Introduction
Le bassin versant de la rivière Mbam fait partie de la
vaste zone de mosaïque forêt-savane qui occupe tout le centre
Cameroun. Ici s'imbrique très étroitement les savanes et la
forêt dense. Les savanes du site se partagent entre des savanes herbeuses
et des savanes arbustives. La forêt de la zone appartient au domaine de
la forêt dense humide semi-décidue. L'ensemble baigne dans un
climat tropical humide de type guinéen caractérisé par une
longue saison des pluies de 9 mois et une courte saison sèche de 3 mois.
Le relief est celui d'un plateau peu accidenté qui marque d'avantage les
sols que la végétation. Sur les versants et les interfluves se
rencontrent des sols ferralitiques tandis que les bas fonds et les plaines
d'inondation sont recouverts dans l'ensemble par des sols hydromorphes. Les
densités des populations varient d'un canton à l'autre entre 15
et plus de 60 habitants/km2.
I.1. Un climat marqué par une chaleur et une
humidité constantes
Nous avons choisi la ville de Bafia comme station de
référence en raison de la disponibilité des données
statistiques. Cette ville est proche des sites de relevés botaniques
à seulement 20 km d'Ombessa et de 30 km du village Yambassa. Elle
partage avec toute la zone les mêmes caractéristiques
topographiques, hydrologiques, pédologiques et
phytogéographiques.
La zone est caractérisée par un climat
équatorial de transition qui évolue vers un climat
subéquatorial car elle connait des nuances tropicales (Suchel, 1988) en
raison de sa position d'abris. La moyenne annuelle des précipitations
est de 1493 mm pour la station de Bafia, mais seulement de 1423 pour Ombessa,
soit un peu moins que sur l'ensemble du plateau Sud Camerounais qui
connaît des précipitations moyennes de l'ordre de 1500 à
1600 mm (figures 5 et 6).
La saison de pluies qui s'étend sur 9 à 10 mois
(P mensuellee 50 mm) consécutifs coïncide avec les maxima
pluviométriques (figure 3). 2 fois sur 3 elle va de mars à
novembre et 1 fois sur 3, de février à novembre. Par
conséquent, la courte saison sèche de 2 à 3 mois
s'étend généralement de décembre à janvier
ou de décembre à février. Cette période
coïncide avec la domination des Alizés du NE, vents chauds et secs
en provenance de l'anticyclone du Sahara (Suchel, 1988).
34
La moyenne annuelle des températures est de 25,1°
C (Tableau 1). Ces températures varient au cours de l'année entre
23,9°C pour les minima de juillet et août et 26,6°C pour le
maximum de février. Cela donne une faible amplitude thermique annuelle
de 2,7°C (figure 5).
Figure 5 : Abaque hydrothermique de la station de
Bafia
L'humidité relative reste importante au cours de
l'année. Le strict minima est enregistré au cours du mois de
février, soit un taux d'humidité de 69%. Les mois de janvier et
de mars connaissent aussi de faibles taux, soit 76% pour chacun. Le taux
d'humidité des autres mois tourne autour de 80% sauf juillet et
août qui connaissent le maxima avec un taux de 86% pour chacun d'eux. Le
caractère humide est affirmé aussi par une moyenne annuelle
d'évaporation de 934 mm. Si on fait le bilan des pluies
enregistrées et de l'évaporation justement, cela donne un gain de
précipitations de 559 mm qui sont conservée en moyenne par an
dans la zone (tableau 1).
Le relief joue un rôle d'atténuation pour les
pluies et constitue un facteur d'amplification par rapport aux moyennes des
températures. En effet, la zone est située derrière la
chaine de montagnes de Bapé qui fait écran aux vents de mousson
du sud-ouest en provenance de l'Atlantique (figure 6). La quantité de
pluies se trouve donc réduite par rapport aux autres
35
régions situées à la même latitude
comme Yaoundé qui enregistre en moyenne 1600 mm de pluies par an.
