Section 1. LES DIFFERENTES CATEGORIES DE RESERVES
En 1970, les réserves de pétrole,
publiées par les compagnies pétrolières, permettaient de
couvrir 30 ans de consommation, laquelle était de l'ordre de 2,4
milliards de tonnes par an. Ces réserves se montaient donc à
environ 72 milliards de tonnes de pétrole cette
année-là.
En 2000, après avoir consommé du pétrole
pendant 30 ans, pour environ 90 milliards de tonnes, soit plus que les
réserves connues en 1970, nous disposions de 140 milliards de tonnes
environ de réserves, sans compter ce que l'on appelle les
réserves de pétrole "non
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Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
conventionnel" qui viennent s'y rajouter, et dont l'estimation
du potentiel est tout sauf simple60.
Comment avons nous pu avoir cet apparent miracle, qui est que
les réserves ont pu ainsi croître et multiplier au fur et à
mesure que nous les consommons, alors que la Terre est finie ? Toute la
réponse à cette énigme apparente tient dans la
définition des réserves, qui n'est pas une notion purement
physique, mais une notion physico technico-économique, voire
politique.
1.1. Définition des réserves
Les ressources mondiales en hydrocarbures sont
constituées des quantités de pétrole ou de gaz naturel qui
existent ou qui existaient physiquement sous la surface de la Terre. Ces
ressources englobent les quantités de pétrole et de gaz naturel
déjà découvertes ainsi que celles non encore
découvertes. En 1995, ces ressources ont été
estimées à neuf trillions de barils61.
Contrairement à une idée répandue, les
ressources naturelles en hydrocarbures ne sont pas toutes
récupérables. En effet, les ressources naturelles
découvertes peuvent être scindées en deux
catégories; les ressources récupérables et
les ressources non récupérables. Les
quantités de ressources récupérables sont
évolutives et dépendent de facteurs techniques, physiques et
économiques.
Les techniques de forages développés au cours
des dernières années permettent actuellement d'atteindre et
d'extraire des ressources naturelles considérées auparavant comme
inexploitables. De même, au cours des trois dernières
décennies, les techniques de récupération
améliorées ont considérablement progressé faisant
accroître le taux de récupération des
ressources naturelles en place. Il est actuellement possible d'injecter de
l'eau, de la vapeur ou du gaz sous pression dans une poche pour favoriser la
récupération d'une fraction plus importante du pétrole qui
s'y trouve. Le taux de récupération du pétrole peut
60 Les réserves non conventionnelles
correspondent aux schistes bitumineux, aux sables asphaltiques et aux
pétroles extra lourds.
61 John L. Kennedy, "Oil and Gas Markets,
Companies, and Technology in the 1990's and Beyond", article paru dans le
Journal of Petroleum Technology, août 1995.
111
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
énormément varier d'un champ à un autre,
avec une médiane qui se situe aux alentours de 35% pour les
hydrocarbures liquides et 70% pour le gaz naturel62.
Figure 4: exemples de puits
sophistiqués
Bien évidemment, il y a une limite à la
réévaluation qui découle des progrès techniques,
car les taux de récupération ne sont pas seulement fonction des
méthodes employées mais aussi, et surtout, disent les
géologues, des caractéristiques physiques du réservoir.
Ces caractéristiques incluent l'emplacement du réservoir, son
épaisseur, sa porosité, sa profondeur, sa
géométrie, sa température, sa pression ainsi que la
viscosité du pétrole qui y est enfermé.
Cependant, les ressources en hydrocarbures dont l'extraction
est techniquement possible ne sont pas toutes économiquement ou
commercialement récupérables. La récupération
commerciale dépend, non seulement des ressources en place, mais aussi
des prix de vente et du coût marginal de développement, de
production, de transport et de vente des ressources extraites.
