IV.2.4/ Les contraintes et problèmes
perçus
Le montage juridique de la société a fait l'objet
de critique par un acteur :
Interview n°12 :
« Les observations du Ministère de l'Economie
et des Finances devait être examinée avec la plus grande
attention. Ils ont suggéré une autre forme juridique que la
Société anonyme. De toute façon, ils peuvent nous avoir
à tout moment, ne serait-ce qu'à travers l'administration
fiscale. »
Il convient de signaler que le Ministère de l'Economie
et des Finances a attiré l'attention des administrateurs sur la
nécessité de distinguer les organes dirigeants de l'association
de ceux de la société anonyme.
Il est noté que la société dispose d'un
conseil d'administration pendant qu'il s'agit d'un actionnaire unique qu'est
l'association. Dans une telle situation, selon le SYSCOHADA, il devrait s'agir
d'une société anonyme avec administrateur
général.
Il se trouve que les administrateurs de l'association se
retrouvent au niveau de la société, ce qui crée donc la
confusion des rôles.
La non séparation est également constatée
sur le plan opérationnel, comme l'illustre cette intervention :
Interview n°6 :
« Il aurait fallu faire l'état des lieux de
tous les projets et l'attester par un acte pour marquer la séparation
avec l'association. Il en est de même du matériel
cédé par l'association à la société pour
lequel aucune base d'amortissement n'a été établie
».
Le défaut d'implication du personnel constitue
également les contraintes ou les problèmes éventuels qui
peuvent miner le processus de transformation. Les problèmes
évoqués ont également trait aux blocages constatés
dans la satisfaction des doléances du personnel qui se présentent
comme suit telles qu'elles ressortent des documents :
- l'arrêt des contrats de travail du personnel à
durée déterminée avec l'Association Faso Baara, la
liquidation des droits légaux et le règlement d'indemnités
pour services rendus ;
- la reconduction de l'ensemble du personnel de l'Association
dans la nouvelle société anonyme Faso Baara S.A pour
préserver les emplois et assurer une dynamique de continuité et
d'efficacité de la structure ;
- la participation du personnel au capital de la S.A pour
impliquer davantage ce personnel dans la gestion et dans les défis du
privé.
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défis de la transformation d'une organisation à but non
lucratif
Cette préoccupation fondamentale des travailleurs a
constitué un point focal des différents échanges avec les
dirigeants, de sorte que toute idée de non satisfaction absolue semblait
créer un malaise en leur sein. Des attitudes de démotivation
étaient perceptibles. Le rendement individuel et collectif baissait, tel
qu'il ressortait des évaluations des activités
réalisées.
Interview n°3 :
« Je ne vois pas de problème majeur ou de
frustration quelconque, en dehors de bruit où on parle de droits
négociés *...+ Quand je regarde l'environnement, je vois que les
gens ne sont pas motivés comme avant. Quand on vient à 07h30,
maintenant tout le parking est vide. Avant le weekend, quand tu arrivais
à l'Agence, tu avais l'impression que c'était un jour ouvrable.
»
Cette observation s'est vérifiée. En effet, de
la Note d'observation n°1, il ressort que les parkings du personnel
étaient quasiment vides jusqu'à 09h, les journées du 19 et
20 juillet 2012, constats faits en présence de deux (2) cadres.
Le rappel au respect des horaires a été
effectué à plusieurs reprises par le Directeur
Général lors de réunions, avec à la clef une note
de service en date du 23 novembre 2012.
Les principales contraintes relevées ont trait au
montage juridique, au défaut d'implication du personnel, à la non
satisfaction de certaines doléances du personnel et à la
démotivation au sein du personnel. Cependant, certaines
préoccupations ont été partiellement prises en compte par
la suite. En effet, les contrats du personnel ont été rompus avec
l'association et signés à nouveau avec la société
anonyme. Les droits ont été liquidés et payés au
personnel. De même, l'ouverture du capital à d'autres parties
prenantes, validée par le conseil d'administration en sa séance
du 21 décembre 2012, permettra de solutionner les insuffisances
liées à la composition de cet organe.
IV.2.5/ La perception de la position concurrentielle et
des opportunités IV.2.5.1/ L'environnement concurrentiel
La transformation juridique se justifie par le besoin des
autorités gouvernementales de créer un environnement
concurrentiel, par conséquent un environnement économiquement
efficace, dans le secteur de la maîtrise d'ouvrage
déléguée.
L'étude préliminaire réalisée par
l'Agence a fait un état des lieux des entreprises évoluant dans
le secteur. Elles se regroupent en trois catégories : les
sociétés de droit public, les sociétés de droit
privé et les ONG et associations.
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défis de la transformation d'une organisation à but non
lucratif
Les sociétés de droit public
Il s'agit des sociétés d'Etat et des
établissements publics à caractère administratif : -
l'Agence d'Exécution des Travaux Eau et Equipement Rural (AGETEER) ;
- l'Agence de Conseil et de Maîtrise d'ouvrage
déléguée en bâtiment et aménagement urbain
(ACOMOD-BURKINA) ;
- l'Agence des travaux d'infrastructures du Burkina (AGETIB) ; -
Le Fonds de l'Eau et de l'Equipement Rural (FEER).
