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Prédisposition à  adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho : cas des ménages consommateurs de "dibou" du village Thian, commune de Parakou.

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par Morest AGOSSADOU
Université d'Abomey-Calavi - Ingénieur agro-économiste 2011
  

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3.1.2. 1.2. Problématique et justification de la recherche

La carence en fer touche 4 à 5 milliards de personnes soit 66 à 80% de la population mondiale (OMS, 2003). L'anémie quant à elle affecte environ 2 milliards de personnes (soit 30% de la population mondiale). D'après les chiffres de l'OMS, l'anémie en Afrique toucherait 45 millions d'enfants de moins de 5 ans, 58 millions de femmes en âge de procréer et 11 millions de femmes enceintes. En Afrique sub-saharienne, la carence en fer est la principale cause d'anémie. Cette forme d'anémie, causée par la carence en fer, est désignée sous le vocable d'anémie martiale (ou ferriprive). Les femmes en âge de procréer et les enfants constituent les groupes les plus vulnérables. Les conséquences de cette maladie sur ces groupes vulnérables sont énormes. L'anémie ferriprive provoque des dégâts irréversibles au niveau du cerveau, une diminution de la réponse immunitaire et donc une augmentation de la fréquence des infections chez les enfants en bas âge. Chez l'adulte, elle provoque de la fatigue et une capacité au travail réduite. Plus de naissances prématurées et d'enfants mort-nés sont les dégâts de ce mal chez la femme enceinte (Franziska, 2000).

La carence en fer est principalement liée au fait que le fer alimentaire absorbé ne permet pas de couvrir les besoins élevés des populations à risques (Berger et Dillon, 2002 ; Franziska, 2000). Ceci est dû soit à la consommation d'aliments pauvres en fer, soit à la non ou faible disponibilité du fer contenu dans les aliments consommés. Pour faire face à ce problème, diverses stratégies existent comportant chacune des avantages et des inconvénients (Dillon, 2000). Il s'agit de la diversification alimentaire, de la supplémentation en fer, des mesures de santé publique et de l'enrichissement (ou fortification) en fer des aliments (Inwent, 2006 ; Alaoui, 2005 ; Berger et Dillon, 2002; Dillon, 2000). Dans les pays en développement, la fortification est de plus en plus, souvent, reconnue comme une approche efficace, à moyen et à long termes pour améliorer l'état en micronutriments de larges couches de la population (Inwent, 2006). Elle est considérée comme l'un des moyens les moins coûteux pour surmonter la malnutrition en micronutriments (Banque mondiale, 1994 ; Unicef, 1998). Elle consiste à ajouter du fer dans un aliment de consommation courante, afin d'augmenter le niveau de consommation de ce nutriment par la population (Inwent, 2006 ; Berger et Dillon, 2002). L'aliment qui transporte le nutriment est appelé véhicule ou vecteur.

Au Bénin, selon les statistiques de l'EDSB-III1(*) (2006), l'anémie ferriprive touche respectivement 78 % et 61 % d'enfants de 6 à 59 mois et de mères de 15 à 49 ans. Quatre vingt deux pour cent (82 %) des enfants anémiés se situent en milieu rural, contre 70 % en milieu urbain. Chez les enfants, les taux d'anémie ferriprive les plus élevés se retrouvent dans les départements de l'Alibori (89,7 %), de la Donga (88,1 %) et les plus faibles dans les départements du Littoral (60,3 %) et du Borgou (69,6%). Chez les mères, les taux d'anémie ferriprive sont les plus élevés dans les départements de l'Ouémé (75 %), l'Alibori (67 %), l'Atlantique (65 %), le Plateau (63 %) et le Mono (61 %). Les taux les plus faibles se retrouvent dans les autres départements et sont compris entre 50 % et 57 %. Ces statistiques montrent que l'anémie ferriprive est un réel problème de santé publique au Bénin. Des actions concrètes doivent, de ce fait, être menées pour l'éradication de ce mal. Cet objectif ne peut être atteint sans l'identification des causes réelles de cette forme d'anémie dans ces milieux touchés. Il faut donc identifier le repas le plus consommé, voir sa composition chimique (notamment en fer) et évaluer la biodisponibilité de ce fer afin de savoir si l'anémie ferriprive, dans ces milieux, est liée à l'insuffisance de fer dans les repas consommés ou à la non disponibilité pour l'organisme du fer contenu dans les aliments consommés. Dans le premier cas, une fortification serait suffisante, mais dans le second, une amélioration de la biodisponibilité sera plus raisonnable.

Dans cette optique, une étude a été conduite dans le nord-Bénin par Kayodé et al (2005). Cette étude a révélé que le sorgho est une céréale qui occupe une place importante dans les habitudes alimentaires des populations concernées. Cette place importante qu'occupe cette céréale est imputable à la diversité d'aliments qui en sont issus, et à leur importance respective dans l'alimentation des ménages. Il s'agit des pâtes (dibou, sifanou, foura), des bouillies (koko, sorou, kamanguia) et des boissons (tchoukoutou, chakpalo). Selon ces mêmes auteurs, seulement 2 à 6 % des 4 mg/100g2(*) du fer contenu dans le sorgho est disponible aux consommateurs de ces types d'aliments. Ce faible niveau de disponibilité du fer est dû à son inhibition par les facteurs antinutritionnels (FAN), c'est-à-dire les tannins, le calcium/phosphore, les phytates et fibres et les oxalates, qui sont principalement localisés dans le péricarpe des graines (Kayodé et Denou, 2007). A partir de ce moment, la cause de l'anémie ferriprive dans le nord du Bénin n'est pas une insuffisance de fer dans les repas consommés, mais plutôt une faible disponibilité du fer contenu dans les aliments consommés.

Pour améliorer la biodisponibilité du fer contenu dans le sorgho, il convient, logiquement, de réduire, voir supprimer, les facteurs antinutritionnels qui y sont contenus et ce, par l'enlèvement du péricarpe des graines.

Il y a quelques décennies, les consommateurs du sorgho se livraient chaque jour à un travail manuel d'enlèvement du péricarpe et de pulvérisation des grains avant de pouvoir préparer le repas quotidien (Bassey et Schmidt, 1990). Les difficultés inhérentes à ces activités ont conduit ces consommateurs à désormais pulvériser directement les grains (de sorgho) avec l'apparition du moulin. A partir de ce fait, il ne serait plus raisonnable de proposer à ces consommateurs de sorgho d'enlever manuellement (ou traditionnellement) le péricarpe des grains. Il faut donc penser à une technologie pouvant jouer ce rôle. Mais l'enlèvement du péricarpe du sorgho, dans le but de réduire ou éliminer les facteurs antinutritionnels, n'est pas sans conséquences.

En effet, les 4mg/100g de fer contenu dans le grain de sorgho se localisent au même endroit que les facteurs antinutritionnels, i.e. dans le péricarpe. La réduction ou l'élimination des facteurs antinutritionnels par enlèvement du péricarpe entraine alors une réduction ou une élimination du fer contenu dans le sorgho. Pour ne pas revenir à la situation de départ où les consommateurs du sorgho entier présentent une carence en fer, un enrichissement des graines ou de la farine doit être effectué après l'enlèvement du péricarpe.

Ainsi, par le biais du projet intitulé `'Introduction of a mechanical dehuller and iron fortification in the traditional processing of sorghum in Benin to improve the iron status of rural consumers of porridge'' initié par le Centre Régional de Nutrition et d'Alimentation Appliquées (CERNA) de la Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université d'Abomey-Calavi, une plate-forme de décorticage mécanique et de fortification en fer du sorgho est installée dans Thian, un village de la commune de Parakou, département du Borgou. Le décorticage ou l'enlèvement du péricarpe se fait de façon mécanique à l'aide d'un décortiqueur de type Engelbert3(*) et la fortification en fer est manuelle (voir le processus en annexe 1).

Le caractère nouveau de cette plate-forme et des services qu'elle offre fait d'elle une innovation. Une phase d'expérimentation de l'innovation a été effectuée entre octobre 2009 et juin 2010 dans le but d'évaluer son adaptation aux réalités alimentaires du village. Pour cette raison, vingt-quatre ménages contenant au moins un individu anémié4(*) ont été retenus pour décortiquer mécaniquement et fortifier en fer gratuitement le sorgho avant de préparer le repas. Avant le démarrage de la phase d'exécution proprement dite du projet, au cours de laquelle les services offerts par la plate-forme seront désormais payants et son accès sera donné à toute la population, quelques questions méritent d'être posées. Tous les ménages du village accepteront-ils décortiquer mécaniquement et fortifier leur sorgho avant de préparer le repas, dans le but d'améliorer leur statut en fer ? Accepteront-ils payer pour le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho ?  Et quels montants sont-ils prêts à payer pour ? Quels sont les facteurs qui influencent cette décision de décortiquer, fortifier le sorgho et payer pour cela ? Quels sont les facteurs qui influencent le montant que les ménages se proposent de payer ? Ces montants suffiront-ils pour couvrir les charges de fonctionnement de la plate-forme ?

C'est dans la perspective de contribuer à répondre à ces questions, que la présente étude intitulée « Prédisposition à adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho : cas des ménages consommateurs de dibou du village Thian, commune de Parakou. » a été initiée.

* 1 Troisième Enquête Démographique et de Santé réalisée au Bénin

* 2 La composition en fer : sorgho 4mg/100g ; maïs 3mg/100g ; blé 4mg/100g ; riz brun 3mg/100g (tiré du cours de chimie des céréales donné par Kayodé dans le département de nutrition et sciences alimentaires.

* 3 Fabriqué au Bénin par le Centre de Recherche en Technologie Agricole (CRTA).

* 4 : La procédure d'identification des anémiés se trouve en annexe 2

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote