Le contexte de la
décision d'achat des intrants
Si les engrais de fertilisation (NPK et Urée) et les
fientes de poulet sont restés toujours tels, ce ne fut pas le cas des
pesticides disent les maraichers. L'ensemble de ces professionnels affirme
être confronté à un changement très régulier
des noms des produits qu'ils utilisent. « C'est très
compliqué cette affaire de pesticide là ! Surtout nous qui
ne sommes pas allés à l'école du blanc. A peine on
commence par apprécier le produit, on ne le trouve plus sur le
marché. C'est encore un autre qu'on nous présente... »
[Donatien, 25 ans, maraichers à VIMAS]. Ainsi, les maraichers
sont confrontés à l'évolution perpétuelle des
produits de traitements ; ce qui provoque une remise en cause permanente
de leur compétence. Sur les 28 maraichers interrogés, 8
ne sont pas scolarisés, 16 ont un niveau primaire et 4 un niveau
secondaire. C'est ce que N'Dienor et Aubry (2004) attribuent à la rude
sélection observée en milieu urbain face à l'emploi, qui
pousse les jeunes non ou peu scolarisés (niveau inférieur au
BEPC) vers le maraichage comme solution de repli. Ce profil de scolarisation,
même s'il permet à certains d'entre eux de reconnaitre les
produits physiquement, la reconnaissance des matières actives de ces
produits posent problème. En effet, une lecture des notices des produits
nous a aussi permis de constater qu'effectivement il y a des changements de
noms commerciaux et les matières actives restent inchangées avec
les mêmes concentrations. Par exemple les produits tels que CLEAR®
25 EC, SUNHLOTHRIN® 25 EC et LAMBDA FINER® 25 EC ont tous pour
matière active lambda-cyhalothrin et de même
concentration. Par ailleurs, il faut signaler qu'on observe également
des changements de concentration de ces matières actives. Par exemple
DUEL® 336 EC et POLYTRINE® 186 EC ont pour matière active une
combinaison de cyperméthrine et de profénofos
mais sont à des concentrations différentes.
Par ailleurs, l'incertitude sur le choix des semences est
multiple. Ce qui est recherché est essentiellement le rendement, la
précocité et la résistance aux maladies disent les
maraichers. Ces derniers pratiquent tous la polyculture par
sécurité, pour se protéger des risques de chute de
rendement et pour faire face à l'incertitude des débouchés
pour les récoltes et des prix de vente. « Je ne fais
jamais une seule culture moi, d'ailleurs, aucun maraicher ne le fait. Je fais
en même temps de la grande morelle, de la laitue, du chou, de la carotte.
Si tu fais une seule culture et ça ne marche pas, tu es
grillé ; il faut avoir plusieurs cartes si non ! Ah !
C'est la dérive » [Tintin, 25ans, maraicher à
VIMAS]. En général, une variété de semence de
référence est utilisée chaque année. La semence de
référence est une semence que le maraicher connait bien et qu'il
cultive depuis plusieurs années. Il s'assure avec cette
variété un rendement optimum, rendement qui sert d'ailleurs
d'étalon de mesure pour les rendements des nouvelles
variétés. Nous relevons ici un mécanisme fréquent
dans les prises de décisions par rapport à une nouveauté :
une semence ou un produit bien connu sert de point de repère à
partir duquel seront étalonnés, en positif ou en négatif,
les résultats ou l'efficacité du nouveau produit. Pour certains
et par moment, le choix se porte vers de nouvelles semences. Un tel choix
témoigne de la capacité à prendre des risques sur de
nouvelles variétés.
Au regard du discours des maraichers, on constate la place de
premier choix que les maraichers accordent aux pesticides à coté
des semences et fertilisants. « Il y a de nouvelles semences
qu'on nous présente certes mais le changement n'est pas au rythme des
pesticides. De même, quand il y a une nouvelle semence, l'ancienne ne
disparait pas souvent, c'est très rare ça ! »
[Darius 35 ans maraichers à VIMAS]. Aussi les trois quarts
d'entre les maraichers déclarent « il y a pas de bonnes
semences mais de bons produits. Ta beau avoir la meilleure semence du monde, si
tu ne possèdes pas de bons produits, tu verras tes cultures
attaquées par les ravageurs » [Sébastien, 25ans,
maraicher à VIMAS].
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