Les sociétés de droit
privé
Il s'agit principalement de deux sociétés :
AGEM-Développement, Boutique du Développement et CEIA/2I-CI.
D'autres sociétés étaient en cours de constitution.
Les ONG et associations
Il s'agit d'ONG travaillant principalement avec le
Ministère en charge de l'éducation nationale pour la construction
de salles de classes. Ce sont essentiellement de :
- Plan Burkina ;
- OEuvre Suisse d'Entraide Ouvrière ; - Catholic Relief
Service/CATHLWEL ; - Aide et Action.
Au regard de cette situation concurrentielle composée
essentiellement d'entreprises jeunes et insuffisamment dotées, l'Agence
Faso Baara ne devrait pas avoir du mal à conserver sa position de
leader. Cependant, elle rencontre déjà des difficultés
dans la participation à la concurrence. En effet, à l'issue d'une
consultation lancée par un maître d'ouvrage pour la
réalisation d'une importante infrastructure, d'un coût
prévisionnel dépassant six (6) milliards de FCFA, l'Agence a
été écartée parce qu'elle n'avait pas produit de
document justifiant de son statut de société anonyme.
Après introduction d'une plainte auprès du
Comité de Règlement des Différends (CRD), elle a
été sollicitée par demande de proposition
n°2012-000017/MENA/SG/DMP à participer à la consultation.
Il est de coutume de requérir aux éventuels
candidats des conditions rigoureuses en fonction du coût
prévisionnel et de la complexité de l'ouvrage (par exemples au
minimum trois (3) références techniques, un chiffre d'affaires
élevé, cautions plus importantes). Dans le cas
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lucratif
présent, une seule référence technique
était demandée aux postulants. Est-ce dans le souci de ne pas
éliminer dès le départ la plupart des
sociétés ?
Les résultats publiés dans la revue des
marchés publics en son numéro 882 du lundi 19 novembre 2012 se
présentaient comme suit :
Agences
|
Total
|
Rang
|
AGEM-
Développement
|
97,65
|
1er
|
Boutique de
Développement
|
91,82
|
2ème
|
Faso Baara
|
90,82
|
3ème
|
CEIA/2I-CI
|
58,82
|
4ème
|
De l'examen du détail des notes demandées par
l'Agence, il ressort que des rubriques importantes telles que
l'expérience de l'entreprise (notée sur 30 points), la
qualification et l'expérience du personnel (notée sur 40 points)
n'ont pas départagé les trois premiers candidats. Il en
était de même de la présentation de l'offre notée
sur 5 points. La différence s'est située au niveau de la
compréhension des termes de références et, de la
compréhension du chronogramme proposé avec la mission,
notées respectivement sur 10 et 15 points. Ces résultats ont
suscité à nouveau un recours de l'Agence Faso Baara S.A
auprès du CRD.
Ce cas a laissé une forte impression de corruption dans
l'esprit de la plupart des agents de Faso Baara S.A.
Cet exemple vient montrer que l'expérience de la
structure, la qualification et l'expérience du personnel qui semblaient
des atouts essentiels ne suffisent pas. D'autres mécanismes peuvent
constituer des obstacles importants au maintien de leadership de la structure.
Ils pourraient s'expliquer par des facteurs comme l'imperfection du
marché et l'opportunisme de certains acteurs.
Cependant, des espoirs restent permis puisque certains
partenaires institutionnels et privés continuent de faire confiance
à l'Agence. Il s'agit notamment de l'Union Economique et
Monétaire ouest Africaine qui a signé avec elles de nouvelles
conventions portant sur d'importants projets. C'est le cas également de
la BOA-Burkina pour la construction de son siège.
Une autre problématique liée à la
maîtrise d'ouvrage déléguée est le
développement des sociétés d'Etat alors que la logique de
départ était de faire exécuter les grands travaux par des
structures autonomes et suffisamment indépendantes de l'Etat.
Pourtant, la réglementation (article 17 du
décret 2008-174 portant règlementation de la MOD) interdit la
mise en compétition des sociétés publiques et des
sociétés privées. Elle consent cependant qu'à titre
dérogatoire, les personnes morales de droit public peuvent
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défis de la transformation d'une organisation à but non
lucratif
demander aux directions techniques d'exécuter des
missions de maîtrise d'ouvrage déléguée sans avoir
recours aux procédures de sélection compétitive.
Dans la mesure où le portefeuille des projets
confiés par le biais de la MOD est en grande partie dû par l'Etat,
il se pose le problème l'importance de la part de marché qui
pourrait être mise en concurrence entre les sociétés
privées, en imaginant que l'Etat va confier dans la mesure du possible
ses projets aux agences publiques. Va-t-il respecter la limite de 5% des
projets confiés par la procédure de gré à
gré à ses sociétés d'Etat ? Si oui, c'est la
viabilité à terme des sociétés d'Etat qui peut se
poser.
En tout état de cause, cet aspect peut constituer un
des enjeux cruciaux de l'environnement de concurrence établie. En effet,
comment assurer le jeu de parfaite concurrence entre les acteurs ? Le
renforcement de la réglementation peut en être une solution.
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