Tableau 1 : Les données climatiques de la station
de Bafia (1951-2013)
Mois
|
P mm
|
T° C
|
H %
|
Evaporation
|
J
|
12
|
25,3
|
74
|
107,1
|
F
|
33
|
26,6
|
69
|
124,3
|
M
|
117
|
26,5
|
74
|
110,6
|
A
|
163
|
25,9
|
80
|
78,9
|
M
|
182
|
25,4
|
82
|
69,5
|
J
|
140
|
24,7
|
84
|
60,6
|
J
|
102
|
23,9
|
86
|
53,8
|
A
|
136
|
23,9
|
86
|
54,4
|
S
|
231
|
24,4
|
85
|
57,7
|
O
|
280
|
24,5
|
84
|
62,8
|
N
|
86
|
24,9
|
81
|
69,2
|
D
|
11
|
25,3
|
79
|
85,4
|
Moy. annuelle
|
1493
|
25,1
|
80
|
934
|
Figure 6 : Les moyennes annuelles des pluies dans la zone
du confluent Mbam et Sanaga
La position de la zone en situation de cuvette située
à environ 480 m d'altitude aboutit à une augmentation des
moyennes de températures de l'ordre de 1,6°C par rapport aux autres
régions situées sur le même plateau sud camerounais, mais
plus en hauteur. Par exemple, la région autour de Yaoundé,
située à 750 m d'altitude, enregistre une moyenne annuelle des
36
températures de 23,5°C contre 25,1° C pour le
secteur autour de Bafia qui est situé à 500 m en moyenne (figure
7).
I.2. Le relief et les sols
I.2.1. Un relief de plateau peu
accidenté
La zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve
Sanaga présente une sorte de cuvette à environ 480 m d'altitude
moyenne. Cette surface est bordée à l'ouest par de petites
chaînes de montagnes comme c'est le cas de la chaîne de Bapé
qui culmine à 750 m. A l'est, la zone de dépression est
bordée par une unité topographique située à 600 m
d'altitude moyenne dont les villes de Saa, Obala et Okola font partie (figure
4). Le fleuve Sanaga et la rivière Mbam sont les principaux cours d'eau
de la région. La Sanaga est par ailleurs le plus grand cours d'eau du
Cameroun autant par son débit que par la superficie de son bassin
versant. Couvrant une superficie de 133 000 km2, ce fleuve draine
près de 25% du territoire camerounais (Olivry, 1986). La Sanaga et le
Mbam coulent d'abord dans le sens opposé, l'un du SE vers le NO et
l'autre du NO vers le SE avant de se croiser au centre de la zone.
Dans le détail, le secteur autour de Yambassa
présente une succession de collines surbaissées
séparées par des vallées profondes de 30 à 40 m.
Dans ces différentes vallées, les cours d'eau coulent
paresseusement dans des vallées à fond plat. Ils débordent
localement en saison de pluies pour constituer ici et là des zones
marécageuses comme c'est le cas au nord-est de la zone (figures 7 et 8).
Ces débordements réguliers ont favorisé
l'établissement des sols hydromorphes dans l'ensemble des plaines
d'inondation de la région.
37
Figure 7 : Carte hypsométrique de la zone du
confluent Mbam et Sanaga
I.2.2. Un réseau hydrographique dense
dominé par la rivière Ofoué
Le secteur situé entre le confluent Mbam et Sanaga
présente en particulier un plateau incliné dans le sens nord-sud.
C'est d'ailleurs le sens de l'écoulement des principaux cours d'eau qui
vont plus loin au sud se jeter dans la Sanaga. La rivière Ofoué
est le principal cours d'eau de la région et draine les 3/5e
de la zone. Elle s'écoule d'abord dans la direction NO-SE, puis
38
dans le sens N-S jusqu'à sa confluence avec la Sanaga.
Il est grossi tout au long de son parcours par de nombreuses rivières.
Il s'agit notamment de Pontcha et de Guissiné au nord-ouest de la zone,
de Poundji et Abéma au nord, et d'Inguélou au sud-ouest. La
partie sud-est est quant à elle drainée par les rivières
Bikao et Eto qui sont également des affluents de la Sanaga. Le seul
affluent important du Mbam dans la région est la rivière
Biguélé qui s'oriente essentiellement dans le sens ouest-est
(figures 7 et 8).
I.3. Des formations superficielles partagées
entre les sols ferralitiques et les sols hydromorphes
Le sous bassement de la zone est essentiellement
composé de roches métamorphiques. Il s'agit des gneiss, des
micaschistes et des quartzites (figure 7). Il semble qu'il n'y a pas cependant
de relations apparentes entre la nature du substratum et les sols en question.
Par contre, la topographie exerce une influence significative. Dans la zone, on
distingue deux principaux types de sols: les sols ferralitiques sur les
collines et les sols hydromorphes dans les bas fonds.
I.3.1. Les sols ferralitiques.
D'après Valerie (1973), en dehors des fonds de
vallées plats et marécageux abritant des sols hydromorphes, le
reste de la région soit 90% du territoire, est recouvert de sols
ferralitiques. Sur les montagnes cependant, les sols ferralitiques sont
associés aux lithosols comme c'est le cas par exemple sur la chaine de
Bapé. Les sols ferralitiques recouvrent invariablement les gneiss, les
migmatites et les micaschistes. Sur le site, ces sols sont
indifféremment couverts par la forêt et la savane (figures 7, 8, 9
et 10). Ces sols sont profonds de plus de 3 m, et comportent par endroits des
horizons indurés.
Tous les sols de la zone sont acides (Martin, 1967). Les
horizons supérieurs sont dans l'ensemble plus riches en matières
organiques en savane qu'en forêt. En outre, les travaux de Martin (1973)
montrent que dans l'ensemble, la proportion des limons est faible (moins de 10
%) et varie peu des horizons supérieurs vers la profondeur. Entre 0 et
40 cm de profondeur les sables dominent dans l'ensemble avec une proportion de
40 % de la fraction totale. Plus loin en profondeur, la fraction diminue au
profit des argiles qui constituent à partir de 40 cm près de 60 %
de la fraction totale.
La combinaison des facteurs climatiques, géologiques et
géomorphologiques a contribué à la formation des sols
ferralitiques rouges, jaunes et ocre (Valerie, 1973). Dans l'ensemble, ces sols
se caractérisent par une grande épaisseur des profils car le
climat est constamment chaud
39
et humide, ce qui favorise l'altération. On y distingue
classiquement six horizons de la surface vers les profondeurs : A0, peu
épais et constitué par la litière; A1 qui a environ 20 cm
de profondeur, est humifère, grumeleux et présente une
activité biologique intense ; A2 d'environ 1m d'épaisseur. Cet
horizon est limoneux et de couleur ocre-beige, appauvri en argile; B0, d'une
épaisseur d'environ 80 cm, cet horizon est argileux, compact
imprégné d'eau et de couleur rouge-brique. C'est ici que l'on
retrouve les argiles accumulés ; B1 est épais d'environ 1 m ;
c'est un horizon tacheté, argileux, imprégné d'eau et de
couleur rouge-brique; C est un horizon d'altération qui est parfois
épais de 3 m ; au-delà de 6 m de profondeur, se trouve la
roche-mère non altérée. Avec un pH faible compris entre
4,5 et 5,5, ces sols sont très acides. Les sols ferralitiques rouges
sont les plus représentés (Valerie, 1973). Ils occupent les
interfluves ou les collines.
I.3.2. Les sols hydromorphes
L'hydromorphie est la saturation des pores d'un sol en eau sur
une période plus ou moins longue de l'année. Ainsi, à
l'approche des principaux cours d'eau, mais aussi dans les bas fonds, les sols
ferralitiques typiques de la région cèdent la place à une
association de sols ferralitiques et de sols hydromorphes. Les sols
hydromorphes se caractérisent ici par leur localisation dans les bas
fonds inondables.
Leur présence et leur extension s'expliquent par
l'importance des zones de dépression. Les sols hydromorphes se
rencontrent principalement dans les plaines d'inondation de l'Ofoué et
de ses principaux affluents, mais aussi localement sur les rives du Mbam et de
la Sanaga. Ces sols sont pauvres en éléments minéraux
comme c'est aussi le cas des sols ferralitiques, mais en revanche, ils ont
l'avantage dans la région de garder une humidité importante en
saison sèche et de favoriser ainsi le développement des cultures
de contre saison. Là où ils sont installés, seule une
végétation naturelle de savane les occupe la plupart du temps
(photo1 et figure 10).
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Sources :Cartes topographiques de f7GN de Bafia
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|
11 °
|
12 E
|
|
Vers Momie 111 17 E
|
Figure 8 : Carte topographique de la région
entre Yambassa et Ombessa
Figure 9 : Carte hypsométrique de la région
entre Yambassa et Ombessa
41
42
En effet, au dessus de ces sols, la topographie plane y
favorise des conditions de stagnation saisonnière des eaux, conditions
très contraignantes pour une grande majorité des espèces
ligneuses.
Cependant, invariablement, les différents sols du site
portent soit la forêt, soit les savanes. Les sols ne semblent donc pas
constituer un facteur déterminant de la distribution de la forêt
et de la savane.