Généralement, un tel coût a tendance à augmenter au
fur et à mesure que les ressources découvertes sont
épuisées. Il s'en suit que l'estimation des quantités des
ressources
62 Source Jean LAHERRERE, Petroconsultants, 1997.
112
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
commercialement récupérables est beaucoup plus
complexe que l'estimation des ressources en place, techniquement
récupérables.
Par exemple, si le prix de vente du pétrole est de 20
dollars le baril, il est insensé de chercher à extraire du
pétrole avec un coût d'extraction de 25 dollars le baril,
même si les quantités qui pourraient être extraites sont
potentiellement très importantes. Par contre, si le prix de vente du
baril passe à 40 dollars, les ressources dont le coût d'extraction
est de 25 dollars le baril deviennent commercialement
récupérables et sont prise en compte parmi les
réserves, pour la fraction techniquement
récupérable uniquement.
Ainsi, les réserves d'hydrocarbures peuvent être
définies comme étant les quantités de pétrole
qui sont prévues à être commercialement
récupérables à partir d'accumulations connues et à
partir d'une date donnée63.
Le schéma suivant résume les différentes
catégories de ressources en pétrole et en gaz naturel telles que
proposées par "The Society of Petroleum Evaluation Engineers"
en décembre 1998.
Ressources totales en pétrole et gaz
naturel
1. non découvertes
2. découvertes:
a. Ressources non récupérables
b. Ressources récupérables:
i) Production passée cumulée
ii) Réserves (production
future)
|
63 SPE & WPC, «Quantities of petroleum
which are anticipated to be commercially recovered from known accumulations
from a given date forward ...», Mars 1997.
113
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
1.2. Classification des réserves
Actuellement, il n'existe pas de consensus international, ni
même national, sur la classification et la définition des
différentes catégories de réserves64. Ce
désaccord est essentiellement dû à la diversité des
techniques d'estimation (analogie, volumétrie, courbes de performance),
des approches d'estimation (déterministe, probabiliste) ainsi
qu'à la subjectivité de l'estimation de certains facteurs qui
impactent directement les quantités de ressources
récupérables, à savoir, coûts futurs de
développement, d'exploitation, d'abandon, prix de vente futurs
...etc.
Les experts retiennent généralement trois
catégories de réserves, les réserves prouvées, les
réserves probables et les réserves possibles. En 1997, le WPC
(World Petroleum Congress) et la SPE (Society of Petroleum Engineers) ont
conjugué leurs efforts dans un projet commun visant à
définir les différentes catégories de réserves dans
l'industrie pétrolière. Vu l'importance de l'effort entrepris et
l'endossement du document publié par plusieurs organismes à
travers le monde, nous retenons, dans ce qui suit, les définitions des
réserves prouvées, probables et possibles publiées
conjointement par le WPC et la SPE.
Réserves prouvées (pétrole dont
l'existence est physiquement prouvée, sans considération
sur la possibilité de récupération future
Réserves probables (pétrole dont
l'existence sous terre est considérée comme
probable, compte tenu des caractéristiques géologiques, de
réservoirs découverts à proximité, etc).
Réserves possibles (pétrole dont
l'existence sous terre est considérée comme
seulement possible).
Taux de récupération actuel, fonction des
conditions techniques et économiques du moment
Taux de récupération estimé pour le
futur proche, fonction des conditions techniques et économiques
à venir
Taux de récupération estimé pour un
futur non déterminé
Réserves prouvées
Réserves probables
Réserves possibles
64 A titre d'exemple, la commission Exploration du
Comité des Techniciens de la Chambre Syndicale de la Recherche et de la
Production du Pétrole et du Gaz Naturel (maintenant l'Union
Française de l'industrie du pétrole) regroupant tous les experts
des compagnies travaillant en France, avait rédigé une
première classification des réserves en 1982 (Pétrole et
Techniques n·287 p5-9, Mars 82), et une deuxième en 1990. Toutefois
les compagnies françaises continuent d'appliquer leurs propres
définitions, légèrement différentes de celle
préconisées.
114
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
a. Réserves prouvées
Les réserves prouvées sont définies par
le WPC/SPE comme étant «les quantités d'hydrocarbures
qui, par l'analyse des données géologiques et techniques, peuvent
être considérées avec une certitude raisonnable
comme étant commercialement récupérables,
à partir d'une date donnée, à partir de réservoirs
connus et compte tenu des conditions économiques, des méthodes
d'exploitation et de la réglementation
actuelles»65.
En général, les réserves sont
considérées comme prouvées si la productibilité
commerciale du réservoir est appuyée par une production
réelle ou des tests de formation concluants. La zone prouvée d'un
réservoir inclut:
- la portion délinéée par des forages et
définie par des contacts de fluides, le cas échéant;
- les portions non encore forées mais qui peuvent
être raisonnablement considérées comme commercialement
productibles sur la base des données géologiques et techniques
disponibles.
Les réserves que l'on prévoit extraire
grâce à l'application de techniques de récupération
améliorées ne sont incluses parmi les réserves
prouvées:
- qu'après la réalisation de projets pilotes
concluants, ou une fois que les résultats d'un programme
déjà implanté confirment que cette augmentation du taux de
récupération se produira effectivement ; et
- qu'il est raisonnable que le projet réussira.
Selon l'avancement des travaux de développement, on
distingue les réserves prouvées et développées et
les réserves prouvées non développées.
65 WPC-SPE, Mars 1997: «those quantities
of petroleum which, by analysis of geological and engineering data, can be
estimated with reasonable certainty to be commercially recoverable, from a
given date forward, from
known reservoirs and under current economic conditions,
operating methods, and government regulations.»
115
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
i. Réserves prouvées et
développées
Les réserves prouvées et
développées sont définies par le WPC/SPE comme
étant celles que l'on prévoit récupérer à
partir de puits existants66. Les réserves
récupérables à travers des méthodes de
récupération améliorées sont
considérées comme développées seulement
après que les équipements nécessaires sont
installés ou lorsque le coût de leur installation est relativement
bas.
Les réserves développées peuvent
être classées, à leur tour, en deux catégories, les
réserves productives et les réserves non productives. Les
réserves productives sont celles qui peuvent être produites
à partir d'intervalles de production ouverts et en production au moment
où l'estimation est faite. Les réserves non productives incluent
les réserves behind-pipe et les réserves
shut-in.
Les réserves behind-pipe sont des
réserves qui se trouvent derrière le tubage de revêtement
des puits et qui peuvent être produites à travers des intervalles
non encore ouverts dans un puits déjà en production. De telles
réserves nécessitent généralement un travail
additionnel de complétion ou de re-complétion.
Les réserves shut-in sont celles qui peuvent
être produites à partir des intervalles de production ouverts au
moment de l'estimation des réserves mais qui ne sont pas productifs;
généralement, pour l'une des raisons suivantes :
- le puits a été intentionnellement fermé
pour des raisons économiques telles qu'une baisse temporaire des prix de
vente du brut ;
- faute d'installation des équipements de production ou
de pipelines, le puits n'est pas encore mis en production à partir des
intervalles complétés ;
- des difficultés mécaniques non encore
résolues empêchent la mise en production du puits.
66 WPC-SPE, Mars 1997: «Developed reserves
are expected to be recovered from existing wells including reserves behind
pipe. Improved recovery reserves are considered developed only after the
necessary equipment has been installed, or when the costs to do so are
relatively minor.»
116
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
ii. Réserves prouvées non
développées
Les réserves prouvées non
développées sont définies comme étant celles que
l'on prévoit extraire de nouveaux puits dans des
périmètres non encore développés ou de puits
existants qui nécessiteraient une dépense relativement importante
pour être remis en production.
Le WPC/SPE stipule que les réserves en
périmètre non développé ne peuvent être
considérées comme prouvées non développées
que lorsque:
- elles sont situées dans des zones situées
à proximité de puits ayant montré une production
commerciale à partir de la même formation;
- il est raisonnablement certains que de telles zones sont
situées à l'intérieur des limites prouvées
productives de la même formation;
- il est raisonnablement certain que les zones en question seront
développées.
Les réserves relatives aux autres zones non
développées ne peuvent être considérées comme
prouvées que lorsque l'interprétation des données
géologiques et techniques obtenues des puits existants indique avec une
certitude raisonnable que la formation cible présente une
continuité de production entre ces zones non développées
et les couches productives existantes.
Le WPC/SPE identifie trois sources principales de
réserves prouvées non développées. Il s'agit des
:
(a) réserves pouvant être produites à
partir de nouveaux puits dans des périmètres non
développés ;
(b) réserves pouvant être produites à
travers l'approfondissement de puits existants vers un réservoir
différent ;
(c) réserves pouvant être produites à
partir de puits existant mais nécessitant des dépenses
importantes de re-complétion ou d'installation d'équipements de
production ou de transport dans le cadre de projets de
récupération primaire ou améliorée.
117
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
b. Réserves probables
Le WPC/SPE définie les réserves probables comme
étant des réserves non prouvées
que l'analyse des données géologiques et techniques
laisse croire qu'il est plus probable qu'improbable qu'elles seront
récupérées67.
Les réserves non prouvées sont estimées
sur la base de données géologiques et techniques similaires
à celles utilisées pour estimer les réserves
prouvées mais que des incertitudes techniques, contractuelles,
économiques ou réglementaires empêchent de classer comme
prouvées.
A ce propos, il est important de noter que les réserves
non prouvées peuvent être estimées sur la base de
conditions économiques futures différentes de celles existantes
au moment de l'estimation.
En général, les réserves probables peuvent
inclure68 :
(1) les réserves attendues à être
prouvées par forage supplémentaire (step-out drilling)
mais que les données techniques disponibles (sub-surface
control) sont inadéquate pour les classer comme prouvées,
(2) les réserves contenues dans des formations qui,
basé sur des tests de puits, peuvent contenir du pétrole mais qui
ne sont pas analogues aux réservoirs prouvés ou productifs,
(3) les réserves supplémentaires attribuables
à un forage infill qui auraient été classées comme
prouvées si un espacement (spacing) réduit aurait
été approuvé au moment de l'estimation,
(4) les réserves attribuables à des
méthodes de récupération améliorées ayant
été établies par des applications
répétées commercialement réussies, lorsque:
(a) un projet ou un projet pilote est planifié, et
67 WPC-SPE, Mars 1997: «Probable reserves are
those unproved reserves which analysis of geological and engineering data
suggests are more likely than not to be recoverable.»
68 WPC-SPE, Mars 1997.
118
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
(b) les caractéristiques du réservoir sont
favorables pour une application commerciale,
(5) les réserves existantes dans une zone qui est
séparée de la zone prouvée par une faille
géologique et que les données techniques indiquent que cette zone
est structurellement supérieure à la zone prouvée.
(6) les réserves attribuables à des travaux
futures de work-over, de traitement, de retraitement, de changement
d'équipement ou autres procédures mécaniques, lorsque la
réussite de telles procédures a été
démontré dans d'autres puits présentant un comportement
similaire dans des réservoirs analogues,
(7) les réserves supplémentaires dans des
réservoirs prouvés lorsque une interprétation alternative
de performance ou des données volumétriques indique qu'il y a
plus de réserves que celles qui peuvent être classées comme
prouvées.
c. Réserves possibles
Les réserves possibles sont des réserves non
prouvées que l'analyse des données géologiques et
techniques laisse croire qu'il est moins probable de les
récupérer que dans le cas des réserves
probables69.
