2.2.3 La Machine coloniale
Le triptyque institutionnel et scientifique formé par
l'Académie des sciences, le Jardin du roi et l'Observatoire royal porte
la science française sur le devant de la scène européenne.
Sa mise en place entre en coïncidence avec l'effort de centralisation et
de rationalisation administrative entrepris par Colbert. En contrôlant
les Finances, les Bâtiments royaux, la Marine et les principales
académies savantes, le ministre omniprésent se dote des moyens
nécessaires pour opérer un recentrage politique de l'expansion
coloniale française. Le modèle colbertien fait la part belle
à une forte bureaucratisation, qui puise dans le potentiel d'un
601 Ibid., p. 292-298.
602 François REGOURD, Sciences et colonisation sous
l'Ancien Régime, op. cit., p. 259.
603 Robin BRIGGS, « The Académie Royale des Sciences
and the Pursuit of Utility », op. cit., p. 43 ; François
REGOURD, Sciences et colonisation sous l'Ancien Régime, op.
cit., p. 264.
604 François REGOURD, Sciences et colonisation sous
l'Ancien Régime, op. cit., p. 264.
605 François REGOURD, « Capitale savante, capitale
coloniale », op. cit., p. 137.
144
appareil d'État absolutiste les ressources pour
coordonner une entreprise de « mobilisation des mondes606
» s'appuyant sur la centralité de Paris comme lieu de validation,
d'analyse et de diffusion des informations venant des régions
ultra-marines607. C'est dans ce contexte institutionnel que
s'animent les rouages d'une Machine coloniale, mise en évidence par
François Regourd et James McClellan608. Il s'agit d'un
réseau d'académies liées de très près
à l'autorité royale, des relations sociales spécifiques
qui mêlent les relations de clientèle, de mécénat et
de devoir administratif, qui se constituent autour du ministère de la
Marine et des institutions scientifiques parisiennes, dans le but de
déployer et de soutenir la colonisation
française609.
Médecine navale et coloniale
Les efforts se portent en premier lieu sur la médecine.
Les prémices institutionnelles d'une médecine coloniale sont
jetées à l'initiative de la Marine royale, sous la supervision du
ministère de la Marine et des Colonies. Les premières
infrastructures sollicitées au XVIIe siècle sont les
hôpitaux navals de Rochefort, Brest et Toulon, où sont
créées au XVIIIe siècle des écoles navales de
médecine afin de fournir à la Marine royale des médecins
et des chirurgiens. La Société Royale de Médecine est
fondée en 1778 à Paris, dans le but de coordonner au niveau
national l'action des médecins et des sciences médicales, avec un
important volet concernant la médecine navale610. À ce
dispositif métropolitain répondent des structures
implantées aux colonies, principalement les hôpitaux royaux.
Situé au-dessus du port, celui de Cayenne est construit en 1699 pour
apporter des soins aux soldats de la garnison et aux habitants
pauvres611. L'hôpital colonial est dirigé par « le
médecin du roi », agent royal ayant pour fonction de
développer les savoirs coloniaux en menant des recherches
localement612. C'est le cas par exemple de Jacques-François
Artur, 1er médecin du roi à Cayenne de 1736 à 1771, qui
produit une correspondance personnelle et scientifique importante,
rédige de nombreux mémoires ainsi qu'une histoire de la
Guyane613.
Ces différentes structures médicales sont
régulièrement informées de l'état sanitaire des
606 Bruno LATOUR, La science en action, Paris,
Gallimard, 1987, p. 512.
607 François REGOURD, « Les lieux de savoir et
d'expertise coloniale à Paris au XVIIIe siècle: institutions et
enjeux savants », in Anja BANDAU, Marcel DORIGNY et Rebekka VON
MALLINCKRODT (dirs.), Les mondes coloniaux à Paris au XVIIIe
siècle. Circulation et enchevêtrement des savoirs, Paris,
Editions Karthala, 2010, p. 38-39.
608 James E. MCCLELLAN et François REGOURD, « The
Colonial Machine: French Science and Colonization in the Ancien Regime »,
Osiris, 1 janvier 2000, vol. 15, pp. 31-50.
609 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane
(1720-1848), op. cit., p. 23.
610 James E. MCCLELLAN et François REGOURD, « The
Colonial Machine », op. cit., p. 33-34.