I .4. Une végétation de mosaïque
forêt-savane
La région autour du confluent du Mbam et de la Sanaga
appartient au domaine de la mosaïque forêt-savane du Centre
Cameroun. Il s'agit d'une part, de la « forêt dense humide
semi-décidue» encore appelée « forêt
semi-caducifoliée guinéo-congolaise » par Letouzey (1968) ou
« forêt semi-sempervirente» selon White (1986). Les savanes de
la région qualifiées de formations périforestières
guinéo-soudaniennes par Aubreville (1948).
I.4.1. Les savanes préforestières ou
périforestières
Sur le territoire, se distinguent divers faciès de
savanes dont les principaux sont des savanes arbustives et des savanes
herbeuses.
I.4.1.1. Les savanes herbeuses
Les savanes herbeuses sont dominées par Imperata
cylindrica, Peinnisetum purpureum (Gramineae) et Aframomum latifolium
(Zingiberaceae). Les rares arbustes qui parsement ces savanes sont:
Terminalia glaucescens (Combretaceae), Annona senegalensis
(Annonaceae) et Bridelia ferruginea (Euphorbiaceae). On les
retrouve généralement sur les marges des habitations où
elles caractérisent le plus souvent les friches, mais aussi dans les bas
fonds marécageux où elles sont piquetées de Borassus
aethiopum ou rônier (Palmaceae) (photo 1).
43
Figure 10 : La distribution des sols dans la zone du
confluent Mbam et Sanaga
44
Photo Lemoupa, 2013
Photo 1 : La savane herbeuse à Pennisetum
purpeurum et Imperata cylindrica
I.4.1.2.Les savanes arbustives
Les savanes arbustives sont dominées par Terminalia
glaucescens et Bridelia ferruginea. Ces deux espèces sont
accompagnées par endroits de Annona senegalensis, Psorospermum
febrifiga, Crossopteryx sp et Hymenocardia acida. Localement, les
savanes s'enrichissent de Borassus aethiopum (Rônier),
Lophira lanceolata et Vitex sp. Le couvert herbacé de
ces savanes est dominé par Andropogon sp, Pennisetum sp, Imperata
cylindrica (Gramineae) et Aframomum latifolium (Zingiberaceae).
Ce couvert herbacé reste le même lorsqu'on se retrouve face aux
savanes arborées dans certains secteurs. La seule différence
remarquable ici est la présence de grands Terminalia glaucescens
associée aux autres arbres typiques de savanes comme Lannea
kerstingii (photo 2).
45
Photo Lemoupa, 2013
Photo 2 : La savane arbustive à Terminalia
glaucescens et Bridelia ferruginea I.4.2. La forêt dense
humide semi décidue
Dans la région, la forêt dans son ensemble est
dominée par deux grandes familles : celles des Ulmaceae et des
Sterculiaceae (Letouzey, 1968). La première famille est surtout
composée de Celtis (C. philippensis, C. adolfi-friderici,
C. milbraedii, C. tessmanii, C. zenkeri et C. africana) alors que la
seconde connaît une richesse importante des genres Cola (C.
cordifolia, C. grandifolia, C. altissima, C. gigantea) et Sterculia
(S. rhinopetala, S. tragacantha). Des espèces comme
Triplochiton scleroxylon (Sterculiaceae) et Terminalia superba
(Combretaceae) sont aussi caractéristiques de la formation, mais
uniquement du fait de leur grande taille et de leur volume important en bois.
D'autres arbres émergents comme Entandrophragma cylindricum
(Meliaceae), Milicia excelsa (Tiliaceae), Pycnanthus
angolensis (Myristaceae), Bombax buonopozense et Ceiba pentandra
(Bombacaceae) sont localement abondantes. La flore de cette forêt
varie sensiblement au contact direct des savanes préforestières
où elle est beaucoup plus riche en Euphorbiaceae (Funtumia elastica,
Antidesma venosum) et en Mimosaceae (Albizia adianthifolia, Albizia
glaberrima et Albizia zygia) (Youta Happi, 1998) (photo 3).
46
Photo Lemoupa, 2013
Photo 3 : La forêt dense semi décidue
à Sterculiaceae et Ulmaceae
Notes : En saison sèche, certains grands arbres perdent
entièrement leurs feuilles. Ici les couleurs flamboyantes
caractérisent les jeunes feuilles (rouge, orange et jaune pour les
différents stades de repousse de Lophira alata). Les jeunes
feuilles de Ceiba Pentandra et de Bombax buonopozense virent
d'abord au vert olive et deviennent vert foncées au bout de quelques
mois.