Les réserves possibles peuvent inclure :
(1) les réserves qui, basé sur des
interprétations géologiques, peuvent exister au delà des
zones classées comme probables;
(2) les réserves contenues dans des formations qui,
sur la base de testes de carottage, semble pouvoir contenir du pétrole
mais ne pourraient être productives à des taux
économiques;
(3) les réserves supplémentaires attribuables
à un forage infill mais qui sont sujet à une incertitude
technique;
(4) les réserves attribuables à des
méthodes de récupération améliorées,
lorsque: (a) un projet ou un projet pilote est planifié, et
69 WPC-SPE, Mars 1997: «Possible reserves are
those unproved reserves which analysis of geological and engineering data
suggests are less likely to be recoverable than probable
reserves.»
119
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
(b) que les caractéristiques du réservoir sont
telles qu'un doute existe quant à la viabilité commerciale du
projet.
(5) les réserves existantes dans une zone qui est
séparée de la zone prouvée par une faille
géologique et que les données techniques indiquent que cette zone
est structurellement inférieure à la zone prouvée.
1.3. Estimation des réserves
La notion de réserve est une notion complexe
liée à la connaissance géologique que l'on a des bassins
pétroliers, aux performances de la technologie du moment et à des
facteurs économiques et fiscaux qui évoluent en permanence. En
réalité, les réserves d'un gisement pétrolier ne
sont connues avec exactitude que lorsque la production est
définitivement arrêtée.
Au cours des dernières décennies, les compagnies
pétrolières ont développé plusieurs techniques et
modèles d'estimation dont on citera, à titre d'exemple, le calcul
volumétrique, la courbe de performance, la courbe
d'écrémage et le modèle d'Hubert. Ces techniques,
basés, pour la plupart, sur l'observation de la production passée
et sur des études de corrélation, fournissent des
résultats dont le moins qu'on puisse dire sont imparfaites.
En effet, pour évaluer correctement les ressources d'un
champ, un certain nombre de puits d'évaluation est
généralement nécessaire. Les valeurs ponctuelles obtenues
sont extrapolées sur toute la surface du gisement grâce à
des études géophysiques, principalement sismiques. Les
caractéristiques du réservoir sont mesurées par des
carottes de puits espacés de quelques hectomètres mais ne sont
qu'imparfaitement connues sur toute la surface. Au fil des années, le
déclin de la production fournie des données
supplémentaires pour connaître les réserves, qui sont en
fait le cumul des productions futures jusqu'à l'abandon du champ. Cette
production dépend des techniques futures adoptées, des
coûts et des prix futurs, là encore incertains.
Quelque soit la technique ou le modèle retenu,
l'estimation des réserves récupérables est dite soit
déterministe, soit probabiliste.
120
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
a. Approche déterministe
Le déterminisme est une philosophie qui a
régné au début du 19ème siècle et
qui, en la personne de Laplace70, pensait que tout l'Univers
pourrait être calculé aussi bien pour tout le passé que
pour tout le futur, si on connaissait parfaitement tout ce qui se passe dans le
présent.
En matière de réserves, l'approche est dite
déterministe si une seule estimation, appelée best
estimate, est faite en fonction des données techniques et
économiques disponibles. Cette approche a été
adoptée par les américains qui refusent toute approche
probabiliste.
La pratique américaine consiste à calculer les
réserves d'un puits en multipliant la superficie du rayon de drainage en
acre par l'épaisseur de la zone productive du puits en pieds et par un
coefficient de récupération des champs voisins exprimé en
baril par "acre-foot".
Ensuite, pour calculer les réserves du champ, il faut
multiplier les paramètres suivants: superficie, épaisseur utile,
porosité, saturation en huile, inverse du facteur de volume, ce qui
donne le volume en place (ou accumulation) et enfin par le taux de
récupération. On prend une valeur unique (valeur moyenne,
médiane ou mode) pour chacun des paramètres et on obtient un
chiffre unique de réserves. Pour un champ en déclin, on extrapole
la courbe de production avec un tracé unique.