611 Marie POLDERMAN, La Guyane française,
1676-1763, op. cit., p. 485.
612 James E. MCCLELLAN et François REGOURD, « The
Colonial Machine », op. cit., p. 34.
613 Céline RONSSERAY, « Un destin guyanais:
Jacques-François Artur, 1er médecin du roi à Cayenne au
XVIIIe siècle », Annales de Normandie, 2003, vol. 53,
no 4, p. 352.
145
colonies et des épidémies qui s'y
déclarent. En effet, quand les Européens prennent pied en
Amérique, ils amènent avec eux de nombreux germes
pathogènes comme la variole, la rougeole, le paludisme, des parasites
intestinaux, qui affectent durement les populations locales et les esclaves. En
février 1744, une épidémie de rougeole frappe Cayenne et
touche seulement les créoles, les esclaves et les Indiens. Des
filles à marier, débarquées en 1716, sont
à l'origine d'une épidémie de variole, que l'on soigne
à l'aide de mercure et qui décime essentiellement les
Amérindiens. Le mal rouge de Cayenne, autre nom donné
à la lèpre, frappe en 1743. Artur tente de l'enrayer en soignant
les malades avec du mercure et des plantes614. En 1778, Antoine
Poissonier des Perrières, dans un courrier qu'il adresse au ministre
Sartine depuis Cayenne, propose un remède contre le mal des
mâchoires qui frappe les enfants d'esclaves615. Les
autorités sont également attentives à l'état des
hôpitaux portuaires et à la santé des marins. La
mortalité sur les navires est très importante, en particulier sur
les navires négriers. Très élevée aux origines de
la traite (environ 30%), elle connaît une baisse rapide au XVIIIe
siècle (environ 15%) du fait d'une meilleure alimentation et de mesures
d'hygiènes plus efficaces. L'esclave étant une marchandise
coûteuse, les armateurs ont l'obligation d'embarquer à bord un
chirurgien, qui reste malgré tout impuissant face aux
épidémies de scorbut et aux maladies infectieuses, aux
révoltes ou au mauvais temps qui allonge la durée du voyage. Ces
conditions difficiles touchent aussi bien les captifs que l'équipage.
Soumis pareillement aux épidémies et à des conditions de
travail très dures, la mortalité des marins ne diminue pas au fil
du XVIIIe siècle, et reste même supérieure, dans
l'ensemble, à celle des captifs616.
Géographie et cartographie
Maîtriser un espace lointain nécessite
également une maîtrise de sa représentation cartographique.
L'empire colonial se diversifiant, le besoin des autorités de
connaître ces territoires se développe en même temps que la
centralisation administrative du pouvoir. Les outils qu'offre la
géographie sont essentiels pour l'administration. Ils octroient, d'une
part, les moyens de démontrer la puissance royale par la
représentation de ses possessions ; d'autre part il s'agit d'informer et
d'instruire l'État617, d'avoir une vue générale
des colonies, d'en dresser un inventaire
614 Marie POLDERMAN, La Guyane française,
1676-1763, op. cit., p. 475-477.
615 ANOM C14/57 F° 150 ; ANOM C14/89 F° 23
616 Marcel DORIGNY, Bernard GAINOT et Fabrice LEGOFF,
Atlas des esclavages: traites, sociétés coloniales,
abolitions de l'antiquité à nos jours, Nouvelle
édition augmentée., Paris, Éditions Autrement, coll.
« Collection Atlas/Mémoires », 2013, p. 27.
617 Caroline SÉVENO, « La carte et l'exotisme »,
Hypothèses, 2008, vol. 11, no 1, p. 52-53.
146
spatial, de localiser les ressources naturelles et les
habitants. La perte du Canada en 1763 oriente clairement la cartographie vers
une vocation militaire, pour renforcer la défense des îles
antillaises618. Les efforts entrepris par la monarchie dans ce
domaine sont relativement importants. À l'image de pays comme l'Autriche
ou le Danemark, et contrairement à l'Angleterre qui accuse un retard
certain, la France dispose depuis les années 1750, sous l'impulsion de
Choiseul et de Jean Baptiste Berthier, d'une cartographie unifiée et
normalisée de l'ensemble du territoire, établie par
triangulation619. De fait, les bureaux de Versailles disposent au
Dépôt des cartes, plans et journaux de la Marine, de très
nombreuses cartes locales, réalisées sur le terrain par les
arpenteurs, les militaires ou les administrateurs620.
