donner à la formation un caractère plus pratique. Ces derniers pourront du même coup partager leur expérience avec les conseillers novices des communes comme Kampti.

En outre, il est impérieux que les formateurs engagés comprennent la langue locale, compte tenu du fort taux d'analphabétisme de la population de manière générale et des conseillers de façon particulière. Cela aura l'avantage de faciliter les échanges. Aussi, ce taux d'analphabétisme élevé de la population montre que celui des conseillers va perdurer encore longtemps.

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Par ailleurs, la formation doit être étendue à l'ensemble des conseillers et aux membres des CVD pour éviter les confusions de rôles constatées très souvent sur le terrain.

C) A l'adresse des partis politiques

Les partis politiques doivent s'impliquer dans les initiatives de formation de leurs membres notamment sur les notions de démocratie, de bonne gouvernance et de développement, mais également sur la décentralisation. Etant entendu que la formation, l'éducation et la sensibilisation font partie intégrante de leur mission.

Enfin, il est bien de former les élus locaux sur les notions de décentralisation et de ses implications. Il est également nécessaire que ses derniers soient formés sur leur rôle et leur responsabilité. Mais encore faut-il qu'ils soient suffisamment outillés pour jouer correctement leurs rôles. En effet, les conseillers peuvent savoir qu'ils ont la charge de définir les grandes orientations du développement de leur commune sans pour autant savoir comment concevoir un plan de développement. Comme le disaient des auteurs : « la bonne gouvernance des affaires locales exige des décideurs les qualités suivantes : la disponibilité, la communication, l'honnêteté, l'ouverture d'esprit, l'esprit de travail en équipe, la recherche de l'innovation, le sens du travail bien fait, etc. De même, un bon décideur de collectivité territoriale doit être à mesure de coordonner des activités diverses en rapport avec le social, le culturel, l'économique et le politique »28. En conséquence, les formations à l'adresse des élus locaux doivent s'efforcer d'intégrer ces notions en vue de renforcer les aptitudes des élus de Kampti et leur permettre enfin de s'approprier définitivement les exigences et les enjeux de la décentralisation.

28OUEDRAOGO (M), MILLOGO (E), GUIRE (M), KABORE (M.T) in « Les capacités des communes rurales au Burkina Faso. Naviguer entre l'apprentissage et le pré-requis« ; op.cit P 22 à 23

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus