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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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2.2.3 La Machine coloniale

Le triptyque institutionnel et scientifique formé par l'Académie des sciences, le Jardin du roi et l'Observatoire royal porte la science française sur le devant de la scène européenne. Sa mise en place entre en coïncidence avec l'effort de centralisation et de rationalisation administrative entrepris par Colbert. En contrôlant les Finances, les Bâtiments royaux, la Marine et les principales académies savantes, le ministre omniprésent se dote des moyens nécessaires pour opérer un recentrage politique de l'expansion coloniale française. Le modèle colbertien fait la part belle à une forte bureaucratisation, qui puise dans le potentiel d'un

601 Ibid., p. 292-298.

602 François REGOURD, Sciences et colonisation sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 259.

603 Robin BRIGGS, « The Académie Royale des Sciences and the Pursuit of Utility », op. cit., p. 43 ; François REGOURD, Sciences et colonisation sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 264.

604 François REGOURD, Sciences et colonisation sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 264.

605 François REGOURD, « Capitale savante, capitale coloniale », op. cit., p. 137.

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appareil d'État absolutiste les ressources pour coordonner une entreprise de « mobilisation des mondes606 » s'appuyant sur la centralité de Paris comme lieu de validation, d'analyse et de diffusion des informations venant des régions ultra-marines607. C'est dans ce contexte institutionnel que s'animent les rouages d'une Machine coloniale, mise en évidence par François Regourd et James McClellan608. Il s'agit d'un réseau d'académies liées de très près à l'autorité royale, des relations sociales spécifiques qui mêlent les relations de clientèle, de mécénat et de devoir administratif, qui se constituent autour du ministère de la Marine et des institutions scientifiques parisiennes, dans le but de déployer et de soutenir la colonisation française609.

Médecine navale et coloniale

Les efforts se portent en premier lieu sur la médecine. Les prémices institutionnelles d'une médecine coloniale sont jetées à l'initiative de la Marine royale, sous la supervision du ministère de la Marine et des Colonies. Les premières infrastructures sollicitées au XVIIe siècle sont les hôpitaux navals de Rochefort, Brest et Toulon, où sont créées au XVIIIe siècle des écoles navales de médecine afin de fournir à la Marine royale des médecins et des chirurgiens. La Société Royale de Médecine est fondée en 1778 à Paris, dans le but de coordonner au niveau national l'action des médecins et des sciences médicales, avec un important volet concernant la médecine navale610. À ce dispositif métropolitain répondent des structures implantées aux colonies, principalement les hôpitaux royaux. Situé au-dessus du port, celui de Cayenne est construit en 1699 pour apporter des soins aux soldats de la garnison et aux habitants pauvres611. L'hôpital colonial est dirigé par « le médecin du roi », agent royal ayant pour fonction de développer les savoirs coloniaux en menant des recherches localement612. C'est le cas par exemple de Jacques-François Artur, 1er médecin du roi à Cayenne de 1736 à 1771, qui produit une correspondance personnelle et scientifique importante, rédige de nombreux mémoires ainsi qu'une histoire de la Guyane613.

Ces différentes structures médicales sont régulièrement informées de l'état sanitaire des

606 Bruno LATOUR, La science en action, Paris, Gallimard, 1987, p. 512.

607 François REGOURD, « Les lieux de savoir et d'expertise coloniale à Paris au XVIIIe siècle: institutions et enjeux savants », in Anja BANDAU, Marcel DORIGNY et Rebekka VON MALLINCKRODT (dirs.), Les mondes coloniaux à Paris au XVIIIe siècle. Circulation et enchevêtrement des savoirs, Paris, Editions Karthala, 2010, p. 38-39.

608 James E. MCCLELLAN et François REGOURD, « The Colonial Machine: French Science and Colonization in the Ancien Regime », Osiris, 1 janvier 2000, vol. 15, pp. 31-50.

609 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 23.

610 James E. MCCLELLAN et François REGOURD, « The Colonial Machine », op. cit., p. 33-34.

611 Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 485.

612 James E. MCCLELLAN et François REGOURD, « The Colonial Machine », op. cit., p. 34.

613 Céline RONSSERAY, « Un destin guyanais: Jacques-François Artur, 1er médecin du roi à Cayenne au XVIIIe siècle », Annales de Normandie, 2003, vol. 53, no 4, p. 352.

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colonies et des épidémies qui s'y déclarent. En effet, quand les Européens prennent pied en Amérique, ils amènent avec eux de nombreux germes pathogènes comme la variole, la rougeole, le paludisme, des parasites intestinaux, qui affectent durement les populations locales et les esclaves. En février 1744, une épidémie de rougeole frappe Cayenne et touche seulement les créoles, les esclaves et les Indiens. Des filles à marier, débarquées en 1716, sont à l'origine d'une épidémie de variole, que l'on soigne à l'aide de mercure et qui décime essentiellement les Amérindiens. Le mal rouge de Cayenne, autre nom donné à la lèpre, frappe en 1743. Artur tente de l'enrayer en soignant les malades avec du mercure et des plantes614. En 1778, Antoine Poissonier des Perrières, dans un courrier qu'il adresse au ministre Sartine depuis Cayenne, propose un remède contre le mal des mâchoires qui frappe les enfants d'esclaves615. Les autorités sont également attentives à l'état des hôpitaux portuaires et à la santé des marins. La mortalité sur les navires est très importante, en particulier sur les navires négriers. Très élevée aux origines de la traite (environ 30%), elle connaît une baisse rapide au XVIIIe siècle (environ 15%) du fait d'une meilleure alimentation et de mesures d'hygiènes plus efficaces. L'esclave étant une marchandise coûteuse, les armateurs ont l'obligation d'embarquer à bord un chirurgien, qui reste malgré tout impuissant face aux épidémies de scorbut et aux maladies infectieuses, aux révoltes ou au mauvais temps qui allonge la durée du voyage. Ces conditions difficiles touchent aussi bien les captifs que l'équipage. Soumis pareillement aux épidémies et à des conditions de travail très dures, la mortalité des marins ne diminue pas au fil du XVIIIe siècle, et reste même supérieure, dans l'ensemble, à celle des captifs616.

Géographie et cartographie

Maîtriser un espace lointain nécessite également une maîtrise de sa représentation cartographique. L'empire colonial se diversifiant, le besoin des autorités de connaître ces territoires se développe en même temps que la centralisation administrative du pouvoir. Les outils qu'offre la géographie sont essentiels pour l'administration. Ils octroient, d'une part, les moyens de démontrer la puissance royale par la représentation de ses possessions ; d'autre part il s'agit d'informer et d'instruire l'État617, d'avoir une vue générale des colonies, d'en dresser un inventaire

614 Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 475-477.

615 ANOM C14/57 F° 150 ; ANOM C14/89 F° 23

616 Marcel DORIGNY, Bernard GAINOT et Fabrice LEGOFF, Atlas des esclavages: traites, sociétés coloniales, abolitions de l'antiquité à nos jours, Nouvelle édition augmentée., Paris, Éditions Autrement, coll. « Collection Atlas/Mémoires », 2013, p. 27.

617 Caroline SÉVENO, « La carte et l'exotisme », Hypothèses, 2008, vol. 11, no 1, p. 52-53.

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spatial, de localiser les ressources naturelles et les habitants. La perte du Canada en 1763 oriente clairement la cartographie vers une vocation militaire, pour renforcer la défense des îles antillaises618. Les efforts entrepris par la monarchie dans ce domaine sont relativement importants. À l'image de pays comme l'Autriche ou le Danemark, et contrairement à l'Angleterre qui accuse un retard certain, la France dispose depuis les années 1750, sous l'impulsion de Choiseul et de Jean Baptiste Berthier, d'une cartographie unifiée et normalisée de l'ensemble du territoire, établie par triangulation619. De fait, les bureaux de Versailles disposent au Dépôt des cartes, plans et journaux de la Marine, de très nombreuses cartes locales, réalisées sur le terrain par les arpenteurs, les militaires ou les administrateurs620. Parallèlement, une ordonnance royale du 24 mars 1763 stipule que les cartes de tous les ports et places fortes des Antilles soient réactualisées annuellement, ce qui contribue à renforcer le rôle d'objet de connaissance attribué aux cartes621.

Toutefois, le corpus cartographique des colonies, en particulier pour la Guyane, est loin d'être aussi complet. En 1774, dans un mémoire qu'il adresse au ministre, l'ingénieur-géographe Simon Mentelle, en poste à Cayenne, fait état d'une situation peu reluisante. Les connaissances géographiques sur la Guyane sont restreintes et proviennent essentiellement de trois sources : « 1° les itinéraires de quelques voyageurs ; 2° les observations astronomiques et les opérations trigonométriques de M. de La Condamine : 3° les travaux des ingénieurs géographes entretenus dans la colonie depuis 1762622. » Dans l'ensemble, Mentelle déplore que les documents à disposition soient très imparfaits, presque toujours dépourvus d'échelle, fondés sur des estimations. La longueur du chemin à parcourir est exprimée en heure de marche, en journée de cabotage, « or, il est très ordinaire de ne mettre qu'une heure en descendant une rivière pour faire le chemin qu'on a bien de la peine à remonter en six, et même en dix heures, avec la même équipe623. » En revanche les travaux de La Condamine, qui effectue des relevés trigonométriques, de l'ingénieur-géographe Dessingy, qui cartographie en 1762 le terrain entre le cap d'Orange et le Kourou, (« travail très détaillé qui comporte une échelle », précise Mentelle) et de lui-même, (Mentelle cartographie en grande partie le Maroni et l'Oyapock) sont bien plus précis, mais trop limités et trop peu nombreux :

618 François REGOURD, « Coloniser les blancs de la carte. Quelques réflexions sur le vide cartographique dans le contexte colonial français de l'Ancien Régime (Guyane et Antilles françaises, XVIIe-XVIIIe siècle) », in Isabelle LABOULAIS-LESAGE (dir.), Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (XVIIe-XXe siècle), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Sciences de l'Histoire », 2004, p. 227.

619 Kapil RAJ, « La construction de l'empire de la géographie. », op. cit., p. 1166 ; Caroline SEVENO, « La carte et l'exotisme », op. cit., p. 55.

620 François REGOURD, « Coloniser les blancs de la carte », op. cit., p. 227.

621 Caroline SEVENO, « La carte et l'exotisme », op. cit., p. 55.

622 ANOM C14/43 F°291.

623 ANOM C14/43 F°291.

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« [Ce] sont des morceaux précieux par le mérite de leur auteur et par ce quelles (sic) ont été faites avec de grands instruments, tels, sans doute, qu'on en verra guère dans la colonie. Mais ces travaux sont en petit nombre, et ils ne peuvent donner la position que de quelques points ; ce sont les prémiers (sic) matériaux d'un grand édifice, et leur utilité doit dépendre l'emploi qu'on en fera624. »

Mentelle fait remarquer que les travaux de cartographie sont rendus difficiles par manque de moyens et par la difficulté de se déplacer en Guyane, véritable gageure au XVIIIe siècle625. De plus, il informe le ministre que les documents sont difficilement exploitables en l'état car ils ne sont pas regroupés en un seul endroit. Ils sont de fait inutiles pour les voyageurs et les expéditions militaires s'aventurant à l'intérieur des terres, « obligés d'avoir pour guide des Indiens ou des Nègres ou mulâtres libres626. » ce qui peut sembler problématique :

« On sçait que par l'infidélité des Indiens il est arrivé quelque fois que ces détachements ont manqué leur objet et sont revenus à la ville accablés de fatigue, et après avoir consommé leurs vivres dans des marches inutiles, ou même opposés à la route qu'on se proposoit de tenir627. »

Ainsi Mentelle propose-t-il de rassembler en un seul corps d'ouvrage tous les matériaux que la colonie possède sur la géographie de la Guyane. Il suggère dans son mémoire que les travaux se poursuivent, assortis de moyens adéquats pour pouvoir réaliser un travail sérieux et de qualité628. De fait, combler les blancs de la carte revêt également un objectif administratif. En joignant aux cartes un mémoire, il s'agit de compléter l'information, la préciser, proposer des améliorations afin de faciliter la prise de décision administrative à Versailles629.

624 ANOM C14/43 F°292.

625 Yannick LE ROUX, Les communications intérieures en Guyane Française sous l'ancien régime (1664-1794), op. cit. ; Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 539.

626 ANOM C14/43 F°293.

627 ANOM C14/43 F°294.

628 ANOM C14/43 F°294.

629 François REGOURD, « Coloniser les blancs de la carte », op. cit., p. 227.

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Botanique et agronomie

Enfin, le dernier chantier qui anime les rouages de la machine coloniale s'intéresse à l'agronomie et à la botanique. Une fois encore, c'est sous l'initiative de Colbert et des théories mercantilistes que la nature tropicale revêt un enjeu économique de premier plan, vers les années 1670. La monarchie encourage la culture des plantes existantes dans les colonies, mais cherche également à en implanter de nouvelles. L'introduction de plantes devient un enjeu économique de premier ordre pour Colbert qui, par ce moyen, espère favoriser l'émergence d'une agriculture coloniale capable de compenser les difficultés conjoncturelles liées à la baisse du prix du sucre, tout en permettant à la France de se dégager du commerce étranger pour des produits à forte valeur ajoutée comme la soie ou les épices630. Les différents ministres de la Marine s'évertuent tout au long du XVIIIe siècle à poursuivre cette politique en s'appuyant sur un double réseau marchand et administratif. Le réseau marchand, charpenté par les ports de la façade atlantique. Ainsi, en 1726 un jardin d'apothicaire à Nantes sert d'interface entre le monde colonial et l'administration. Il stocke les spécimens rapportés des colonies et délivre aux capitaines des listes de plantes. Le réseau administratif pour sa part collecte les graines et les plantes et consigne des informations sous forme de mémoires631.

L'Académie des sciences et le Jardin du roi jouent un rôle important au sein de ce système. « Leurs liens avec les ministères sont quasi symbiotiques, explique Julien Touchet : constitution des collections et aide à la colonisation sont imbriquées dans leurs moyens, sinon dans leurs buts, notamment au niveau important du personnel632. » Ainsi, il convient d'avoir sur place un réseau d'informateurs fiables et de qualité. C'est au cours du XVIIIe siècle que l'Académie des sciences et le Jardin du roi dépêchent dans les colonies des médecins coloniaux à qui l'on accorde le titre de « botaniste du roi ». C'est le cas de Pierre Barrère en 1721, correspondant d'Antoine de Jussieu en Guyane, ou de Fusée-Aublet et de Patris, tous deux recommandés en 1762 et 1764 par Bernard de Jussieu, qui fournissent régulièrement à l'Académie des sciences et au Jardin du roi plantes, graines, herbiers, mémoires, illustrations, etc633.

Concernant la Guyane, les vues ministérielles sont particulièrement attentives à développer la culture des épices, dans le but de concurrencer les Hollandais, et l'exploitation du bois. Dès les origines de l'installation française en Guyane, se procurer des épices, en découvrir et en cultiver paraît être un moyen de développement du territoire. En 1693, Ferroles propose au ministre de

630 François REGOURD, « Maîtriser la nature », op. cit., p. 49.

631 Ibid., p. 47.

632 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 53.

633 François REGOURD, « Maîtriser la nature », op. cit., p. 48-49.

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cultiver de la cannelle venue d'Amazonie. En 1742, on cultive du safran. L'introduction du poivrier (1784), du giroflier (1773) et du muscadier (1773) est relativement tardive dans la colonie634. Un projet naît dès les années 1763 avec l'expédition de Kourou, dont l'objectif est de mettre en place une migration des plantes par le biais d'un réseau de jardins coloniaux. Ce projet est repris par André Thouin, jardinier en chef du Jardin du Roi depuis 1764. S'inspirant des réalisations de Pierre Poivre à l'île de France (l'île Maurice) et l'île Bourbon (la Réunion) le ministère développe deux jardins coloniaux : en 1777 à Saint-Domingue, et en 1778 en Guyane sur l'habitation de la Gabrielle. « Ces deux jardins, explique François Regourd, confiés à des botanistes talentueux, [deviennent] dès lors des postes avancés de la politique coloniale du Jardin du roi635 » dont la vocation est de centraliser les plantes destinées à compléter les collections européennes ; ce sont également des lieux d'expérimentation de cultures, où l'on reçoit des graines et des plantes en vue de leur acclimatation. Ce projet d'un réseau de jardins coloniaux est contemporain, en Guyane, d'une réussite en matière d'agrobotanique, en particulier grâce au développement des « épiceries » et surtout de la girofle636.

Les premières tentatives sont peu concluantes. Entre 1720 et 1722, le gouverneur La Motte-Aigron crée un jardin proche de Cayenne où il tente de développer la culture du café, dont des graines sont introduites en contrebande du Surinam, mais le projet périclite rapidement par suite d'un mauvais emplacement et d'enjeux administratifs contradictoires637. Il faut attendre 1778 pour que la culture de la girofle sont réalisées en Guyane sur l'habitation la Gabrielle, où Malouet crée la même année un Jardin du roi à la tête duquel il fait placer en 1779 Guisan. L'idée est de centraliser en ce lieu toutes les cultures d'épices en Guyane. Ainsi, dès le mois d'août, Malouet fait transférer trois pieds de girofliers à la Gabrielle. En 1785, un rapport de Guisan aux administrateurs fait état de 4 411 girofliers en plein rapport, ce qui permet d'en distribuer 261 dans la colonie638. La Gabrielle commercialise sa production de clous de girofle à partir de 1788639.

On s'intéresse également au bois. La majeure partie de la Guyane est couverte d'une forêt qui fascine et suscite un intérêt permanent quant à ses richesses et son exploitation potentielle. Matériau de construction de base de la colonie, on songe également à l'utiliser pour la construction navale. Certains bois sont aussi utilisés pour leurs fruits, leurs graines, pour améliorer l'ordinaire de la colonie. Par exemple, le baume de copahu est à usage pharmaceutique, le yayamadou sert à

634 Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 87-88.

635 François REGOURD, « Maîtriser la nature », op. cit., p. 51.

636 Ibid. ; Emma C. SPARY, Utopia's Garden: French Natural History from Old Regime to Revolution, Chicago, The University of Chicago Press, 2000, p. 50 ; Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 40-41.

637 Julien TOUCHET, Botanique et colonisation en Guyane (1720-1848), op. cit., p. 142.

638 Ibid., p. 155.

639 Marie POLDERMAN, La Guyane française, 1676-1763, op. cit., p. 88.

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fabriquer des chandelles, l'hévéa, décrit par Fusée-Aublet en 1777, donne le caoutchouc. De nombreux échantillons sont collectés et envoyés au ministre dans le courant du XVIIIe siècle par Pierre Barrère ou Jacques François Artur, qui envoie en 1740 34 échantillons640. Des projets de pépinières voient le jour dans les années 1770, et Malouet l'oublie volontiers, à l'initiative du baron de Besner, qui rédige en 1775 un mémoire sur les bois de Guyane641 dans lequel il prévoit de réaliser un inventaire des espèces utiles, tant en matière de constructions civiles ou navales, qu'à usage médicinal. Il prévoit de multiplier ces arbres au sein d'une pépinière qu'il envisage d'implanter à proximité de Cayenne :

« [La pépinière] servira principalement à fournier les arbres qui seront plantés le long des grands chemins. Ces arbres appartiendront au roi et seront plantés par ses nègres. Il ne conviendra d'employer dans cette plantation que des arbres utiles, tant pour la charpente que pour la construction642. »

Besner envisage également de procéder à la naturalisation d'espèces locales afin de les introduire en France « dans les provinces méridionales [où elles deviendront] utiles643. »

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry