2.2 Activités scientifiques, économiques et
urbanistiques
Si le volet administratif de l'activité de Malouet
constitue une part non négligeable de son passage à Cayenne, il
consacre par ailleurs beaucoup d'énergie à animer les secteurs
qui relèvent des sciences et techniques, de l'économie et de
l'urbanisme. Promoteur du projet colonial, il dynamise en premier lieu
l'activité géographique et cartographique.
2.2.1 La cartographie
Dès le début de l'époque moderne, la
cartographie est une discipline importante, dont les fins administratives ou
militaires desservent le projet colonial. C'est un outil pour les pouvoirs
centraux, destiné à mieux administrer les territoires conquis. Il
répond aux exigences de recensement méthodique de l'espace, des
occupants et des ressources de la colonie963. Dans cette
configuration, l'ordonnateur anime l'expertise géographique des
territoires qui lui sont confiés964. Concernant la Guyane, le
constat de Malouet est pour le moins édifiant. Il fait part en
décembre 1776 au ministre de son effarement quand il apprend que de
toutes les copies des cartes de la Guyane envoyées en France, il n'en
existe plus aucune au Bureau des colonies. Il insiste sur la grande valeur de
ces documents pour le développement de la Guyane, car ils localisent les
ressources, les cours d'eau, les voies de communication, etc. Il fait part du
découragement des ingénieurs-géographes qui ont
effectué ces travaux difficiles :
« Les sieurs Dessingy, Meutel et Brodel sont
restés sans récompense ; il ne reste plus d'autres monuments de
leurs voyages que les minutes de leurs cartes, bientôt
dévorées par les insectes965. »
Pour l'ordonnateur, la tâche n'est pas simple, d'autant
que depuis le départ de Dessingy, il n'y a plus que deux
ingénieurs-géographes en Guyane : Mentelle et Brodel. En effet,
Dessingy est rapatrié en France pour des raisons de santé. Patris
et Bajon, respectivement « ancien médecin du
963 Caroline SEVENO, « La carte et l'exotisme »,
op. cit., p. 49 ; François REGOURD, « Coloniser les blancs
de la carte. », op. cit., p. 227.
964 François REGOURD, Sciences et colonisation sous
l'Ancien Régime, op. cit., p. 251.
965 ANOM C14/43 F° 45
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roy et ancien chirurgien major », expliquent :
« [M. Dessingy] à été
attaqué d'un flux de sang au mois de juillet 1774 [...] ; que cette
maladie ne faisant qu'empirer [...] pendant tout le reste de l'année, il
a été dans un état de foiblesse et d'épuisement,
duquel il s'est toujours résenti de depuis966. »
Malouet réorganise donc la façon de travailler
des ingénieurs-géographes, et définit les objectifs. Il
confie à Mentelle et à Brodel le travail de terrain pour dresser
une carte générale de la Guyane et du cours de chaque
rivière. La direction des opérations est laissée à
Mentelle, personnage « très-instruit, ses opérations sont
rectifiées par des connoissances étendues en
géométrie et astronomie », secondé par Brodel, qui
« n'est qu'un homme laborieux et exact, propre à son état,
mais au-dessous de la première classe. » Pour le travail de
cabinet, Malouet leur adjoint le chevalier de Besner, frère du baron de
Bessner, qu'il estime « fort propre à ce travail. » Son
objectif final est de parvenir à réaliser un petit Atlas de la
Guyane, « rien n'étant plus capable d'accréditer la Guyane
que la connoissance détaillée de sa position et de la
distribution de ses eaux967. »
Pour motiver ses troupes, il promet à Mentel et Brodel
des récompenses pour leur zèle et leur peine, et déplore
qu'elles soient aussi tardives. En effet, pour bon nombre d'entre-eux, les
experts scientifiques des colonies n'ont pour subsister que leur pension,
souvent assez maigre. Ainsi, l'entrain du personnel scientifique colonial est
régulièrement stimulé par des pensions, des gratifications
et des titres968. De fait, Malouet demande pour Mentelle « la
place d'ingénieur-garde des plans et cartes de la Guiane, et
mémoires géographiques, avec un traitement de 2000 livres, et
pour le sieur Brodel un supplément de 500 livres, 100 pistoles ne
pouvant suffire ici à la subsistance et à l'entretien d'un
ingénieur quelconque969. » Le ministre accède
à sa requête le 25 juillet 1777. Mentelle reçoit « la
commission de capitaine d'infanterie et le brevet de garde des plans et cartes
de la Guiane », ainsi qu'un traitement de 2 000 livres. Brodel, pour sa
part, voit son traitement porté à 1 500 livres970. Au
moment où Malouet s'apprête à quitter la Guyane en
août 1778, il informe la ministre que sous son administration, le
dépôt des cartes s'est enrichit de quarante nouvelles
cartes971.
Ainsi, en dynamisant l'activité cartographique par sa
réorganisation et en stimulant le
966 ANOM E219 F° 699
967 ANOM C14/43 F° 45
968 Yves LAISSUS, « Les voyageurs naturalistes »,
op. cit., p. 289, 301.
969 ANOM C14/43 F° 45
970 ANOM E309 F° 666
971 ANOM C14/50 F° 96
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personnel scientifique en revalorisant sa condition, Malouet
parvient à obtenir des résultats encourageants. Ses efforts se
portent également sur l'amélioration du cadre de vie.
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