Paragraphe I. Les suggestions à l'adresse de la
collectivité
L'appropriation politique suppose une réelle
connaissance des enjeux de la décentralisation qui se
matérialisera par une implication réelle des principaux
acteurs
23PRD Sud-Ouest, avril 2009
24Enseignant de droit à l'Université
de Ouagadougou, in «le grégarisme africain ou la mort«.
Pour lui, le candidat à l'élection municipale doit «
avoir une moralité attestée et le CEP ou niveau équivalent
». p. 33
que sont les élus et les populations concernées.
Dès lors, il est important d'entreprendre un certain nombre d'actions
pour faire en sorte que ces derniers fassent leur les préoccupations de
développement et de bonne gouvernance de leur commune et s'investissent
effectivement à cet effet. Pour ce faire, diverses propositions de
solutions peuvent être formulées à l'endroit de ces
acteurs.
A) A l'adresse des élus locaux
Une prise de conscience individuelle et collective
s'avère nécessaire pour combler les insuffisances
constatées à leur niveau. En effet, la question de la faiblesse
des aptitudes des conseillers de la commune de Kampti est une
réalité. Cependant le renforcement de leur capacité
nécessite l'implication de plusieurs acteurs y compris les élus
eux-mêmes. Ces derniers doivent tout d'abord prendre conscience des
insuffisances qu'ils ont puis, adopter la résolution de changer cette
situation en cherchant à se former conséquemment à
l'exercice de cette responsabilité. Les conseillers pourront par
exemple, initier seul ou en groupe des rencontres avec des personnes
avisées (autorités locales déconcentrées ou fils de
la localité assez imprégnés des questions de
décentralisation et de développement local) en vue de recevoir
des connaissances et des informations utiles pour leurs missions. De
même, le succès de la mission des conseillers ne peut être
garanti qu'à travers un contact permanent des élus avec la
population locale pour renforcer son adhésion au processus de gestion
des affaires locales.
B) A l'adresse de la population
Première bénéficiaire de ces efforts de
développement, son rôle est indispensable dans ce processus. Dans
la mesure où on ne saurait développer une personne contre son
gré, il y a lieu que la population de Kampti restée
jusque-là passive commence à s'engager, à aider ses
élus à réussir les objectifs de développement
fixés par la décentralisation. « On ne développe pas,
on se développe » disait KI Zerbo25.
~ 48 ~
25Joseph KI Zerbo, in «A quand
l'Afrique«.
--' 49 --'
Cette contribution de la population pourrait consister au
paiement des taxes et impôts ; à l'interpellation des conseillers
au sujet de leurs préoccupations, à la participation aux
différentes sessions du conseil municipal. En outre, il serait bon que
la population puisse s'appuyer sur les OSC oeuvrant dans le domaine de la
décentralisation, du développement et de la
démocratisation de façon générale pour constituer
une force avant-gardiste en vue de défendre ses intérêts.
Ainsi, les OSC veilleront d'une part à l'éveil des consciences
des populations à travers l'organisation de causeries éducatives
; de théâtres forums, d'émissions radiophoniques
interactives. Il constituera également un pouvoir de contrôle des
actes des élus.
C) A l'adresse des autorités
communales
A l'interne, il est souhaitable que les autorités
communales mettent en place un vaste plan d'action de sensibilisation,
d'information et de formation. Ces actions seront orientées aussi bien
vers les conseillers municipaux, les membres des CVD mais aussi les
populations. C'est dans ce sens que nous saluons l'initiative prise par les
autorités locales en septembre 2014, d'informer les populations de la
commune par voie de presse (Radio Gaoua) relativement à la gestion des
affaires locales à travers l'organisation d'une émission
interactive. En effet, ce canal permet d'informer, de former mais
également de sensibiliser les populations sur les responsabilités
de chacun de ces acteurs. En plus, les émissions radiophoniques du genre
ont l'avantage de toucher un large public. Il est donc bon que cette initiative
se poursuive. A ces tribunes de formation, doivent être impliqués
les fils de la commune pour solliciter leur accompagnement. Cela peut se faire
à travers l'organisation de journées portes-ouvertes, de
conférences, de colloques et autres séminaires.
Les autorités locales doivent également
travailler à élargir l'assiette des partenaires techniques et
financiers qui interviennent dans la commune pour le renforcement des
capacités des acteurs.
En ce qui concerne la question de la collecte des taxes, les
autorités de la commune devront impliquer les conseillers et les membres
des CVD à cette oeuvre. Ces acteurs pourront mettre à profit ces
occasions pour sensibiliser la population à jouer sa partition pour le
développement de la localité.
--' 50 --'
En plus, les failles constatées dans l'organisation
pratique des sessions du conseil municipal méritent d'être
comblées. Relativement à ces sessions, le CGCT dispose que les
lettres de convocation des sessions doivent être accompagnées
d'avant-projets de budget, de délibérations et de tout autre
document. Cela n'est pas fait dans la pratique pour des raisons
financières, mais surtout en raison du faible niveau d'instruction des
conseillers. Cet état des faits interpelle les commissions permanentes,
en l'occurrence les présidents, à associer l'ensemble des
conseillers dans l'élaboration des projets de
délibérations en vue de permettre à ces derniers de
toucher du doigt les réalités du terrain et de jouer pleinement
leur rôle. Au cas échéant, il faudra se résoudre
à prolonger la durée des sessions à quarante-huit (48)
heures afin de s'attarder sur l'explication des projets dans le but
d'éclairer les élus avant de leurs soumettre les
différents projets pour délibération.
Pour ce qui concerne la lancinante question de
l'analphabétisme des élus locaux, la formation semble être
la panacée. Ainsi, faudrait-il à court terme inscrire les
activités de formation dans les budgets communaux pour
institutionnaliser l'activité afin qu'elle puisse être mieux
suivie et atteindre les objectifs escomptés.
Une autre solution plus globale et dans le long terme pourrait
venir de la scolarisation et de l'alphabétisation de l'ensemble de la
population au sein de laquelle sortent les conseillers. La mairie pourrait par
exemple, initier des projets et programmes en vue de promouvoir
l'alphabétisation formelle ou non formelle, en français comme en
langue locale, au profit de l'ensemble des conseillers et de la population non
scolarisée ou déscolarisée. La scolarisation des enfants
doit aussi être encouragée.
Enfin, les sessions se tiennent en français et
traduites ensuite par un conseiller bénévole en lobiri. Ce
conseiller n'a pas reçu de formation à cet effet. Ainsi
rencontre-t-il de sérieuses difficultés dans la traduction de
certains concepts. Il serait souhaitable que ce dernier soit formé pour
lui faciliter le travail.
Paragraphe II. Les suggestions pour une implication
des autres acteurs dans le processus de
décentralisation
A ce niveau, les suggestions concerneront l'Etat, les
partenaires techniques et financiers, et les partis politiques.
-' 51 -'
A) A l'adresse des autorités
gouvernementales
La question de la lourdeur du conseil municipal de Kampti qui
s'explique par le nombre pléthorique de conseillers ne peut être
réglée qu'au niveau étatique. En effet la base de ce gros
effectif de conseillers est à rechercher dans l'article 236 du code
électoral qui dispose que «la circonscription électorale
pour l'élection des conseillers municipaux des communes urbaines et
rurales est le secteur et/ ou le village. Il est élus deux conseillers
dans chaque village et/ ou secteur de la commune ». Si cette
répartition est appréciable pour avoir mis l'accent sur la
représentativité des minorités au sein du conseil, elle
pêche par l'inefficacité, la lourdeur et l'iniquité dans la
représentation des populations au sein du conseil municipal de Kampti. A
titre indicatif, les données26 du recensement administratif
indiquent qu'en 2004 la commune de Kampti comptait cent quinze (115) villages
dont quatorze (14) avaient plus de cinq cents (500) habitants, vingt-sept (27)
localités avaient entre cent (100) et deux cents (200) habitants et six
localités comptaient moins de 100 habitants. Tous les villages ayant le
même poids sans considération de la taille de la population, un
village de mille cinq cents (1500) habitants sera représenté au
conseil municipal par deux conseillers, au même titre qu'un village qui a
moins de cent (100) habitants. Pour résorber ce problème
d'effectif, deux solutions alternatives sont possibles :
La première, est la subdivision de Kampti en trois (03)
départements donc trois (03) communes : Kampti, Passena et Galgouli
comme cela avait été proposé pendant la deuxième
République27. Le choix de ces localités se justifie
par la taille de leur population et le dynamisme de l'activité
économique. Cependant, si le problème persiste dans les nouvelles
communes, des villages pourront être fusionnés ou supprimés
conformément à l'article 11 du décret n°2011
-727/PRES/PM/MATDS du 07octobre 2011 portant conditions et modalités
d'érection et de suppression de villages au Burkina Faso afin de
parvenir à la réduction du nombre de conseillers.
26Extrait de la monographie de la commune de
Kampti.
27Sous le régime du général
Aboubacar Sangoulé LAMIZANA, Passena et Galgouli avaient
été érigés en arrondissement conformément
à la volonté exprimée des populations. Cependant ce
régime n'a pas eu le temps de le mettre en oeuvre.
-' 52 -'
La deuxième solution est d'ordre général,
il s'agira pour le gouvernement d'initier un projet de relecture du code
électoral notamment en son article 236 afin que désormais le
territoire communal serve de circonscription électorale plutôt que
le village. Dès lors, le nombre de conseillers sera
déterminé par la taille de la population communale. Le
problème d'effectif des conseillers municipaux s'en trouverait ipso
facto définitivement résolu dans toutes les communes du pays.
Avec un nombre raisonnable de conseillers, la question de la
gestion, c'est-à-dire, la responsabilisation et la formation de ces
derniers sera plus aisé et donc leur maîtrise des objectifs et des
enjeux de la décentralisation sera effective.
B) A l'adresse des partenaires techniques
C'est le lieu ici de reconnaître l'effort des
partenaires techniques et financiers dans l'accompagnement des
collectivités territoriales tant en ce qui concerne le financement des
projets et programmes de développement qu'en ce qui concerne la
formation des acteurs. Cependant, leur contribution peut être
améliorée.
En effet, les formations dispensées et financées
par les partenaires techniques jusque-là sont magistrales et
données par des formateurs «théoriciens«. Ainsi, les
élus ne parviennent pas toujours à retenir les définitions
abstraites des thèmes abordés, encore moins qu'à assimiler
véritablement ces informations. C'est pourquoi, il est souhaitable que
désormais la formation des élus soit assurée par une
équipe mixte composée de spécialistes en
décentralisation, mais aussi d'élus expérimentés de
communes plus anciennes pour donner à la formation un caractère
plus pratique. Ces derniers pourront du même coup partager leur
expérience avec les conseillers novices des communes comme Kampti.
En outre, il est impérieux que les formateurs
engagés comprennent la langue locale, compte tenu du fort taux
d'analphabétisme de la population de manière
générale et des conseillers de façon particulière.
Cela aura l'avantage de faciliter les échanges. Aussi, ce taux
d'analphabétisme élevé de la population montre que celui
des conseillers va perdurer encore longtemps.
-' 53 -'
Par ailleurs, la formation doit être étendue
à l'ensemble des conseillers et aux membres des CVD pour éviter
les confusions de rôles constatées très souvent sur le
terrain.
C) A l'adresse des partis politiques
Les partis politiques doivent s'impliquer dans les initiatives
de formation de leurs membres notamment sur les notions de démocratie,
de bonne gouvernance et de développement, mais également sur la
décentralisation. Etant entendu que la formation, l'éducation et
la sensibilisation font partie intégrante de leur mission.
Enfin, il est bien de former les élus locaux sur les
notions de décentralisation et de ses implications. Il est
également nécessaire que ses derniers soient formés sur
leur rôle et leur responsabilité. Mais encore faut-il qu'ils
soient suffisamment outillés pour jouer correctement leurs rôles.
En effet, les conseillers peuvent savoir qu'ils ont la charge de définir
les grandes orientations du développement de leur commune sans pour
autant savoir comment concevoir un plan de développement. Comme le
disaient des auteurs : « la bonne gouvernance des affaires locales exige
des décideurs les qualités suivantes : la disponibilité,
la communication, l'honnêteté, l'ouverture d'esprit, l'esprit de
travail en équipe, la recherche de l'innovation, le sens du travail bien
fait, etc. De même, un bon décideur de collectivité
territoriale doit être à mesure de coordonner des activités
diverses en rapport avec le social, le culturel, l'économique et le
politique »28. En conséquence, les formations à
l'adresse des élus locaux doivent s'efforcer d'intégrer ces
notions en vue de renforcer les aptitudes des élus de Kampti et leur
permettre enfin de s'approprier définitivement les exigences et les
enjeux de la décentralisation.
28OUEDRAOGO (M), MILLOGO (E), GUIRE (M), KABORE
(M.T) in « Les capacités des communes rurales au Burkina Faso.
Naviguer entre l'apprentissage et le pré-requis« ; op.cit P 22
à 23
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