CHAPITRE IV : PROCESSUS DE DÉCISION D'ACHAT ET
D'UTILISATION DES INTRANTS
Ce chapitre traite d'une part des déterminants de choix
du vendeur des intrants par les maraichers et d'autre part des
déterminants de choix et d'usage des intrants. Il s'agit d'apporter des
éléments de réponse à la question posée dans
la problématique de recherche.
1. LES DÉCISIONS D'ACHAT DES
INTRANTS : UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE
Un système de
croisement et de réassurance des sources d'informations
« ... avec la difficulté à
laquelle nous sommes confrontés face au changement des pesticides, on ne
peut pas dormir sous nos lauriers hein ! Si non c'est la catastrophe. Il
faut être sociable afin de pouvoir discuter avec les maraichers de son
site et d'ailleurs, participer aux réunions de groupement, discuter avec
les vendeurs de pesticides. Si tu veux continuer à faire le maraichage,
faut pas rester dans ton coin. Dans cette affaire là, même un
ouvrier peux te sauver... ! Il n'y a pas de honte à demander !
Il faut demander la même chose à plusieurs pour être
sûr quoi ! » [Natacha, 28 ans, maraichère à
VIMAS]. Pour faire face aux inconnus qui entourent le choix des semences
et des traitements, le maraicher recherche donc de multiples sources
d'informations. Ainsi il se donne les moyens d'avoir accès aux sources
d'informations en gardant de bonnes relations avec son voisinage au champ et
les vendeurs de pesticides, en payant ces cotisations afin de participer aux
réunions du groupement auquel il appartient. Nous pouvons constater
qu'une seule source d'information n'est suffisante en soi, et que les
maraichers, pour faire face à l'incertitude, croisent sans cesse leurs
différentes sources.
En outre, le quart des maraichers accordent beaucoup
d'importance à certaines sources qu'à d'autres.
« Même après avoir demandé de conseils chez
plusieurs, c'est ce que Tantapignon, le maraicher qui est au fond là-bas
me dit que je fais généralement. Pour le moment je ne suis pas
encore déçu. Je pense que c'est parce qu'il a fait une
école professionnelle ... » [Marcus, 30 ans, maraicher
à VIMAS]. « ...moi, c'est souvent les recommandations de Eric,
l'ouvrier qui est juste à l'entrée du site là !, que
je mets en pratique. Il est un peu âgé, environ la cinquantaine...
ça fait 25 ans qu'il est dans le maraichage. C'est à cause de son
expérience que son patron s'en sort si non... » [Ernest,
40 ans, maraicher à VIMAS]. « On gagne toujours quelque
chose en participant aux réunions de groupements. J'ai quitté
Cotonou pour m'installer sur le site de VIMAS, mais je suis toujours
restée membre de mon groupement. C'est pareil pour tous ceux qui sont
venus de Cotonou pour s'installer ici. C'est un creuset où les
maraichers de Cotonou et de VIMAS partagent leurs expériences.
Moi ! C'est souvent à cette occasion que j'obtiens des
recommandations » [Adizath, 30 ans, maraichère à
VIMAS]. Ceci concorde avec les travaux de Saad et Russo (1996) qui
montrent que le procédé séquentiel du processus
décisionnel n'implique pas que toutes les informations consultées
soient nécessairement utilisées.
En ce qui concerne la participation aux réunions de
groupements, nous constatons que les multiples relations entre les membres du
groupement tendent à rapprocher leurs manières de travailler. Ces
occasions d'entraide ou de débat influencent les manières de
travailler. En effet, dans ces situations d'incertitude et compte tenu des
limites de l'expérience de l'observateur individuel, ces relations
alimentent une confiance nécessaire (Nicourt, 2008).
Ces verbatims montrent bien les éléments sur
lesquels certains maraichers se réfèrent pour prendre leurs
décisions. C'est l'expérience du métier, c'est la
formation professionnelle mais aussi le réseau professionnel auquel on
appartient.
D'autres maraichers par contre ne se contentent pas de mettre
en pratique les conseils ou les recommandations telles que reçues.
« ...ça fait 10 ans que je suis dans le maraichage,
néanmoins je demande conseils auprès de mes collègues,
surtout ceux dont les récoltes sont souvent bonnes. Lorsque en plus de
mes connaissances, j'ajoute pour les autres, j'arrive à m'en sortir
... » [Angelo, 32 ans, maraicher à VIMAS]. « Le
mois passé, au moment où tout le monde se plaignait des acariens
qui faisaient ravage dans les champs de tomates, Jacques a pu s'en sortir avec
de très belles tomates, il était le seul à vendre la
tomate cette saison là ! » [Bona, 25 ans, maraicher
à VIMAS]. En effet, en ce qui concerne la moitié des
maraichers interrogés, les informations orales sont toujours
croisées avec du "visuel" et de l'information qui résulte du
vécu et de l'expérience. Ceci rejoint les travaux de (Ford et
Sterman, 1998) qui parlent de processus cognitifs entrant dans la
décision. Nous constatons un processus de confrontation de l'information
orale avec les autres. L'information orale est confrontée avec du visuel
sur le site et est enfin validée par l'expérience vécue du
maraicher. Il est nécessaire, pour qu'une information soit
considérée comme fiable, qu'il y ait d'une part une constatation
visuelle dans l'expérience.
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