La distribution des dividendes en droit des sociétés commerciales ohada( Télécharger le fichier original )par Marc Rostel KANA KENGNI Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2013 |
Paragraphe 2 : LA MISE EN PAIEMENT OBLIGATOIREDES DIVIDENDESAprès la décision de distribution des dividendes, deux situations peuvent se présenter. Soit la société paie le dividende aux associés ; dans ce cas, la réalisation du paiement est amiable (A). Soit, elle ne s'exécute pas. Il faudrait alors que les associés réclament leur créance. Dans cette hypothèse, il s'agira d'une réalisation contentieuse du paiement (B). A- La réalisation amiable du paiementDès la naissance du droit au dividende, la société doit s'acquitter de sa dette dans les délais. Le droit au paiement des dividendes naît dès la décision de distribution. À compter de cette date, la société est débitrice du dividende à l'égard des associés. Ceux-ci peuvent d'ailleurs produire comme créanciers et viendront en sixième rang pour le paiement en cas de liquidation des biens de la société. Pour cela,ils doiventêtre titulaires d'un titre exécutoire et intervenir dans la procédure281(*).La sociétén'a pas le droit de revenir sur la décision et prétendre que le dividende ne sera pas distribué ou qu'il le sera partiellement. Seuls les associés à l'unanimité peuvent renoncer à leur droit. Le délai fixé pour le paiement du dividende est prévu par l'article 146 de l'AUSCGIE qui dispose que : « la mise en paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximum de neuf mois après la clôture de l'exercice. La prolongation de ce délai peut être accordée par le président de la juridiction compétente ». Ainsi, si l'approbation des comptes et le vote de la décision de distribution interviennent dans les six mois de la clôture de l'exercice282(*), la société dispose de trois mois pour verser le dividende aux associés. La prolongation de ce délai doit impérativement être accordée par le président de la juridiction compétente283(*). Les associés peuvent d'ailleurs mettre en demeure la société de leur payer les dividendes. Cette mise en demeure est souvent le prélude à une réalisation contentieuse du paiement. B- La réalisation contentieuse du paiementLorsque l'assemblée générale des associés a pris la décision de distribuer des dividendes, les dirigeants doivent verser les sommes prévues dans les neuf mois suivant la clôture de l'exercice. À défaut, les associés peuvent réclamer leur dû en justice. Combien de temps ont-ils pour le faire ? Cette question soulève le problème de la prescription du droit de l'associé de réclamer ses dividendes. Le législateur OHADA n'a pas entrevu cette question. Les délais qui y sont envisagés concernent entre autres la prescription de l'action sociale284(*), de l'action individuelle285(*), de l'action en nullité286(*)ou encore de l'action en répétition des dividendes dans le cadre de la distribution des dividendes fictifs287(*). Dès lors faut-il appliquer l'article 2277 du Code civil qui dispose que « se prescrivent par cinq ans tout ce qui est payable par année ou à terme périodique plus court »288(*) ? Pour être soumise à la prescription quinquennale, la créance dont le paiement est réclamé doit présenter un caractère de périodicité, c'est-à-dire se reproduire à des intervalles réguliers, lesquels ne doivent pas excéder un an, et elle ne doit pas être variable, lorsque la variation est déterminée par des éléments ignorés du créancier289(*). La créance de dividende remplit partiellement la condition de la périodicité. En effet, même si le dividende doit être distribué annuellement, son existence est soumise à des aléas. La créance de dividendes suppose non seulement la réalisation de bénéfices, mais encore une décision des associés de les distribuer, ce qui n'est pas obligatoire. De même, l'associé est titulaired'une créance variableparce que celle-ci dépend directement des bénéfices réalisés par la société qui sont eux même variables. Dans ces conditions, la prescription quinquennale ne devrait pas s'appliquer en matière de dividende en droit OHADA. La prescription de droit commun de trente ans doit en revanche s'appliquer. Ceci permet de protéger les investisseurs surtoutnon professionnels. Les associés disposent alors d'un délai assez long pour la réclamation de leur créance. Pour cela, ils doivent mettre les dirigeants en demeure de verser les sommes dues. Si la mise en demeure est infructueuse, ils doivent saisir le juge notamment par une requête en injonction de payer. Le dividende étant quérable, il appartient au bénéficiaire de le réclamer. Tant que ce dividende n'est pas réclamé ou versé sur un compte individuel au nom de l'associé, il n'est pas considéré comme perçu. En cas de non-paiement par la société, l'associé ou l'actionnaire peut recourir à toutes les voies d'exécution. Dans le cas où le dividende est versé après le délai de neuf mois suivant la clôture de l'exercice, la société doit réparer le préjudice causé aux actionnaires290(*). L'associé ou l'actionnaire pourrait, par ailleurs, mettre en demeure la société et faire courir les dommages et intérêts moratoires. * 281 ANOUKAHA François, CISSE-NIANG Aminata, FOLI Messanvi, ISSA-SAYEGH Joseph, YANKHOBA NDIAYE Isaac, et SAMB Moussa, OHADA, Suretés, Collection droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 249. * 282 L'approbation des comptes doit obligatoirement intervenir dans les six mois de la clôture de l'exercice, voir supra p. 35 et s. * 283 Au Cameroun, ce sont les juridictions de l'ordre judiciaire qui tranchent les litiges relatifs aux affaires commerciales. Il s'agira selon le quantum de la demande, du tribunal de première instance (si le montant est inférieur ou égal à 10 000 000 F CFA) ou du tribunal de grande instance (si le montant est supérieur à 10 000 000 F CFA) en leur chambre civile et commerciale statuant en matière commerciale. * 284 3 ans et 10 ans pour les faits qualifiés de crime, art. 170 de l'AUSCGIE. * 285 Art.164(2) de l'AUSCGIE, même délai que l'action sociale. * 286 3 ans, art. 251, 256(3), 445, 516 de l'AUSCGIE * 287 3ans, art. 346 de l'AUSCGIE. Voir infra p. 105. * 288 C'est cette disposition qui est appliquée en droit français même si de plus en plus elle suscite des controverses doctrinales et des positions jurisprudentielles antinomiques. VoirAMER YAHIA Amel, op. cit., p. 167. * 289Cass. ass. plén., 7 juillet 1978, Bull. civ. n° 4, www.legifrance.gouv.cm * 290CA Paris 10 mars 1988, Dr. Soc. septembre 1988, p. 19, n° 264. |
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