I.5. Les aménagements agricoles
Dans le département du Mbam et Inoubou, la
région des haies vives est constituée de deux arrondissements
à savoir Bokito et Ombessa. Cet espace se caractérise par une
apparente faiblesse des densités de la population, soit environ 27
à 30 habitants au km2 selon le dernier recensement de 2005
(INS, 2010) (figures 12 et 13). Pour certains auteurs, ce territoire
représente un espace « vide » entre deux réservoirs de
migration que sont le pays bamiléké sur les hautes terres de
l'ouest et le pays Eton à l'est (Filipski et al., 2007). On explique
cela par la solide réputation de pratiques occultes qu'ont acquis les
Yambassa depuis la période précoloniale (Filipski et al.,
op.cit.), mais aussi par le caractère peu hospitalier du milieu
47
naturel. Le site renferme une forte densité de mouches
tsé tsé agents vecteurs de la maladie du sommeil et de simulies,
vecteur de la transmission de l'onchocercose ou maladie de la
cécité de l'Sil. Ces auteurs concluent que contrairement à
de nombreuses situations en Afrique rurale, le pays Yambassa n'est
soumis qu'à une très faible pression d'immigrations.
La population est composée du groupe ethnique
Yambassa et des allogènes tels que les Bafia, les peuls, les
bamiléké, les éton, les éwondo, les sanaga et des
étrangers originaires du Nigeria et du Mali pour les pays les plus
représentés. Les autochtones sont regroupés en familles,
soit neuf au total: Bongolo, Guessele, Bouyongo, Boudigue, Ndaga, Bogann,
Botombo, Bogoum et Bolomann. Rappelons que le village Yambassa fait partie des
dix villages que compte le groupement Elip. Il s'agit de : Yambassa, Balamba 1,
Balamba 2, Botatango, Boalondo, Bassolo, Botombo, Bogando, Kananga et
Kilikoto.
C'est une population essentiellement rurale et acquise
à la pratique de l'agriculture. Une agriculture
vivrière semi-itinérante est pratiquée en zone de savane.
La production vivrière est du domaine des femmes qui cultivent chaque
année une dizaine de « parterres » chacune2. Les
espaces de savane défrichés et labourés à la houe
servent à la culture du taro et de l'igname la première
année, du maïs et de l'arachide l'année suivante (photos 4,
5 et 6). Du manioc est toujours planté sur les bords du parterre.
L'agriculture vivrière reste fondée sur un système
à jachère de longue durée : à un cycle de cultures
de deux à trois ans succède une jachère de plusieurs
années (cinq au minimum). Depuis quelques années pourtant, les
agriculteurs yambassa se lancent dans des cultures de rente de savane,
notamment les agrumes. Les bosquets du pays Yambassa ont été mis
à profit pour devenir des espaces de cacaoculture, principale ressource
du pays Yambassa, avec une forte perception de saturation foncière. La
culture du cacao nécessite un couvert végétal et doit
être installée en forêt. Les exploitations sont tenues sur
le mode familial. Elles sont petites (de 0,2 à 2 hectares) et souvent
anciennes. Les yambassa préférant en général
chercher un nouvel espace pour installer des jeunes plants plutôt que de
renouveler leurs plantations (Filipski et al., 2007).
2 Larges buttes rectangulaires de terre
labourée d'environ 200 m2
48
Photo Lemoupa, 2013
Photo 4 : Plantation de cacaoyer aménagée
dans un système agroforestier
Notes: un peu partout dans la région, les cacaoyers
sont implantés dans des bosquets. Les enquêtes
révèlent que ces taches de forêt ont remplacé des
parcelles de savanes anciennement occupées par les cultures
vivrières.
Un autre aspect important à relever au sujet de la
région est la forte proportion d'agriculteurs anciennement citadins
parmi les villageois. La quasi-totalité des agriculteurs
interrogés ont vécu en ville quelques années avant de
revenir, déçus par le manque d'opportunités en ville. Ce
mouvement, qui débute dans les années 1980, se poursuit de nos
jours en partie grâce au développement des transports.
49
Photo Lemoupa, 2013
Photo 5 : Champs d'arachide et de manioc dans un bas
fond
Notes: au premier plan, le champ aménagé sur un
parterre. Il porte des arachides et du manioc. Les deux hommes avancent dans un
drain aménagé pour favoriser artificiellement l'évacuation
de l'eau gravitaire présente dans la macroporosité du sol
à la suite de précipitation, mais qui stagnent longtemps à
cause de la platitude de la topographie.
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