Parallèlement, une ordonnance royale du 24 mars 1763 stipule que les
cartes de tous les ports et places fortes des Antilles soient
réactualisées annuellement, ce qui contribue à renforcer
le rôle d'objet de connaissance attribué aux
cartes621.
Toutefois, le corpus cartographique des colonies, en
particulier pour la Guyane, est loin d'être aussi complet. En 1774, dans
un mémoire qu'il adresse au ministre,
l'ingénieur-géographe Simon Mentelle, en poste à Cayenne,
fait état d'une situation peu reluisante. Les connaissances
géographiques sur la Guyane sont restreintes et proviennent
essentiellement de trois sources : « 1° les itinéraires de
quelques voyageurs ; 2° les observations astronomiques et les
opérations trigonométriques de M. de La Condamine : 3° les
travaux des ingénieurs géographes entretenus dans la colonie
depuis 1762622. » Dans l'ensemble, Mentelle déplore que
les documents à disposition soient très imparfaits, presque
toujours dépourvus d'échelle, fondés sur des estimations.
La longueur du chemin à parcourir est exprimée en heure de
marche, en journée de cabotage, « or, il est très ordinaire
de ne mettre qu'une heure en descendant une rivière pour faire le chemin
qu'on a bien de la peine à remonter en six, et même en dix heures,
avec la même équipe623. » En revanche les travaux
de La Condamine, qui effectue des relevés trigonométriques, de
l'ingénieur-géographe Dessingy, qui cartographie en 1762 le
terrain entre le cap d'Orange et le Kourou, (« travail très
détaillé qui comporte une échelle », précise
Mentelle) et de lui-même, (Mentelle cartographie en grande partie le
Maroni et l'Oyapock) sont bien plus précis, mais trop limités et
trop peu nombreux :
618 François REGOURD, « Coloniser les blancs de la
carte. Quelques réflexions sur le vide cartographique dans le contexte
colonial français de l'Ancien Régime (Guyane et Antilles
françaises, XVIIe-XVIIIe siècle) », in Isabelle
LABOULAIS-LESAGE (dir.), Combler les blancs de la carte. Modalités
et enjeux de la construction des savoirs géographiques (XVIIe-XXe
siècle), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll.
« Sciences de l'Histoire », 2004, p. 227.
619 Kapil RAJ, « La construction de l'empire de la
géographie. », op. cit., p. 1166 ; Caroline SEVENO, «
La carte et l'exotisme », op. cit., p. 55.
620 François REGOURD, « Coloniser les blancs de la
carte », op. cit., p. 227.
621 Caroline SEVENO, « La carte et l'exotisme »,
op. cit., p. 55.
622 ANOM C14/43 F°291.
623 ANOM C14/43 F°291.
147
« [Ce] sont des morceaux précieux par le
mérite de leur auteur et par ce quelles (sic) ont été
faites avec de grands instruments, tels, sans doute, qu'on en verra
guère dans la colonie. Mais ces travaux sont en petit nombre, et ils ne
peuvent donner la position que de quelques points ; ce sont les prémiers
(sic) matériaux d'un grand édifice, et leur utilité doit
dépendre l'emploi qu'on en fera624. »
Mentelle fait remarquer que les travaux de cartographie sont
rendus difficiles par manque de moyens et par la difficulté de se
déplacer en Guyane, véritable gageure au XVIIIe
siècle625. De plus, il informe le ministre que les documents
sont difficilement exploitables en l'état car ils ne sont pas
regroupés en un seul endroit. Ils sont de fait inutiles pour les
voyageurs et les expéditions militaires s'aventurant à
l'intérieur des terres, « obligés d'avoir pour
guide des Indiens ou des Nègres ou mulâtres libres626.
» ce qui peut sembler problématique :
« On sçait que par l'infidélité
des Indiens il est arrivé quelque fois que ces détachements ont
manqué leur objet et sont revenus à la ville accablés de
fatigue, et après avoir consommé leurs vivres dans des marches
inutiles, ou même opposés à la route qu'on se proposoit de
tenir627. »
Ainsi Mentelle propose-t-il de rassembler en un seul corps
d'ouvrage tous les matériaux que la colonie possède sur la
géographie de la Guyane. Il suggère dans son mémoire que
les travaux se poursuivent, assortis de moyens adéquats pour pouvoir
réaliser un travail sérieux et de qualité628.
De fait, combler les blancs de la carte revêt également un
objectif administratif. En joignant aux cartes un mémoire, il s'agit de
compléter l'information, la préciser, proposer des
améliorations afin de faciliter la prise de décision
administrative à Versailles629.
624 ANOM C14/43 F°292.
625 Yannick LE ROUX, Les communications intérieures en
Guyane Française sous l'ancien régime (1664-1794), op.
cit. ; Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763,
op. cit., p. 539.
626 ANOM C14/43 F°293.
627 ANOM C14/43 F°294.
628 ANOM C14/43 F°294.
629 François REGOURD, « Coloniser les blancs de la
carte », op. cit., p. 227.
148
Botanique et agronomie
Enfin, le dernier chantier qui anime les rouages de la machine
coloniale s'intéresse à l'agronomie et à la botanique. Une
fois encore, c'est sous l'initiative de Colbert et des théories
mercantilistes que la nature tropicale revêt un enjeu économique
de premier plan, vers les années 1670. La monarchie encourage la culture
des plantes existantes dans les colonies, mais cherche également
à en implanter de nouvelles. L'introduction de plantes devient un enjeu
économique de premier ordre pour Colbert qui, par ce moyen,
espère favoriser l'émergence d'une agriculture coloniale capable
de compenser les difficultés conjoncturelles liées à la
baisse du prix du sucre, tout en permettant à la France de se
dégager du commerce étranger pour des produits à forte
valeur ajoutée comme la soie ou les épices630. Les
différents ministres de la Marine s'évertuent tout au long du
XVIIIe siècle à poursuivre cette politique en s'appuyant sur un
double réseau marchand et administratif. Le réseau marchand,
charpenté par les ports de la façade atlantique. Ainsi, en 1726
un jardin d'apothicaire à Nantes sert d'interface entre le monde
colonial et l'administration. Il stocke les spécimens rapportés
des colonies et délivre aux capitaines des listes de plantes. Le
réseau administratif pour sa part collecte les graines et les plantes et
consigne des informations sous forme de mémoires631.
L'Académie des sciences et le Jardin du roi jouent un
rôle important au sein de ce système. « Leurs liens avec les
ministères sont quasi symbiotiques, explique Julien Touchet :
constitution des collections et aide à la colonisation sont
imbriquées dans leurs moyens, sinon dans leurs buts, notamment au niveau
important du personnel632. » Ainsi, il convient d'avoir sur
place un réseau d'informateurs fiables et de qualité. C'est au
cours du XVIIIe siècle que l'Académie des sciences et le Jardin
du roi dépêchent dans les colonies des médecins coloniaux
à qui l'on accorde le titre de « botaniste du roi ». C'est le
cas de Pierre Barrère en 1721, correspondant d'Antoine de Jussieu en
Guyane, ou de Fusée-Aublet et de Patris, tous deux recommandés en
1762 et 1764 par Bernard de Jussieu, qui fournissent
régulièrement à l'Académie des sciences et au
Jardin du roi plantes, graines, herbiers, mémoires, illustrations,
etc633.
Concernant la Guyane, les vues ministérielles sont
particulièrement attentives à développer la culture des
épices, dans le but de concurrencer les Hollandais, et l'exploitation du
bois. Dès les origines de l'installation française en Guyane, se
procurer des épices, en découvrir et en cultiver paraît
être un moyen de développement du territoire. En 1693, Ferroles
propose au ministre de
630 François REGOURD, « Maîtriser la nature
», op. cit., p. 49.
631 Ibid., p. 47.
632 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane
(1720-1848), op. cit., p. 53.
633 François REGOURD, « Maîtriser la nature
», op. cit., p. 48-49.
149
cultiver de la cannelle venue d'Amazonie. En 1742, on cultive
du safran. L'introduction du poivrier (1784), du giroflier (1773) et du
muscadier (1773) est relativement tardive dans la colonie634. Un
projet naît dès les années 1763 avec l'expédition de
Kourou, dont l'objectif est de mettre en place une migration des plantes par le
biais d'un réseau de jardins coloniaux. Ce projet est repris par
André Thouin, jardinier en chef du Jardin du Roi depuis 1764.
S'inspirant des réalisations de Pierre Poivre à l'île de
France (l'île Maurice) et l'île Bourbon (la Réunion) le
ministère développe deux jardins coloniaux : en 1777 à
Saint-Domingue, et en 1778 en Guyane sur l'habitation de la Gabrielle. «
Ces deux jardins, explique François Regourd, confiés à des
botanistes talentueux, [deviennent] dès lors des postes avancés
de la politique coloniale du Jardin du roi635 » dont la
vocation est de centraliser les plantes destinées à
compléter les collections européennes ; ce sont également
des lieux d'expérimentation de cultures, où l'on reçoit
des graines et des plantes en vue de leur acclimatation. Ce projet d'un
réseau de jardins coloniaux est contemporain, en Guyane, d'une
réussite en matière d'agrobotanique, en particulier grâce
au développement des « épiceries » et surtout de la
girofle636.
Les premières tentatives sont peu concluantes. Entre
1720 et 1722, le gouverneur La Motte-Aigron crée un jardin proche de
Cayenne où il tente de développer la culture du café, dont
des graines sont introduites en contrebande du Surinam, mais le projet
périclite rapidement par suite d'un mauvais emplacement et d'enjeux
administratifs contradictoires637. Il faut attendre 1778 pour que la
culture de la girofle sont réalisées en Guyane sur l'habitation
la Gabrielle, où Malouet crée la même année un
Jardin du roi à la tête duquel il fait placer en 1779 Guisan.
L'idée est de centraliser en ce lieu toutes les cultures d'épices
en Guyane. Ainsi, dès le mois d'août, Malouet fait
transférer trois pieds de girofliers à la Gabrielle. En 1785, un
rapport de Guisan aux administrateurs fait état de 4 411 girofliers en
plein rapport, ce qui permet d'en distribuer 261 dans la colonie638.
La Gabrielle commercialise sa production de clous de girofle à partir de
1788639.
On s'intéresse également au bois. La majeure
partie de la Guyane est couverte d'une forêt qui fascine et suscite un
intérêt permanent quant à ses richesses et son exploitation
potentielle. Matériau de construction de base de la colonie, on songe
également à l'utiliser pour la construction navale. Certains bois
sont aussi utilisés pour leurs fruits, leurs graines, pour
améliorer l'ordinaire de la colonie. Par exemple, le baume de copahu est
à usage pharmaceutique, le yayamadou sert à
634 Marie POLDERMAN, La Guyane française,
1676-1763, op. cit., p. 87-88.
635 François REGOURD, « Maîtriser la nature
», op. cit., p. 51.
636 Ibid. ; Emma C. SPARY, Utopia's Garden:
French Natural History from Old Regime to Revolution, Chicago, The
University of Chicago Press, 2000, p. 50 ; Julien TOUCHET, Botanique et
colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 40-41.
637 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane
(1720-1848), op. cit., p. 142.
638 Ibid., p. 155.
639 Marie POLDERMAN, La Guyane française,
1676-1763, op. cit., p. 88.
150
fabriquer des chandelles, l'hévéa, décrit
par Fusée-Aublet en 1777, donne le caoutchouc. De nombreux
échantillons sont collectés et envoyés au ministre dans le
courant du XVIIIe siècle par Pierre Barrère ou Jacques
François Artur, qui envoie en 1740 34 échantillons640.
Des projets de pépinières voient le jour dans les années
1770, et Malouet l'oublie volontiers, à l'initiative du baron de Besner,
qui rédige en 1775 un mémoire sur les bois de
Guyane641 dans lequel il prévoit de réaliser un
inventaire des espèces utiles, tant en matière de constructions
civiles ou navales, qu'à usage médicinal. Il prévoit de
multiplier ces arbres au sein d'une pépinière qu'il envisage
d'implanter à proximité de Cayenne :
« [La pépinière] servira principalement
à fournier les arbres qui seront plantés le long des grands
chemins. Ces arbres appartiendront au roi et seront plantés par ses
nègres. Il ne conviendra d'employer dans cette plantation que des arbres
utiles, tant pour la charpente que pour la construction642.
»
Besner envisage également de procéder à
la naturalisation d'espèces locales afin de les introduire en France
« dans les provinces méridionales [où elles deviendront]
utiles643. »
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