Cette approche s'est heurtée évidemment à
l'incertitude et surtout à une révision continuelle des
réserves prouvées. Il a donc été introduit des
volumes supplémentaires dits probables et possibles en appliquant des
coefficients aux valeurs dites prouvées. A ce propos, et comme le
précise M. J.LAHERRERE, il est étonnant de voir une approche dite
déterministe, donc refusant les probabilités, introduire des
valeurs dites probables71.
70 Pierre Simon de Laplace (1749-1827): savant
français qui a profondément influencé les
mathématiques, l'astronomie, la physique et la philosophie des sciences
de son siècle.
71 «Il est étonnant de voir une
approche dite déterministe, refusant les probabilités, introduire
des valeurs dites probables!», J.LAHERRERE, «Technologie et
réserves», Pétrole et Techniques (bulletin
Association Française des Techniciens et Professionnels du
pétrole), No. 406, Janvier - Février 1997, p.10-28.
121
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
b. Approche Probabiliste
L'approche probabiliste permet de donner une fourchette de
valeurs à l'intérieur de laquelle la valeur réelle a une
forte certitude de s'y trouver. La distribution de probabilité peut
être décrite avec trois valeurs ; deux valeurs pour définir
la fourchette avec le minimum et le maximum ; et une valeur entre les deux pour
décrire la tendance, à savoir, soit le mode, le médian ou
la moyenne.
Le minimum, réserves presque certaines, peut être
défini par une probabilité cumulée de 95% ; le maximum
peut être symétriquement défini par une probabilité
cumulée de 5% ; le mode est la valeur la plus probable, c'est à
dire correspondant au "best estimate" des déterministes lorsque
ceux-ci estiment que la certitude raisonnable n'est pas une forte
certitude.
Le problème est que l'incertitude des paramètres
qui permettent de calculer les réserves ne peut être
mesurée de façon objective. En fait, on ne connaît que
quelques points d'observation directe par forage, la sismique ne donne que des
données indirectes et l'échantillonnage est insuffisant pour
avoir une approche réellement objective. L'évaluation de
l'incertitude des réserves est donc subjective et varie avec les auteurs
et avec le temps.
Tout ce qui peut être mesuré, c'est la
performance statistique de certains auteurs. Pour ce faire, il faut que ces
auteurs aient évalué de façon homogène un grand
nombre de champs tout en comparant les valeurs prévues avec les valeurs
réelles, valeurs qui ne sont connues avec une certaine certitude qu'une
dizaine d'années après découverte.
Quelle que soit la technique ou l'approche retenue, la
prévision des productions futures à travers des données
incertaines et une connaissance limitée des gisements, surtout
biaisées par la politique, devient une tâche presque impossible. A
titre d'exemple, le géant anglo-néerlandais Shell vient de
supprimer, en mai 2004, 470 millions de barils équivalent pétrole
de ses réserves prouvées ; 250 ont été
basculés dans la catégorie des réserves non
prouvées et 220 ont été purement et simplement
annulés. La précédente révision à la baisse
concernait, deux mois auparavant, quatre milliards de barils équivalent
pétrole, soit 20% de ses réserves.
122
Mise en Application de la Méthode de l'Amortissement
selon l'Unité de Production
Publier les chiffres de production ou de réserves est
un acte politique, car cela dépend de l'image que l'auteur veut donner
de sa compagnie ou de son pays. Les données publiées sont
différentes des données techniques, car elles sont choisies, dans
une fourchette large d'incertitude, soit vers le minimum quand on veut montrer
ultérieurement une croissance, soit vers le maximum quand on veut
obtenir des quotas élevés (OPEP) ou justifier son
développement marginal, mais c'est rarement la valeur moyenne, base des
calculs économiques et des décisions de développement.
Par ailleurs, l'estimation des différentes
catégories de réserves est rendue encore plus difficile par
l'ambiguïté des termes utilisés par le WPC/SPE ou la SEC.
Des termes comme "probables" ou "raisonnablement certains" sont
généralement interprétés d'une manière
subjective par chaque opérateurs en fonction des ses objectifs et
intentions.
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